IL N’A QUE 70 ANS !
Certes, l’éternel crâne dégarni, la chevelure grisonnante et la petite moustache arborée par John Carpenter ont pu laisser penser que le Big John était bien plus âgé. Sa longue absence des salles obscures n’aide pas non plus à imaginer le cinéaste suffisamment jeune pour continuer à faire des films. Pourtant, à 70 ans, John Carpenter est plus alerte que jamais. Il monte régulièrement sur scène pour donner des concerts, il joue aux jeux vidéo avec son fils et alimente régulièrement son compte Twitter. Et s’il a déserté les salles obscures, c’est surtout parce qu’il est fâché avec le box-office depuis trop longtemps.
Découvrez la bande annonce de The Ward, son dernier long métrage :
SON PREMIER FILM A EU UN OSCAR
Encore étudiant à l’Université de Californie du Sud, John Carpenter a écrit le scénario, monté et composé la musique d’un court métrage appelé The Resurrection of Broncho Billy, réalisé par son camarade James R. Rokos. Ce western de 23 minutes auquel Ricky Nelson (Rio Bravo) prête sa voix off tape dans l’œil de l’Académie des Oscars en 1971 et remporte la statuette du meilleur court métrage. Le seul long métrage de John Carpenter qui trouvera les grâces de l’Académie sera Starman pour son acteur principal, Jeff Bridges, nommé à l’Oscar du meilleur acteur.
The Resurrection of Broncho Billy, dans son intégralité :
JOHN CARPENTER ET LES JEUX VIDEO
Que fait Big John entre deux tournages ? Eh bien il joue aux jeux vidéo, et pas qu'un peu ! C'est en 1991 que le cinéaste s'est découvert une passion pour les jeux vidéo, en jouant avec son fils à Sonic sur Megadrive. Depuis, le virus ne l'a jamais quitté. La saga des jeux "Assassin's Creed" d'Ubisoft, la franchise des "Rayman", celle de "Silent Hill", les Survival Horror "Dead Space", "Bioshock", les pépites vidéoludiques du studio Naughty Dog – en particulier "The Last of us" que Carpenter élève au rang de classique instantané, le côté défouloir des jeux "Borderlands" et ses environnements post-Apo que n'aurait pas reniés son Snake Plissken de New York 1997… Tous les jeux et types de jeux passent entre les mains expertes du réalisateur. "J'aimerais un jour créer un jeu vidéo" a-t-il même dit en 2013 dans une interview donnée au site spécialisé Giant Bomb. En fait, il y a un précédent : Carpenter a en effet été associé à la production des cinématiques In Game du jeu d'horreur "F.E.A.R 3" sorti en 2011. Une contribution modeste, en attendant peut-être un jour une véritable implication et incursion du maître de l'horreur dans ce medium qu'il affectionne tant. Un amour réciproque d'ailleurs, tant les studios de développement n'en finissent pas de citer Carpenter comme une influence majeure dans la création de l'univers de certains jeux. Voire même dans l'adaptation de ses films en jeux, comme celle de "The Thing", sortie en 2002.
Ci-dessous, notre émission Game in Ciné de juin 2011, justement consacrée au jeu "F.E.A.R 3", dans laquelle Big John revenait sur son expérience, aux côtés de Steve Niles, scénariste sur le jeu (et notamment auteur du script 30 jours de nuits) :
IL N’A PAS ECRIT LA MUSIQUE DE TOUS SES FILMS
Certes, John Carpenter n’est pas qu’un cinéaste. Il a aussi signé la musique de la plupart de ses longs métrages. Certaines, comme celles de Halloween, New York 1997 ou Assaut sont devenues légendaires. Mais John Carpenter a parfois su s’entourer de grands compositeurs, comme pour Starman, dont la bande originale est signée Jack Nitzsche, oscarisé en 1982 pour Officier et gentleman. Les musiques des Aventures d'un homme invisible et de The Ward ont été imaginées respectivement par Shirley Walker et Mark Kilian. Plus étrange : pour la légendaire musique de The Thing, John Carpenter a fait appel à l’immense Ennio Morricone. Résultat : une nomination de plus aux Razzie Award de la pire musique de l’année 1982 pour le maestro italien, déjà cité dans la catégorie pour la musique du film Butterfly de Matt Cimber.
Ecoutez la bande originale de The Thing par Ennio Morricone :
SAUREZ-VOUS TROUVER BIG JOHN ?
Comme beaucoup de cinéastes, John Carpenter a fait de petits caméos dans ses films, souvent pour se dissimuler dans une foule et économiser ainsi le cachet d’un figurant. Que ce soit en membre de gang dans Assaut ou en pilote d’hélicoptère dans Les Aventures d’un Homme Invisible, JC s’invite régulièrement dans ses propres films. Mais l’autocitation est parfois plus astucieuse, comme dans Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin : au moment où le méchant Thunder disparait dans un fracas d’éclairs, quelques branches du dernier courant électrique forment un idéogramme chinois signifiant : "Charpentier" ou "Carpenter" en anglais ! Il n’est pas non plus rare que le cinéaste officie à différents postes sur ses longs métrages (en tant que monteur, par exemple) sous des pseudonymes choisis dans ses œuvres favorites…
Découvrez ce clin d'oeil au cinéaste dans notre épisode de Faux Raccord :
CHRISTINE : UNE ADAPTATION TOURNEE A CONTRECOEUR
A la suite de l’échec public et critique de The Thing, John Carpenter accepte d’adapter au cinéma un roman de Stephen King nommé Christine. Le cinéaste en parlera ensuite comme du film qu’il aime le moins de sa filmographie, réalisé uniquement sur commande de la Colombia dans l’espoir de continuer sa carrière à Hollywood. Avec cette histoire de voiture qui tue par jalousie pour son propriétaire, John Carpenter renoue avec la presse et avec les spectateurs. L’accueil est chaleureux aux Etats-Unis comme en France, où il réalise son deuxième plus gros succès au box-office après New York 1997. Il compose par la même occasion l’une de ses plus belles musiques pour le film. Trente-cinq ans plus tard, cette adaptation cinématographique de Stephen King est considérée comme l’une des meilleures à ce jour.
En 2017, John Carpenter retrouve tout de même Christine le temps d'un clip :
TEAM LOVECRAFT
Si son expérience avec Stephen King ne lui a pas laissé un souvenir agréable, c’est plutôt vers Howard Phillips Lovecraft que se tourne la dévotion du cinéaste. En hommage à ce maître de la littérature fantastique, John Carpenter a tourné un film entièrement consacré à l’univers et à la méthode de travail troublante de cet écrivain, d’après un scénario rédigé par le producteur Michael De Luca. Intitulé L’Antre de la folie, ce long métrage met en scène Sam Neil dans la peau d’un romancier de littérature fantastique dépassé par le succès de son œuvre et piégé par ses propres intrigues.
La bande annonce de L'Antre de la folie :
JOHN CARPENTER ET KURT RUSSELL : UN UNIVERS CONNECTE
Le réalisateur et son acteur fétiche ont collaboré cinq fois ensemble : d’abord avec le téléfilm à succès Le Roman d'Elvis (biopic de trois heures sur le King en 1979), puis avec les célèbres New York 1997 (1981), The Thing (1982), Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin (1986) et enfin Los Angeles 2013 (1996). Les personnages incarnés par le comédien pour le cinéaste sont devenus tellement cultes que deux d’entre eux sont revenus dans un comic-book Big Trouble in Little China / Escape from New York, paru chez BOOM! Studios en septembre 2017.
Pour tout savoir sur New York 1997, regardez notre épisode de "Merci Qui ?" :
UNE VERITABLE PASSION POUR HOWARD HAWKS
John Carpenter voue un culte particulier au cinéaste Howard Hawks. La preuve : Ricky Nelson vu dans Rio Bravo prêtait sa voix au premier court métrage sur lequel le cinéaste a travaillé (The Resurrection of Broncho Billy, 1970). Plus tard, son premier long métrage commercial financé par deux producteurs indépendants Joseph Kaufman et J. Stein Kaplan, Assaut sera une libre modernisation du scénario de Rio Bravo, se déroulant dans un commissariat des années 1970. John Carpenter en exécute d’ailleurs lui-même le montage sous le pseudonyme John T. Chance, nom que portait le personnage de John Wayne dans le même Rio Bravo.
Mais la filiation ne s’arrête pas là puisque six ans plus tard, Big John va tourner un autre remake d’un film produit par Howard Hawks : La Chose d’un autre monde (1951). Et si le film a toujours été crédité au cinéaste Christian Niby, c’est un secret de polichinelle à Hollywood que Hawks a repris les rênes d’un long métrage qui partait en eau de boudin. Ainsi naît The Thing (1982), un des longs métrages les plus personnels du cinéaste, totalement boudé à sa sortie. Il a depuis été réévalué par les cinéphiles et figure aujourd’hui souvent dans la liste des plus grands chefs d’œuvre horrifiques de l’histoire du cinéma.
Pour John Carpenter, Howard Hawks se distingue des autres cinéastes classiques en ayant inventé l’archétype de l’anti-héros. Même si le réalisateur admire de nombreuses grandes figures du cinéma des années 1940 et 1950, sa préférence pour Hawks est assumée. Dans le premier numéro hors-série du magazine Mad Movies qui lui était consacré, John Carpenter déclarait (en page 7) : "J'apprécie John Ford, mais je n'aime pas son sentimentalisme, son romantisme, ni son respect pour les valeurs morales. Les films de Hawks sont plus ambigus."
Heureuse coïncidence, le deuxième prénom de John Carpenter est celui de son père et de son réalisateur favori : Howard.
La bande annonce d'Assaut, librement inspiré de Rio Bravo :
CLINS D’ŒIL ET FILIATION
Chaque film du maître de l’horreur trouve sa source dans d’autres grands classiques du cinéma, depuis son premier téléfilm, Meurtre au 43e étage, véritable hommage à la carrière d’Alfred Hitchcock et plus particulièrement à Fenêtre sur cour. Même si Carpenter a souvent déclaré le style d’Hitchcock trop glacial pour lui, il s’est tout de même férocement inspiré de Psychose pour tourner Halloween qui, selon sa propre intention, devait être un "Psychose surnaturel". Evidemment, ce n’est pas non plus un hasard si Jamie Lee Curtis, la fille de Janet Leigh, inoubliable Marion Crane de Psychose, incarne le premier rôle du film de Carpenter. La mère et la fille seront d’ailleurs réunies dans le film suivant du réalisateur : Fog, librement adapté de la série B des années 1950 The Trollenberg Terror.
Avec le comédien Lee Van Cleef dans New York 1997, c’est évidemment à la filmographie de Sergio Leone que Big John fait un clin d’œil. C’est aussi de manière très assumée que Starman est une version adulte de E.T. – L’extra-terrestre et que Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin est un hommage au cinéma hongkongais, et plus particulièrement à Zu, les guerriers de la montagne magique de Tsui Hark.
Dans les années 1990, il accepte de tourner pour le comédien Chevy Chase sa version de l’homme invisible, ainsi qu’un film de Vampires aux forts accents de westerns. Quant aux remakes, hormis Rio Bravo et La Chose d’un autre monde, John Carpenter réalisera une modernisation du Village des Damnés de Wolf Rilla, ainsi qu’une suite / remake de son propre New York 1997 avec Los Angeles 2013.
Apprenez tout sur Halloween avec notre épisode d'"Aviez-vous remarqué ?" :
L’HERITAGE CARPENTER
Avec Paul Verhoeven, John Carpenter est un des cinéastes dont la carrière a été la plus revisitée. Son Halloween a donné lieu à de nombreuses suites plus ou moins honteuses avant d’être rebooté par Rob Zombie. Assaut a aussi été remanié par le Français Jean-François Richet avec Assaut sur le Central 13. Fog également, en 2005, par Rupert Wainwright en 2005. Quant à The Thing, on se souvient du prequel sorti en 2011 par Matthijs van Heijningen Jr., centré sur l’équipe de chercheurs Norvégiens qu’on découvre au début du film de John Carpenter, à la poursuite d’un chien qui traverse le pôle Sud.
Depuis plusieurs années déjà, la 20th Century Fox annonce la mise en chantier prochaine d’un reboot de New York 1997.
La bande annonce de Fog par Rupert Wainwright en 2005 :
TRICKS & TREATS
Si de nombreux films de John Carpenter sont aujourd’hui célébrés, Halloween est celui qui a été le plus vu, revu, corrigé, pillé et revisité. Sept suites ont vu le jour entre 1981 et 2002. En 2007, le réalisateur Rob Zombie reprend la franchise à zéro et signe deux films... que John Carpenter déteste cordialement. En 2018, c’est reparti : une nouvelle suite au film d’origine est sur le feu. Derrière la caméra : David Gordon Green. Au scénario : Danny McBride. A la production : Jason Blum et – surprise – Carpenter lui-même, de retour dans la saga. Oubliez tous les films depuis le premier, ce nouvel opus devient donc la seule suite officiellement reconnu par le maître de l’horreur, qui en composera peut-être la musique. D’ailleurs, comme le confessait encore récemment Big John au site Rotten Tomatoes, il n’a lui-même pas vu toutes les suites sorties à ce jour :
"Ça fait longtemps que je parle des Halloween, les suites – je ne les ai pas toutes vues. Je ne sais même pas ce qui s’y passe vraiment. Finalement, je me suis dit : si je suis en train de ruminer là, en parlant de ces films, pourquoi est-ce que je n’essayerais pas de les rendre aussi bons que possible ? Je pourrais donner des conseils. Je pourrais discuter avec le metteur en scène. D’ailleurs, je l’aime beaucoup. J’aime aussi le scénario. Alors, vous voyez, je vais arrêter de jeter des pierres depuis le banc de touche et mettre les mains dans le cambouis."
Rappelons qu’en 1981, John Carpenter avait déjà – certes à contrecœur – produit et composé la musique pour la première suite de Halloween. Dans la suite de 2018, attendue pour le 24 octobre, soit quarante ans après le premier, Jamie Lee Curtis reprendra son rôle de Laurie Strobe pour la cinquième fois.
La bande annonce de Halloween II
JOHN CARPENTER LIVE(S) !
Depuis quelques années, c’est à la scène et aux studios d’enregistrement que se consacre le cinéaste. Son père, professeur de musique, qui lui a enseigné le piano et le violon dès son plus jeune âge. Big John a déjà sorti trois albums de 2015 à 2017 : Lost Themes, Lost Themes II et Anthology: Movie Themes 1974 1998 où il réorchestre ses plus belles bandes originales.
Il se produit sur scène avec son fils Cody au clavier et son filleul Daniel Davies à la guitare. Ce dernier se trouve être le fils du guitariste du légendaire groupe de rock britannique The Kinks, Dave Davies. Le 9 novembre 2016, John Carpenter et son groupe se sont produits sur la scène du Grand Rex à Paris, devant un parterre de fans venus applaudir le Maître de l’Horreur qui a déserté le grand écran.
Pour promouvoir sa musique, John Carpenter est brièvement repassé derrière la caméra le temps d’un clip où il ressuscite la voiture Christine ! Il reviendra prochainement sur le petit écran pour réaliser quelques épisodes de la série Tales for a Halloween Night, adaptée de son propre comic book, pour la chaîne SyFy.
Qui a dit que la carrière de John Carpenter était au point mort ?
John Carpenter joue le thème de New York 1997 avec son groupe, en studio :