Développé par le studio français indé DigixArt en étroite collaboration avec le mythique studio d'animation Aardman (pour rappel, les papas de Wallace & Gromit !), 11-11 Memories Retold a pour toile de fond la guerre de 14-18, mais développe une approche à la fois touchante et originale. Le coeur du titre, disponible le 9 novembre, est avant tout basé sur des échanges épistolaires.
Ci-dessous, le Story Trailer du jeu...
En juin dernier, lors du salon de l'E3, nous avons eu ainsi le plaisir de longuement nous entretenir avec le créateur du jeu, Yoan Fanise, dont nous avons mis en ligne l'interview et que vous pouvez retrouver ici. Mais nous avons également pu nous entretenir un peu avec Elijah Wood, qui prête sa voix à l'un des deux personnages principaux du jeu. Un échange qui fut aussi l'occasion de vérifier que l'intéressé sait vraiment de quoi il parle lorsqu'il évoque les jeux vidéo; un de ses domaines de prédilection préférés en dehors de son métier d'acteur; au point d'ailleurs d'avoir conclu un partenariat avec l'éditeur Ubisoft pour développer un jeu pensé et conçu (avant tout) pour la VR, Transference. Et lorsqu'en plus l'intéressé nous cite spontanément en coups de coeur des jeux comme Kentucky Route Zero et What Remains of Edith Finch, deux vraies pépites indé, on se dit qu'il a bon goût. Entretien.
AlloCiné : vous avez déjà eu l'occasion de prêter votre voix à plusieurs reprises pour des jeux vidéo. Comment avez-vous été impliqué sur "11-11 Memories Retold" ?
Elijah Wood : le plus traditionnellement du monde en fait. On m'a contacté, et m'a donné quelques informations sur le jeu ; je crois que c'était une sorte de petit making of du jeu. Au-delà de son beau sujet, ce qui m'a aussi séduit, c'était le fait que le studio Aardman soit associé à la création de ce jeu. Un studio que j'adore et qui fait des œuvres absolument géniales. Le style visuel de ce jeu est assez unique. Ce qui est intéressant aussi, c'est qu'il s'agit d'un jeu sur fond de guerre, mais où la narration est prépondérante, sans oublier que les combats ne constituent absolument pas le coeur du jeu , avec cette idée où deux personnages opposés doivent malgré tout « travailler » ensemble. Toutes ces raisons faisaient que je trouvais le projet très motivant, en plus d'avoir un cachet global que j'ai rarement vu dans un jeu vidéo.
Pouvez-vous nous parler du personnage auquel vous prêtez votre voix ?
Bien sûr ! Il s'appelle Harry, et il est canadien, photographe, mobilisé durant la Grande Guerre. Il pense qu'en tant que photographe, il ne pourra pas assister aux combats ; en tout cas rien d'intense. Au cours de ses mésaventures, il finit par se retrouver coincé avec un soldat allemand. L'histoire tourne donc autour de cette rencontre, des liens qu'ils sont amenés à tisser. Je ne peux malheureusement pas en dire davantage, car je risque de spoiler ! Je suis désolé !
Au-delà de votre précédent travail de doublage sur certains jeux, quelle est votre connexion personnelle aux jeux vidéo ?
J'ai toujours grandi avec, depuis mes 5-6 ans ! Dans ma famille, on en a toujours eu, depuis l'époque de la fameuse console ColecoVision, les consoles Atari, toutes les Nintendo, ect. Jusqu'à l'âge adulte. Et je joue beaucoup, à toutes sortes de jeux d'ailleurs, que ce soit sur consoles mais aussi sur PC. Mon frère aîné Zach travaille même dans l'industrie des jeux vidéo, en les produisant notamment. Donc vraiment, ca fait clairement partie de mon ADN !
"11-11 Memories Retold" est un bon exemple de collaboration entre l'industrie du jeu vidéo et un fameux studio d'animation, avant tout connu pour faire des films. Pensez-vous que ces deux industries devraient davantage collaborer pour développer des projets de ce type ?
Ah oui, absolument, surtout lorsqu'il s'agit de créer des projets aussi excitant que celui-ci ! Vous savez, il existe malheureusement encore trop peu d'exemples de scénaristes de films s'étant impliqué dans l'écriture de jeux vidéo, et le constat ne concerne pas seulement cette profession, mais aussi la plupart des postes en cours dans l'industrie du cinéma. La force du cinéma d'animation justement, c'est d'être aux confluents de ces deux industries, notamment parce que les techniques employées sont très similaires. Au-delà de cet exemple précis, il faut se rendre à l'évidence. Les collaborations passées entre l'industrie du film et celle du jeu vidéo ont rarement été brillantes ou, en tout cas, ont rarement fonctionné.
Il faut traiter les jeux vidéo avec respect et sérieux ; ils le méritent !
En y pensant, un très bon exemple de talent capable d'évoluer dans les deux univers est Andy Serkis et son implication dans la Performance Capture.
C'est très juste ! En y réfléchissant, il y a aussi le studio de cinéma Annapurna qui fait de très belles choses également dans les jeux vidéo, depuis qu'ils ont créé une division consacrée au développement de projets interactifs en 2016. Ils sont par exemple derrière de superbes jeux indés comme « Kentucky Route Zero » ou le fantastique jeu d'aventure « What Remains of Edith Finch ». Je pense qu'il y aura très probablement de plus en plus d'exemples de ce type dans les années à venir. Ces dernières années, on est quand même sorti de plus en plus du désastreux schéma du « jeu vidéo adapté du film, lui-même adapté de... ». En clair, le jeu vidéo comme simple produit dérivé marketing d'une œuvre cinématographique. Ceux qui font les films ne s'occupent plus des jeux vidéo ; la séparation entre les deux est devenue claire, et ça c'est un progrès, parce que le plus souvent, ceux qui font les films n'accordent pas d'intérêt à leurs pendants vidéoludiques ; exception faite peut-être de Peter Jackson lorsqu'il a été étroitement associé avec Ubisoft pour le jeu King kong, adapté de son film. Il faut traiter les jeux vidéo avec respect et sérieux ; ils le méritent ! Il est aussi arrivé qu'on fasse des jeux vidéo adaptés de films alors que ca ne s'y prêtait pas du tout, et à l'inverse il y a des tas de films qui pourraient faire des jeux déments s'ils étaient transposés dans un univers vidéoludique !
Dans l'industrie du cinéma, et depuis de nombreuses années maintenant, jamais nous n'avons eu autant de remakes, reboots, prequels, spin off, ect… Les Majors prennent de moins en moins de risques. On observe un schéma similaire dans les jeux vidéo, au moins dans les productions « AAA » : jamais il n'y au eu autant de suites. Quel est votre sentiment là-dessus ?
La comparaison entre les deux est effectivement tout à fait valable de ce point de vue. Cela dit, il y a aussi encore tout un cinéma labellisé « indépendant », capable d'être ultra créatif parce que justement dopé par un manque de moyens évident, mais bénéficiant d'une liberté créatrice importante, où personne n'est là pour leur dicter quoi que ce soit.Tout comme dans les jeux vidéo, où l'on a jamais eu autant de productions et de créations issues de studios indés. C'est une industrie vraiment puissante d'un point de vue créatif. Je trouve que les créations vidéoludiques indés produisent régulièrement de fantastiques pépites. Et elles sont beaucoup aidées par la multiplications des plateformes où on les trouve, comme Steam sur PC. J'ajoute d'ailleurs qu'il y a de grosses sociétés comme Namco Bandai justement, qui souhaitent aussi, au-delà des titres « AAA », financer des projets beaucoup plus modestes mais artistiquement très intéressants, comme ils ont pu le faire avec « Little Nightmares » [NDR : un jeu développé par le studio indé Tarsier Studio, édité en 2017 par Bandai Namco]. Je pourrai d'ailleurs tout aussi bien parler de mon jeu Transference, développé pour la V.R., que nous avons créé avec le soutien d'Ubisoft, un géant de l'industrie vidéoludique, qui n'a pas hésité à s'associer au développement d'un jeu quand même très étrange et expérimental !
Le jeu sort quelques jours avant les célébrations du centenaire de la fin de la guerre 14-18. Et justement, qu'est-ce que cette guerre signifie pour vous, en tant qu'américain ?
Wow ! Ca c'est une question vraiment difficile ! (il réfléchit) La Seconde guerre mondiale est quelque chose qui est encore très ancrée dans la mémoire collective américaine ; sans doute aussi parce que nous sommes nombreux à avoir eu un grand-père ou un arrière grand-père qui a fait cette guerre, contrairement à la Première guerre mondiale, qui ne représente vraiment qu'un souvenir très lointain, pour ne pas dire presque oublié. Les gens ont oublié le comment du pourquoi elle a éclaté. D'ailleurs, il n'y a pas eu tant que ça de films sur cette période, et je ne parle pas des jeux vidéo où ca reste un sujet assez inabordé. Aux Etats-Unis, on surnomme ceux et celles qui se sont battus durant la Seconde guerre mondiale « The Greatest Generation ». Pour nous, les lignes de partage étaient claires dans cette guerre, entre ce qui était bien et ce qui était mal, ce qui n'était pas autant le cas avec la Première guerre mondiale je crois. C'est pour cela que raconter une histoire comme le fait « 11-11 Memories Retold », qui s'appuie aussi sur des données factuelles, est vraiment une initiative intéressante.