Il y a bien sûr eu le Santa & Cie d'Alain Chabat, qui abordait le sujet avec beaucoup de bienveillance. Ou Star Wars - Les Derniers Jedi, que certains fans ont vu comme un cadeau empoisonné. Ou le chantant Coco. Mais impossible de parler des films de Noël 2017 sans évoquer Paddington 2, qui a certes connu moins de succès que son prédécesseur, que ce soit en France (1 873 918 entrées contre 2 845 494 en 2014) et dans le monde (237 millions de dollars de recettes contre 260). Et c'est tout bonnement injuste pour cette suite bien meilleure que l'original (que l'auteur de ses lignes reconnaît avoir moyennement aimé).
Contrairement aux biscuits nappés de chocolat de la pub, Paddington 2 ça n'est pas que pour les enfants. Il s'agit en effet d'un divertissement familial devant lequel les adultes peuvent prendre autant de plaisir que les plus jeunes, dans la mesure où il ne prend pas son public pour des imbéciles, et prouve que l'on peut plaire au plus grand nombre sans jouer la carte de la facilité ni réaliser par-dessus la jambe. Et ça Paul King et David Heyman, producteur des Harry Potter qui prouve sa faculté à faire briller les icônes de la littérature anglaise sur grand écran, l'ont bien compris. S'il a paru un poil emprunté en 2014, avec ce qui constituait son deuxième long métrage, le réalisateur semble ici plus assuré et en pleine possession de ses moyens.
Devant sa caméra, l'ourson et sa famille adoptive nous entraînent ainsi dans une aventure endiablée, mise en scène avec un sens du rythme quasi-parfait et beaucoup de goût. La façon d'aborder les sujets graves de façon légère rappelle l'oeuvre de Charlie Chaplin (et notamment Les Temps modernes, à qui un hommage explicite est rendu), alors que la précision des cadrages, le sens du détail, le mariage de couleurs vives et le côté intemporel évoquent tantôt Jean-Pierre Jeunet, tantôt Wes Anderson. Surtout lorsque, suite à un malheureux concours de circonstances, le héros échoue derrière les barreaux.
Là encore, le cinéaste joue avec les codes du film de prison pour mieux les détourner et en faire un monde presqu'aussi rose que les vêtements des détenus après un accident de lessive. Sans naiveté ni béatitude, car les détenus restent des gros bras parfois tatoués, avec des vrais têtes de tueurs pour certains, et dont la potentielle dangerosité ne disparaît pas pour autant. Non, c'est grâce à ses talents culinaires lorsqu'il s'agit de préparer la marmelade, et à force de bienveillance et de gentillesse que Paddington finit par rallier les prisonniers à sa cause. Un revirement qui peut aussi faire écho à celui des spectateurs qui s'imaginaient trop vieux pour ces clowneries.
Même constat pour les acteurs. Depuis combien de temps n'avions nous pas vu Hugh Grant s'éclater autant sur grand écran ? Sa scène de danse dans Love Actually ? Son doublage des Pirates ! ? Autant de coups d'éclats qu'il enterre avec un enthousiasme communicatif, sans donner l'impression de venir se compromettre, comme les mauvaises langues pourraient le dire. Qu'il ait accepté de jouer ce personnage d'acteur cabotin qui court après son passé glorieux, alors qu'il n'est lui-même plus au sommet, prouve son autodérision. Passant d'un déguisement à l'autre, il semble tout aussi content d'être là que le reste du casting (Hugh Bonneville, Sally Hawkins, Brendan Gleeson...). À tel point que l'on regrette un peu qu'il ait refusé le rôle de Gilderoy Lockhart dans Harry Potter 2, malgré la partition très réussie de Kenneth Branagh.
Il se rattrape donc dans un autre film du producteur David Heyman, qui nous offre quelques scènes de haute volée, à l'image de cette poursuite finale en train que ne renierait pas le Gore Verbinski de Lone Ranger. Mais c'est aussi dans ses thèmes qu'il nous frappe, et parle parfois plus aux adultes qu'aux enfants. Il y a bien sûr une louche de bons sentiments, aussi bien dosés que le sucre dans la marmelade du héros, et un humanisme qui renvoie aux longs métrages signés Frank Capra, à qui Le Journal du dimanche compare Paddington 2 dans sa critique. Mais il faut aussi preuve d'une belle justesse lorsqu'il parle d'adoption.
DE PADDINGTON À PINOCCHIO
Car c'est bien ce dont parle la saga et plus précisément ce film. Notamment lorsqu'il montre qu'avant les Brown, c'est son oncle Pastuzo et sa tante Lucy qui ont adopté le petit ourson, en lui portant secours alors qu'il était emporté par un torrent. Nous ne connaissons donc pas ses vrais parents mais le mot "famille" constitue l'une de ses principales valeurs : après avoir tenté de s'intégrer chez les Anglais qui l'ont recueilli dans la gare dont il tire son nom, il essaye désormais de se faire accepter par le reste des voisins, chez qui son influence positive se fera ressentir pendant son absence, et de faire découvrir Londres à sa tante. Pour Paul King et son scénariste Simon Farnaby, c'est une belle façon d'émouvoir et de balayer les préjugés selon lesquels les seuls liens du sang peuvent permettre de fonder une famille.
Paddington 2 ne se transforme pas en thèse pour autant, car ce thème est abordé en sous-texte et apparaît au second plan à côté de l'aspect divertissant et des valeurs qu'il cherche à transmettre, avec un humour so british. Mais sa présence au programme achève d'élever le long métrage au-dessus de la mêlée des divertissements familiaux qui ne s'adressent qu'aux enfants, et il vient alors se placer aux côtés de certains Pixar, Coco inclus. Et le fait que Paul King aborde aussi bien le sujet de l'adoption rend d'autant moins surprenant le choix de Disney de lui confier les commandes de l'adaptation live de Pinocchio, dont la sortie n'est cependant pas prévue pour tout de suite.
Voilà qui vous laisse donc le temps de (re)voir Paddington 2, disponible en DVD et Blu-Ray depuis le 6 avril. Seul ou en famille donc, en attendant une éventuelle suite que l'on espère voir naître. Ce qui n'était pas forcément le cas de tout le monde après le premier volet.