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    John Carpenter : "On dit souvent que les vies américaines n’ont pas de deuxième acte. C’est faux."

    Maître du fantastique des années 1970 au début du XXIème siècle, "Big" John Carpenter est désormais en tournée avec ses musiques de films. A l’occasion de son concert à la salle Pleyel le jeudi 11 octobre 2018, il répond à nos questions.

    Echo Lake Productions

    AlloCiné : Vous avez été adulé en tant que cinéaste, vous êtes aujourd’hui applaudi pour vos musiques. Comment se passe cette reconversion ?

    John Carpenter : C’est génial, fabuleux. Je ne sais plus qui a dit ça, la phrase est célèbre : les vies américaines n’ont pas de deuxième acte. C’est faux, puisque j’en ai un. Je ne pouvais pas rêver mieux.

    Sur scène, vous jouez avec votre fils Cody et votre filleul Daniel Davies, fils du guitariste des Kinks et donc neveu de leur chanteur. Quel est le rapprochement entre vous ?

    Il est dû au hasard. Dave Davis, le guitariste des Kinks, est un bon ami depuis longtemps. Je suis devenu très proche de la famille Davis et me voilà parrain de Daniel, qui joue avec moi sur scène. C’est un lien tout simple.

    C’est votre père qui vous a enseigné la musique et maintenant vous jouez avec votre fils. Une affaire de famille, en somme !

    L’amour de la musique m’a été transmis par mon père, effectivement. C’est lui qui m’en a appris les bases. C’est là que tout a commencé. Et maintenant, je le transmets à mon fils et à mon filleul. Nous contribuons tous à cet édifice musical en apportant nos différentes aptitudes. C’est ce qui m’amuse le plus. Nous avons déjà signé plusieurs albums ensemble [Lost Themes, Lost Themes II, Anthology: Movie Themes 1974 1998 ainsi que la bande originale de Halloween, version 2018, ndlr]. C’est une entreprise très joyeuse et conviviale. C’est le bonheur, je ne peux pas dire le contraire !

    Comment composez-vous les thèmes si célèbres de vos films ? Avez-vous déjà une idée de ce que vous voulez avant de tourner ? Filmez-vous avec de la musique en tête ?

    Je compose toujours après le tournage. Tous mes morceaux s’accordent à l’image qui doit venir la première. Ensuite, la plupart du temps, j’improvise. Il n’y a pas de recette. Il faut commencer par le début. Le plus dur, c’est de s’y mettre. Je compose toujours mes musiques dans l’ordre chronologique du film. Mon travail, à ce moment-là, c’est d’habiller les images. Il faut que la musique mette en valeur la dramaturgie de chaque scène avec tout le nécessaire. Et ça, ça ne se planifie. Je commence toujours au clavier, puisque c’est l’instrument que je maîtrise. Mais, comme je joue du synthétiseur, je peux l’adapter à l’instrument que je veux en changeant le son.

    Sur scène, vous interagissez directement avec votre public, ce qui n’était pas le cas lorsque vous étiez derrière la caméra. Ça vous plaît ?

    J’adore ça. Et, plus particulièrement, j’adore avoir enfin une chance d’essayer de plaire aux filles, dans le public ! (Rires) Vous ne vous rendez pas compte, mais j’ai passé toute ma carrière dans le milieu du cinéma qui est vraiment un monde de mecs. Voir enfin d’autres visages, c’est rafraichissant. Elles sont assises là, elles sourient, c’est si agréable. Ça change. On verra si elles seront au rendez-vous à Paris !

    Préférez-vous être applaudi en tant que cinéaste ou en tant que musicien ?

    Difficile de choisir, mais mon premier amour a toujours été et sera toujours le cinéma. C’est ce que j’ai voulu faire depuis mon plus jeune âge et c’est mon âme. La musique vient tout de suite après, mais n’est tout de même pas au même niveau, chez moi.

    Il y a des compositeurs de cinéma dont vous admirez particulièrement le travail ?

    Il y en a tellement… Mais, de tous les compositeurs, je dois admettre que mon préféré, c'est Hans Zimmer. J’adore tout ce qu’il fait. Ceci dit, mes premières amours remontent à plus longtemps. Les compositeurs de ma jeunesse dont j’étais fan s’appelaient Bernard Herman (Citizen Kane, Psychose), Dimitri Tiomkin (Le Train sifflera trois fois, Rio Bravo). La bande originale de Planète Interdite m’a toujours beaucoup influencé. Dans les années 1970 et 1980, j’ai aussi beaucoup aimé tout le travail de Tangerine Dream (Sorcerer, Risky Business).

    Je ferai un film bientôt. D’ailleurs, je travaille actuellement sur plusieurs projets.

    Comme vous pouvez vous en douter, vous manquez beaucoup aux cinéphiles. Avez-vous envie de tourner à nouveau ? Y aura-t-il un nouveau film de John Carpenter un jour ?

    Absolument ! Je ferai un film bientôt. D’ailleurs, je travaille actuellement sur plusieurs projets. Il faut juste que plusieurs planètes s’alignent, avec un budget adéquat et des challenges acceptables, parce que je suis un vieil homme, maintenant. Je ne peux pas m’atteler à des projets trop difficiles. Il faut que je me ménage un peu. Mais, bien sûr : je vais revenir à la réalisation ! Peut-être à la télévision aussi, d’ailleurs. Tout est possible.

    Avez-vous été approché par des plateformes type Netflix pour produire de nouvelles choses ?

    Pas encore, mais on y travaille aussi. Je ne sais pas : on verra.

    On sait que vous préparez une série intitulée Tales For A Halloween Night avec votre épouse Sandy King. Ça avance ?

    C’est l’un de mes nombreux projets, mais pour le moment, c’est au point mort. Personne ne se propose pour la diffuser. Mais on verra bien ! On ne sait jamais comment ces choses-là évoluent. Malheureusement, il est trop tôt pour vous révéler quoi que ce soit, j’en suis désolé.

    Vous qui êtes le Maître du fantastique sur grand écran, que pensez-vous de ce que vous voyez dans le genre de nos jours ?

    J’aime beaucoup le cinéma fantastique, en ce moment. Quelques longs métrages m’ont vraiment marqué, ces derniers temps. Il y a des cinéastes incroyables ! Je n’arrive pas à croire que, l’an passé, un film fantastique ait gagné l’Oscar du meilleur film : c’était La Forme de l’eau - The Shape of Water de Guillermo del Toro. Il y avait un monstre dedans. C’est génial ! Comment peut-on faire mieux ? C’est une époque formidable, pour le cinéma d’horreur.

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    Peu de gens le savent, mais un de vos premiers projets a été couronné d’un Oscar. Je veux bien sûr parler du scénario que vous avez écrit en 1970 pour le court métrage The Resurrection of Broncho Billy. Ça vous rappelle quelque chose ?

    C’était un projet de fin d’étude au département cinéma de mon université. La consigne était de s’associer à d’autres étudiants et d’écrire un film tous ensemble. J’étais aussi monteur et 1er assistant réalisateur sur ce film. On était tous très polyvalents, sur ce tournage. Et le film a gagné l’Oscar du meilleur court métrage ! C’était la fête !

    Si un étudiant en cinéma venait vous demander conseil, que lui diriez-vous ?

    Je lui dirais qu’il vit à la meilleure époque pour s’y mettre. Aujourd’hui, on peut faire un film pour presque rien avec la technologie moderne, en se servant des caméras numériques. Le matériel est devenu très bon marché. En se débrouillant bien, chacun peut faire son propre film de bout en bout. Un ordinateur suffit pour le montage. Ensuite, il est prêt à être diffusé. Franchement, j’aurais aimé pouvoir profiter de tout ça quand j’étais jeune.

    Ça vous arrive de regarder des choses qui s’inspirent ouvertement de votre cinéma, comme la série Stranger Things ou les remakes de vos propres films ?

    Oui, ça m’arrive de temps en temps. Je n’ai pas encore regardé Stranger Things, mais ce n’est pas exclu que je le fasse. Mais, juste pour satisfaire ma propre curiosité… produisez-vous du cinéma d’horreur, en France ?

    Ça nous arrive, même si ça s’adresse à un tout petit public et que les financements sont compliqués à réunir.

    C’est dingue que, même chez vous, l’argent soit la principale préoccupation des producteurs. Franchement, vous avez les talents suffisants pour vous y mettre. J’adore le cinéma français et je sais que vous êtes doués. Vous, par exemple : pourquoi vous ne tournez pas de films ?

    J’imagine que les gens comme moi deviennent journalistes de cinéma pour célébrer le travail de gens comme vous. C’est aussi ce qui explique cette vague de films et de séries qui revendiquent votre héritage. Comptez-vous les regarder tous un jour ?

    Honnêtement, je préfère me consacrer à mes hobbies. En ce moment, je suis passionné par le basket-ball que je suis de très près. Je passe aussi beaucoup de temps à jouer à des jeux vidéo !

    A quoi jouez-vous, par exemple ?

    En ce moment, j’attends le prochain "Fallout 76" avec impatience. Il y a aussi le nouvel "Assassin’s Creed" qui va se passer en Grèce ! Ça va être super.

    Les gens vont voir des trucs qui se passent dans l’espace ou des films de superhéros, maintenant. Les westerns, c’est fini.

    Red Dead Redemption 2, ça ne vous tente pas ?

    Pas vraiment, parce que je n’ai jamais très bien réussi à maîtriser le premier. Je suis un peu nul, sur cette franchise.

    C’est drôle, pourtant vos films sont souvent construits comme des westerns. D’ailleurs, pourquoi n’en avez-vous jamais tourné un ?

    Parce que c’est un genre qui est tombé en désuétude et qui n’est plus très populaire, aujourd’hui. Le public les boude. Les gens vont voir des trucs qui se passent dans l’espace ou des films de superhéros, maintenant. Les westerns, c’est fini. Quand j’étais jeune, le genre était presque synonyme de cinéma, mais la roue a tourné. C’est la pire réponse possible, mais c’est comme ça. Pourtant, j’aurais plein d’idées pour tourner des westerns, mais le public ne serait pas au rendez-vous. En plus, le boulot que ça représente serait trop difficile pour moi, aujourd’hui ! (Rires)

    Vous nourrissez aussi une passion pour un réalisateur qui a signé de grands westerns : Howard Hawks. Qu’est-ce qui vous a séduit, dans son cinéma ?

    Difficile de savoir quand ça a commencé. A un moment de ma vie, je me suis retrouvé à enchainer un certain nombre de films de Hawks et je me suis dit que le mec était génial. Comment j’avais pu l’ignorer jusque-là ? Je connaissais Hawks et j’avais déjà vu certains de ses films, mais je n’avais jamais pensé à lui en tant qu’auteur. Je suis un immense fan de son travail et certains de ses films font partie de mes préférés. Je m’en sers d’ailleurs régulièrement dans les miens. Assaut est un remake de Rio Bravo. J’aime aussi sa façon de mettre des personnages féminins forts dans ses films. Je l’ai fait aussi, mais pas systématiquement. Bref : les films de Hawks sont essentiels à l’histoire du cinéma.

    Splendor Films

    Votre collaboration avec le comédien Kurt Russell est légendaire. Ensemble, vous avez créé ce personnage de Snake Plissken dans New York 1997 et Los Angeles 2013. Est-ce qu’il reviendra dans un troisième volet ?

    Ce n’est pas dans les tuyaux pour le moment, mais dans l’industrie du cinéma, on ne dit jamais que ça ne se fera pas. (Rires)

    D’autre part, nous avons appris que Dwayne Johnson veut reprendre le rôle de Jack Burton. Vos fans trouvent l’idée inadmissible. Comment réagissez-vous ?

    Je ne sais vraiment pas quoi en penser. Qu’est-ce que ça va donner ? Dwayne Johnson a du talent, c’est certain ! Mais j’ai du mal à l’imaginer dans la peau de Jack Burton. Je ne suis pas sûr que ça colle. Mais ça ne veut rien dire : il faut voir le résultat avant de se prononcer.

    Le nouvel Halloween, dont vous avez-fait la bande originale, sort dans peu de temps. Vous en êtes aussi le producteur, n’est-ce pas ?

    Oui, mais j’étais surtout là pour donner des conseils. Après, ils les ont suivis ou pas. J’ai contribué comme référent sur l’histoire originale. Le film est formidable, je suis très impressionné par ce qu’ils ont fait. Tous les fans celui de 1978 l’aimeront certainement, surtout pour l'interprétation de Jamie Lee Curtis. Elle est époustouflante, dans cet épisode !

    De toute votre carrière, quel serait votre film préféré ?

    Je les aime tous pour des raisons différentes. Quand on travaille dur sur un projet, on aime le voir se concrétiser. Mais moi, je ne peux pas choisir parmi mes propres films. C’est à vous de le faire.

    La bande annonce d'Halloween de David Gordon Green

     

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