Tous les 08 mars, la journée internationale de la femme met au coeur du débat la lutte pour les droits des femmes, revendiquant l'amélioration de la condition féminine ou la réduction des inégalités par rapport aux hommes, au travers de manifestations, de discours, de bilans ou autres célébrations.
Après une année 2017 qui a sorti Hollywood de sa torpeur, révélant au monde entier de multiples affaires de harcèlements et d'agressions sexuelles, relançant et bousculant, dans ce même mouvement, les débats sur la place offerte à la femme dans nos sociétés contemporaines et le regard qui lui est porté, les journées de la femme ont eu années après années un goût d'inédit, s'inscrivant sur l'espoir, celui d'écrire les bases d'un nouveau chapitre à venir...
Hollywood, qui a été au coeur du scandale Weinstein et de la galaxie d'horreurs qui a suivi, semble n'être plus tout à fait le même et, sans conteste, ne peux plus se permettre de l'être.
En cette journée de la femme, nous avons donc voulu célébrer celles, actrices, réalisatrices ou anonymes, qui, avec quelques mots, ont ébranlé Hollywood ou, du moins, tenté de le faire. A leur manière, avec un discours, elle ont eu le courage de parler ou d'oser simplement être qui elles étaient, loin de l'apparat, en tout sincérité, pour faire place à des questions ou des réalités plus grandes qu'elles-mêmes.
Sacheen Littlefeather aux Oscars (1973)
Vous ne la connaissez peut-être pas. Pourtant, Sacheen Littlefeather a créé un moment unique aux Oscars. En 1973, Marlon Brando concoure dans la catégorie Meilleur Acteur pour sa prestation dans Le Parrain. Sans surprise, le monstre sacré du cinéma américain remporte la statuette. Mais, dans la salle, pas de Marlon Brando. En lieu et place, Sacheen Littlefeather, une activiste pour les droits civiques des Amérindiens, monte sur scène et refuse l'Oscar que tente de lui remettre Roger Moore.
Impliqué dans la cause des Amérindiens depuis le début des années 70, Marlon Brando avait en réalité décidé de boycotter la cérémonie pour protester contre la manière dont les Amérindiens étaient représentés dans l'industrie du cinéma et de la télévision. Il avait demandé à Littlefeather de monter sur scène à sa place pour expliquer sa démarche en lisant un discours d'une quinzaine de pages. Discours que Littlefeather n'a pu lire aux journalistes qu'une fois arrivée en salle de presse et non, comme prévu, sur scène, ayant été fortement dissuadée de le faire par un producteur qui lui aurait intimé, en coulisses, de ne pas parler plus de 60 secondes. Empêchée, la jeune femme a tout de même livré un discours improvisé, un acte de foi courageux et inoubliable,
Lana Wachowski au gala de la Human Right Campaign (2012)
C'est certainement l'un des discours les plus marquants et les plus bouleversants qu'un talent du cinéma nous ait offerts. En 2012, Lana Wachowski monte sur scène lors d'un dîner de gala organisé par la Human Rights Campaign, qui défend les droits des personnes LGBT, pour recevoir un prix. Lana Wachowski, connue auparavant sous le prénom Larry, n'avait alors jamais parlé de son changement d'identité de genre, qui avait, malgré elle, été extrêmement commenté.
C'est sur cette scène que la réalisatrice de Matrix et Cloud Atlas choisit de faire son coming-out. Au cours d'un discours drôle et émouvant de 25 minutes, elle évoque plusieurs pans de sa vie, son identité évidemment, sa place dans la société, la sphère privée où elle est connue pour ce qu'elle est et non pour ce qu'elle fait. Wachowski confie aussi qu'elle a toujours souffert à l'idée de s'exposer, redoutant ce moment mais finissant par le traverser, non pour elle mais pour, peut-être, aider ceux et celles qui pensent que leur différence les empêchera de s'accomplir.
Halle Berry aux Oscars (2002)
En 1940, Hattie McDaniel devenait la toute première actrice afro-américaine à recevoir un Oscar, celui de la Meilleure Actrice dans un Second Rôle. Celle qui était alors assise au dernier rang car elle n'avait pas le droit de s'asseoir à côté de ses co-stars d'Autant en emporte le vent, montait sur l'estrade pour recevoir son prix et entrait dans l'Histoire américaine avec un discours sobre mais touchant au possible.
Il aura fallu attendre 62 ans de plus pour que l'Oscar de la Meilleure Actrice soit enfin décerné à une afro-américaine. En 2002, Halle Berry est sacrée pour A l'ombre de la haine et devient la première actrice noire à recevoir ce prix. Elle aussi entre dans l'Histoire. Dans son émouvant discours, Berry envisage alors un futur qui s'ouvre, qui appelle à plus de diversité sur les écrans, le début d'une ère nouvelle : "[Ce prix] est pour toutes les femmes de couleur, les anonymes, qui ont maintenant une chance car cette porte, ce soir, s'est ouverte".
15 ans plus tard, Halle Berry est toujours la seule et unique femme noire à avoir reçu l'Oscar de la Meilleure Actrice. En 2016, celle que l'on retrouvera prochainement à l'affiche de Kings a déclaré, à l'occasion d'une conférence, son amertume et sa déception : "Me retrouver ici presque 15 ans après en sachant qu'aucune autre femme de couleur n'a franchi cette porte depuis, ça me brise le coeur. Ca me brise le coeur parce que je pensais que ce moment était plus grand que moi. C'est déchirant de commencer à se dire que, peut-être, ce n'était pas si important que ça. Peut-être que non. Et j'ai désespérément eu le sentiment que ça l'était".
Patricia Arquette aux Oscars (2015)
En terme d'inégalités entre hommes et femmes, l'industrie de l'Entertainment a toujours fait fort. Qu'elles soient réalisatrices, scénaristes ou actrices, les femmes sont moins visibles et moins présentes que leurs homologues masculins mais également moins bien payées. En 2015, la question de ces disparités avait atteint des sommets quand différentes actrices de premier plan avaient tiré la sonnette d'alarme, comme Jennifer Lawrence, Meryl Streep ou encore Jessica Chastain.
En février 2015, la discrète Patricia Arquette, présente dans l'industrie depuis trois décennies, montait au créneau dans un discours fulgurant et surprenant qui a beaucoup marqué les esprits. Sacrée Meilleure Actrice dans un second rôle pour Boyhood, une récompense qu'elle recevait pour la première fois de sa carrière, l'actrice a rapidement remercié son équipe, afin de garder du temps pour parler très sérieusement des femmes et des inégalités. Une course à la montre pour appeler à l'égalité des droits pour tous les citoyens des Etats-Unis et à l'égalité des salaires pour toutes les femmes aux Etats-Unis.
Gerda Weissmann Klein aux Oscars (1996)
Comme Sacheen Littlefeather, Gerda Weissmann Klein fait partie des anonymes qui, parfois, surgissent au cours de grandes cérémonies où sont, en général, célébrées les stars. En 1996, elle accompagne sur la scène des Oscars Kary Antholis, le réalisateur récompensé par l'Oscar du meilleur court-métrage documentaire pour One Survivor Remembers. Antholis déroule alors son discours puis s'apprête à quitter la scène en emmenant Gerda avec lui, la musique s'étant déjà enclenchée. Mais, Gerda, survivante de l'Holocauste, au coeur même du film, souhaite rester quelques minutes encore et prend la parole.
Une prise de parole juste, faite en toute modestie, mais qui a l'impact des vérités simples qu'il est parfois bon de réentendre :
"J'ai vécu dans un lieu pendant six incroyables années, où gagner signifiait [obtenir] un croûton de pain ou vivre encore un autre jour (...) Dans mon esprit, je revois ces années et les visages de ceux qui n'ont jamais connu la magie d'une soirée ennuyeuse passée à la maison. En leur nom, je souhaite vous remercier d'honorer leur mémoire. Vous ne pourriez pas le faire mieux que, lorsqu'en rentrant chez vous ce soir, vous réalisiez que chacun de vous qui connaissez la joie de la liberté est un gagnant".