Gilet noir, lunettes noires et longue crinière en désordre, quatre ceintures autour du bassin et un bracelet clinquant : tel était Tommy Wiseau lorsqu’AlloCiné l’a rencontré au Forum des Images à Paris. Détendu, en mal de confidences, il était en compagnie de Greg "Sestosterone" Sestero, son acteur et ami aux cheveux blonds. Ensemble, ils ont évoqué le tournage de The Room, le film "le plus génialement nul de l’histoire du cinéma" comme le résume Greg lui-même. Les deux hommes nous ont ainsi confié certains des secrets de fabrication de The Room et leur ressenti sur le phénomène qui accompagne le film partout où il est diffusé. Ce soir, c'est au Grand Rex que ça se passe. Rencontre.
Allociné : Ce n’est pas la première fois que vous venez présenter The Room à Paris, vous étiez déjà présents au Nouveau Latina à Paris (devenu depuis Le Luminor, ndlr) il y a environ 5 ans. Désormais, vous remplissez le Grand Rex et ses 2800 sièges. Que pensez-vous de tout ça ?
Greg Sestero : C’est vraiment incroyable. Il y a 5 ans, on a fait 2-3 shows, ce qui est génial mais revenir 5 ans plus tard dans cet immense cinéma à Paris, et voir tous ces gens, c’est extraordinaire. Je me souviens que la dernière fois qu’on est venu, on est passé devant le Grand Rex alors qu’il y avait l’avant-première de Spring Breakers dans lequel joue James Franco. On regardait ce qui se passait et maintenant, on y est.
Comment expliquez-vous le succès de "The Room" depuis sa sortie en 2003 ?
G.S. : Je pense que le seul moyen de durer dans ce milieu, c’est d’avoir le soutien du public. On ne peut pas acheter ça. Quand vous avez un film que les gens aiment, c’est inestimable.
Tommy Wiseau : Il y avait aussi un engagement de ma part. Avec The Room, j’ai changé 4 fois d’équipe car les gens n’étaient pas respectueux envers le film, ils étaient très négatifs. The Room n’a pas été conçu dans le même moule que les films hollywoodiens. C’est aussi pour ça qu’on en parle encore aujourd’hui. Je suis très heureux que le film soit montré en France et dans le monde entier. Je voudrais remercier le public français, il nous supporte, nous encourage et c’est ce dont nous, les acteurs, les producteurs, … avons besoin. Comme Greg l’a dit, on ne peut pas acheter ça. Les gens apprécient que vous ayez une vision.
Pouvez-vous nous parler de cette version du scénario dans laquelle Johnny était un vampire ?
T.W. : C’est une rumeur. A vrai dire, sur le tournage, je parlais avec Greg des fonds verts et je lui disais que ce serait chouette d’avoir une voiture volante vampire, et Greg l’a retranscrit dans son livre (The Disaster Artist, en librairies). Mais ça n’a jamais été mon intention de mettre des vampires, j’en ai eu l’idée mais j’ai changé d’avis car je ne voulais pas de CGI, d’effets spéciaux dans The Room. Je voulais que ça sonne vrai, si vous vous penchez sur les personnages, ils sont réels. Ça aurait été un film totalement différent.
G.S. : Tommy avait une idée pour un film que j’aimais vraiment, avant The Room, qui se serait appelé Le Vampire d’Alcatraz.
T.W. : Je l’ai écrit d’ailleurs. (rires)
Comment avez-vous collaboré au montage avec Eric Chase ?
T.W. : Nous nous disputions souvent, comme avec le reste de l’équipe, merci pour cette question. On ne partageait pas la même vision. Beaucoup de gens ont tenté de torpiller mon projet en changeant le scénario, … Après que The Room est sorti, certains ont dit que le scénario n’existait pas, que tout était improvisé, que je n’étais pas là.
G. S. : Les gens ont tenté d’uniformiser le film, notamment le monteur qui nous disait "coupez telle scène parce qu’il faut que ça soit comme ceci, ou comme cela". Mais ils sont totalement passés à côté du film. Pourquoi faire quelque chose de normal quand on peut faire quelque chose d’unique ? Je suis content que Tommy se soit accroché et ait fait le film à sa manière.
T.W. : Comme la scène où on joue au foot, vous vous souvenez ? [L'équipe technique] me demandait pourquoi on faisait cette scène. Je leur répondais juste : "faites votre boulot". Je veux faire les choses à ma manière. Les gens critiquent mon projet mais eux-mêmes n’ont jamais rien fait. Ce manque de respect dans leur façon de travailler m’a vraiment choqué. C’est pourquoi je suis content que vous me posiez cette question. Pour moi, les membres d’une équipe sont des outils au service d’une vision. Si vous m’engagez en tant qu’acteur, je ne vais pas donner mon avis sur tout, sauf si on me le demande. Je suis quelqu’un de simple, je veux juste que les gens s’amusent. Ne vous prenez pas trop au sérieux. S’il y a un message dans The Room, c’est que vous pouvez être une meilleure personne que Johnny, Lisa ou Mark.
Tommy Wiseau, une foule en délire et des petites cuillères : The Room au Grand Rex comme si vous y étiez"The Room" est-il basé sur une histoire vraie ?
T.W. : Oui ! Je me suis inspiré de personnes réelles, j’ai changé leurs noms. Je voulais montrer ce qu’il y a derrière les mots, à savoir les relations. Je pense qu’on peut changer le monde. Respect = succès. Je veux avoir du succès mais il faut le créer en étant respectueux.
A propos de The Disaster Artist, avez-vous été consultant pour le film ?
G.S. : Oui, j'ai pas mal travaillé avec James Franco, je lui ai donné des informations, ... Mon but était de faire le meilleur film possible. James est très attentif aux détails. Mais je les ai laissés faire leur propre film. Il était entre de bonnes mains, c'était une très bonne expérience.
Vous êtes peut-être déçus d'avoir été interrompu par James Franco sur la scène des Golden Globes. Qu'auriez-vous aimé dire ?
G.S. : The American Dream is alive.
T.W. : Si plus de gens s'aimaient, le monde serait meilleur. Je suis américain, j'en suis fier. Regardez The Room, amusez-vous bien.
La bande-annonce de "The Disaster Artist", qui revient sur les coulisses de tournage de "The Room", en salles le 7 mars prochain :