Armando Iannucci a rencontré AlloCiné à l'occasion de la sortie en salles de son nouveau long métrage La Mort de Staline. Le créateur de la série Veep est revenu sur la genèse du projet et a partagé son regard sur le monde politique.
AlloCiné : Comment avez-vous eu vent de "La Mort de Staline", le roman graphique de Nury et Robin ?
Armando Iannucci : Facile. Yann et Laurent de Quad Productions me l'ont envoyé. Ils m'ont dit qu'ils allaient le porter en film et que je devais le réaliser. Après l'avoir lu, j'étais d'accord avec eux.
Comment avez-vous travaillé sur l'adaptation pour que ce roman graphique devienne "un film de Iannucci" ?
J'ai d'abord été attiré par le projet par l'histoire contenue dans le roman. J'ai essayé de me tenir autant que possible à l'ordre dans lequel il était raconté. Pour moi, la partie comique vient en grande partie du fait que les scènes du roman graphique sont pour la plupart véridiques. Donc mon travail a consisté à essayer de trouver davantage encore de vérité dans cette histoire. Par contre, tous les dialogues sont inédits.
C'est une satire. Dans ce film, les hommes politiques sont montrés incompétents. Est-ce difficile d'être drôle lorsque les vrais politiques sont si grotesques ?
C'est amusant différemment, car avec les enjeux présents dans la vie de chacun de ces politiciens, le fait qu'il s'agisse d'une question de vie ou de mort, il y a une hystérie comique qui s'installe dans leurs comportements. Elle les conduit à commettre des actes terrifiants et absurdes.
Est-ce que ce film parle aussi du fait que les politiciens sont des gens comme tout le monde et ainsi, commettent les mêmes erreurs que tout le monde, excepté qu'elles ont de dramatiques conséquences ?
J'espère qu'ils ne sont pas comme nous, car ce sont tous, à des degrés variés, des tueurs de masse. Cela dit, je veux que les spectateurs regardent mon film et se demandent "qu'aurais-je fait si j'avais été dans cette situation ?" car tous ont commis d'horribles choses pour rester en vie.
Pourquoi vouliez-vous parler de totalitarisme en 2018 ?
Parce qu'en Corée du Nord ou en Chine, il y a une catégorie de politiciens démocratiquement élus qui veulent s'accrocher au pouvoir et en veulent toujours davantage en changeant les règles démocratiques. Je pense à Erdogan en Turquie, à Berlusconi en Italie, à Poutine en Russie, ou à des gens au langage plus extrémiste comme Le Pen ou Trump.
Vous avez beaucoup travaillé pour la radio et le son de "La Mort de Staline" est vraiment ciselé (les coulisses du concert, les messages à la radio, le montage sonore), j'ai l'impression que vous y accordez beaucoup de soin.
C'est exact. A la bande originale, aussi. La musique était un instrument supplémentaire dans la continuité globale du film. Certaines scènes étaient storyboardées et filmées avec le style musical soviétique de Christopher Willis donnant une idée de la façon dont elles allaients être tournées. Pour un film avec beaucoup de dialogues, il y avait un certain nombre de scènes délibérément muette où c'est la musique qui raconte l'histoire.
Avec un casting pareil, quelle était la part d'improvisation sur le tournage ?
Sur le plateau, nous tournons le scénario, mais arriver au scénario "prêt à tourner" implique qu'il soit solidement écrit et une longue période de répétition avec les comédiens. C'est là qu'ils sont encouragés à se dégager des dialogues -mais pas à les réécrire totalement- afin de se les approprier.
Le film devait sortir en Russie, puis y a été interdit. Comment expliquez-vous cela ?
C'est à ce moment que j'admets qu'ils ont eu raison et que j'avais été payé par la CIA pour faire un film qui aurait mis à mal l'état russe. Ou l'ai-je été ? Non. Mais l'ai-je été ? Peut-être. Non, je ne l'ai pas été. Ou peut-être que si ?
Pouvez-vous nous parler de votre nouvelle série HBO après Veep intitulée Avenue 5 ? Quelque chose que vous n'avez dit à personne ?
J'ai dû passer pas mal de temps à rechercher ce que les astronautes font avec les excréments humains compactés.