Lundi 23 mars 2015. Après quelques rumeurs de plus en plus persistantes, l'information tombe officiellement : FOX va ressusciter X-Files et lui offrir une saison 10 emmenée par David Duchovny et Gillian Anderson, comme au bon vieux temps. Une façon, pour la chaîne américaine, de capitaliser sur une marque déjà connue et d'offrir une seconde chance à la série qui s'était achevée de façon déçevante le 22 janvier 2003. Entre les retours des anciens (l'Homme à la cigarette, Skinner...) et les premières images, tous les voyants sont au vert alors que le show revient sur petit écran le 24 janvier 2016, soit presque treize ans jour pour jour après ses adieux qui n'en étaient finalement pas.
Une longue attente pour un soufflé qui retombe beaucoup plus vite. Avec 8 millions de téléspectateurs en moyenne, les audiences ne sont pas mauvaises. Mais l'intérêt n'est pas au rendez-vous. L'ensemble ne manque pas de qualités, et il en va de même avec la saison 11, diffusée entre janvier et mars 2018 aux États-Unis, mais la mayonnaise ne prend plus autant. Pourquoi ? Comment ? Tentatives d'explication alors que la show vient de fêter ses 25 ans d'existence.
LA MYTHOLOGIE EST DATÉE
Intitulé "La Vérité est ailleurs", le premier épisode de la saison 10 entendait donner le ton. Mais peut-être pas de la sorte : extra-terrestres, complot, croyance contre pragmatisme... Tous les ingrédients sont présents, mais le plat sent le réchauffé. Et c'est sans doute parce qu'il l'est. Si les histoires de gouvernements qui nous cachent des choses, les petits hommes verts et les expériences à la limite du surnaturel avaient du poids en 1993, lorsque Chris Carter nous avait fait découvrir son bébé. Mais l'évolution du monde a depuis rendu X-Files quelque peu obsolète, et il n'est pas étonnant que la show ait commencé à décliner suite au 11-Septembre.
Avec cet attentat, le monde est entré dans une autre ère, plus violente et concrète et où la peur du terrorisme a pris le pas sur les angoisses SF sur lesquelles surfait la série pendant son apogée. Et sa mythologie, fil conducteur qui s'est révélé de moins en moins solide au fur et à mesure des saisons, n'est clairement pas compatible avec internet qui, au même titre que les téléphones portables, a sérieusement nui au suspense depuis son explosion. Aujourd'hui, tout le monde a accès aux informations, et partout, ce qui rend le travail d'enquête de terrain de Mulder et Scully beaucoup plus compliqué et moins efficace. Et plus besoin des deux agents du FBI pour pointer des complots du doigt, puisque n'importe qui peut aujourd'hui le faire, en ligne et en vidéo, ou pour trembler avec des légendes urbaines puisque ces fameuses "creepypastas" fleurissent régulièrement sur la Toile.
Une évolution que la série a légèrement abordée, au moment de son retour, avec le personnage incarné par Joel McHale qui évoque certaines de craintes actuelles (la contamination par la voie des airs, l'engraissement de la population par les grands groupes...). Ou dans le très réussi épisode 4 de la saison 11, qui n'est pas sans rappeler les "fake news" entrées dans le langage courant depuis l'élection de Donald Trump et montre que le thème de la paranoïa a encore de beaux jours devant lui. Mais ce n'est qu'un coup d'épée dans l'eau car X-Files n'a pas réussi à aller au-delà et évoluer pour s'inscrire pleinement dans cette nouvelle époque, donnant parfois trop l'impression de dérouler des épisodes écrits dans les années 90.
La saison 10 en images :
L'INSPIRATION EST AILLEURS
Comme la vérité. Sauf que, pour l'inspiration, le nom des responsables apparaît clairement dans le générique de chaque épisode. Et les scénaristes ont plus d'une fois donné l'impression de tirer à la ligne, comme avec ce twist du début de la saison 11, qui nous apprend que l'Homme à la Cigarette a inséminé Scully en utilisant la "science extra-terrestre", afin de donner naissance au "premier enfant surhumain", et qu'il est donc le père de William (Miles Robbins). Le personnage joué par William B. Davis qui incarne parfaitement l'un des gros problèmes du revival d'X-Files : ce sentiment d'avoir fait le tour des protagonistes.
De Skinner (Mitch Pileggi), qui a droit à un origin story bancale, aux Lone Gunmen, ou plutôt ce qu'il en reste, les différents retours semblent davantage motivés par la volonté de titiller la fibre nostalgique des téléspectateurs (ce qui fonctionne plutôt bien) que faire avancer le scénario et dire de nouvelles choses sur eux. Restent Mulder et Scully, gros point fort de ces nouvelles saisons dont ils constituent le coeur comme depuis le début de la série. À ceci près que les présenter comme un couple fait perdre une partie de l'ambiguïté entre eux. Un défaut que le show parvient à contourner en évoquant, de façon plus ou moins frontale, le temps qui passe, la vieillesse.
Retrouver X-Files, c'est avant tout renouer avec les personnages rendus cultes par David Duchovny et Gillian Anderson, qui parviennent ici à nous faire sentir le poids des années passées et l'usure qu'ils ressentent, et rendent touchant l'épisode 9 de la saison 11. Plus à l'aise dans les "loners" (ces épisodes globalement indépendants de l'intrigue centrale) que dans la mythologie, la série a quand même prouvé que c'est à nouveau lorsqu'elle se tournait vers l'humain qu'elle parvenait à frapper juste. Assez pour que l'on regrette que cela n'ait pas été plus exploité lors du revival.
LA SÉRIE A ÉTÉ PILLÉE DE TOUTES PARTS
Rares sont les séries qui ont révolutionné le médium. Et X-Files en fait partie. Si bien qu'on ne compte plus celles qui s'en sont inspirées, aussi bien sur la forme que sur le fond. On pense notamment aux cinq saisons des Mystères de Haven, d'après les écrits de Stephen king. Ou, plus encore, à Fringe. Dans ses deux premières saisons, jusqu'à ce qu'elle fasse intervenir la notion de mondes parallèles, celle-ci se présentait clairement comme l'héritière du show de Chris Carter, avec ses enquêtes à mi-chemin entre le réel et le surnaturel menées par un duo, et le complot qui flotte au-dessus des têtes d'Olivia Dunham et Peter Bishop.
Des successeurs sur lesquels X-Files n'a pas su dépasser au moment de son retour. Pire : bien qu'efficaces et solides, les épisodes 2 et 7 de la saison 11 rappellent Black Mirror, série qu'elle a très clairement inspirée. Difficile aussi de ne pas penser que Mulder et Scully auraient eu leur place dans l'univers de Channel Zero et son exploration des "creepypastas", ces légendes urbaines en vogue sur internet. Comme le roman "John Carter", qui a inspiré Star Wars alors que son adaptation ciné est arrivée bien après, X-Files s'est retrouvée confrontée à sa propre influence et n'a pas su reprendre la main, prouvant un peu plus qu'elle avait davantage sa place dans les années 90 qu'en 2016.
La saison 11 en images :
Le bilan est donc négatif. Ou plutôt mitigé, car certaines choses fonctionnent encore un peu : le duo Mulder - Scully et la nostalgie de les retrouver sur petit écran, qui nous renvoie à l'époque de la Trilogie du Samedi sur M6. Ou les bonnes idées à l'oeuvre dans quelques-uns des loners, beaucoup plus réussis dans l'ensemble que les épisodes censés faire avancer la mythologie. Même s'il évoque Black Mirror, "RM9SBG93ZXJZ" n'est reste pas moins le plus réussi de la saison 11, aux côtés de "L'Effet Reggie" (le quatrième) et son fascinant effet Mandela. Deux preuves parmi d'autres que le show n'est pas obsolète même si ce revival vient un peu ternir son bilan d'ensemble.
Quand bien même nous serions nombreux à rempiler derrière notre écran si David Duchovny et Gillian Anderson devaient revenir dans les rôles de Mulder et Scully, ces saisons 10 et 11 suscitent en nous des sentiments contradictoires, où la joie de retrouver la série se mêle à la sensation que celle-ci n'aurait peut-être pas dû revenir. À défaut d'être ailleurs, la vérité est peut-être entre les deux.