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    Black Lightning, The Chi, Atlanta... Comment le mouvement Black Lives Matter a trouvé un écho dans les séries américaines
    Chaïma Tounsi-Chaïbdraa
    Chaïma Tounsi-Chaïbdraa
    -Journaliste streaming
    Experte en binge-watching et plateformes de streaming, Chaïma Tounsi s’amuse tous les soirs à zapper sa télécommande sur Netflix, Disney+, Canal+...

    D’"Orange Is the new Black" à "Black Lightning" en passant par "Black-ish", les séries s’engagent grâce à des scénaristes qui veulent faire entendre leur voix et celle de leur communauté, embrassant ainsi le mouvement populaire Black Lives Matter.

    Carin Baer/The CW

    En 2013, l’acquittement de George Zimmerman pour le meurtre du jeune Trayvon Martin secoue les Etats-Unis et mène, à l’initiative de la communauté afro-américaine, à une vague de protestations ainsi qu’à la création du mouvement Black Lives Matter. Le but ? Protester contre les bavures policières et le système pénal. Et si les politiciens au pouvoir font la sourde oreille, ce mouvement trouve écho à la télévision où des talents s’inspirent de leurs histoires personnelles pour témoigner, offrir un éclairage sur la culture afro-américaine ou changer l’image d’une minorité pour finalement montrer que oui, la vie des Noirs compte.

    Que ce soit un Cheo Hodari Coker (Luke Cage), une Lena Waithe (The Chi) ou un Donald Glover (Atlanta), ils trouvent à la télévision un lieu d’épanouissement et de libertés que certaines chaînes leur accordent.

    Le revanche des super-héros

    Côté super-héros, Luke Cage a ouvert la voie en 2016. Ce justicier natif d’Harlem est proche du peuple, soutient les siens et les défend, alors même que le quartier est gangrené par le trafic de drogues et les politiciens véreux. Créée et écrite par le showrunner Cheo Hodari Coker, la série Netflix offre un éclairage sur la culture américaine (chaque titre d’épisode est une chanson de Gang Starr) et prend position. Si Luke Cage se balade par exemple avec un simple hoodie, c’est pour Trayvon Martin, ce jeune afro-américain tué en 2012 par George Zimmerman. L’ado de 17 ans, qui portait ce soir-là un sweat à capuche sur la tête, avait un comportement suspect selon son agresseur. La fameuse affaire qui a engendré la création du mouvement militant, le Black Lives Matter. Trois mots que l’on entendra dans la série…

    Black Lightning prend exactement le même chemin. Bien plus qu’une série de justicier, elle nous parle aussi de la condition noire aux Etats-Unis et ce, dès les premières minutes : les caméras se promènent dans un hôpital, sur le titre évocateur "Strange Fruit" de Billie Holiday, tandis que nous apprenons à la télévision qu’un jeune garçon noir vient de trouver la mort en pleine rue, dans l’indifférence totale, surtout celle de la police. Quelques minutes plus tard, le personnage principal campé par Cress Williams se fera arrêter par deux agents … juste parce qu’il est Noir. Une scène de brutalité policière que le co-créateur de la série, Salim Akil, a déjà vécu… Il a d’ailleurs tenu à inviter deux militants dans le premier épisode, comme le révèle ComicBook.

    A noter que côté cinéma, Marvel prendra aussi le pas le 14 février prochain avec Black Panther : un casting 100% afro-américain avec un super-héros charismatique roi d’un pays fictif situé en Afrique centrale. Preuve de la mobilisation et de l’intérêt de la communauté afro-américaine : le film a explosé le record de pré-ventes. Mieux, une association lève actuellement des fonds afin d’emmener des enfants d’Harlem au cinéma découvrir ce film où apparaît enfin un personnage dans lequel ils peuvent s’identifier. Reste à savoir si le long-métrage prendra un ton engagé…

    Témoigner, s’engager et changer les mentalités

    Alors qu’il y a quelques années encore les séries les plus communautaires se cantonnaient à la comédie, (Le Prince de Bel-Air, Cosby Show…), les dramas sont de plus en plus populaires (Empire, Power, Greenleaf…). Des nouvelles voix se font entendre à Hollywood. Là encore, elles viennent de réalisateurs, scénaristes ou acteurs qui débutent et dont les premières productions ont généralement quelque chose de personnel. C’est le cas de la scénariste et actrice, Lena Waithe, découverte notamment dans la série Master of None aux côtés d’Aziz Ansari. Un an après avoir remporté le Golden Globes du meilleur épisode (elle est la première Afro-américaine à gagner ce titre), elle sort sa première série, The Chi, sur huit histoires croisées de natifs de Chicago. Le but ? Changer la perception que l’on a de cette ville et de la communauté afro-américaine véhiculée par les médias et, "représenter ses habitants d’une manière plus humaine".

    Evidemment, certaines séries n’ont pas attendu pour prendre parti. Exemple avec Orange Is the New Black et la mort de [SPOILERS] Poussey à la fin de la saison 4. La détenue, étouffée par un garde incompétent sous les yeux de ses amies qui entamaient alors une protestation pacifiste, est devenue un symbole pour la lutte des droits. Pire encore, son corps est laissé sur le sol du réfectoire. [FIN SPOILERS] Un traitement inhumain et révoltant qui trouve écho cette année-là dans les protestations qui ont secouées Ferguson. Citons aussi la série Scandal qui, un an plus tôt, nous délivrait un épisode poignant dans lequel un homme noir était tué par un policier. Son père restera assis près du corps de son fils, abattu en plein milieu de la rue, pour que justice soit faite.

    Parrish Lewis/SHOWTIME

    Et les comédies dans tout ça ?

    Certains préfèrent utiliser la comédie pour faire passer leur message, à l’instar de Donald Glover. L’ancien élève de Community a sorti chez FX l’an dernier la petite pépite Atlanta, primée aux Golden Globes. Cette série est un coup de projecteur réaliste sur le quotidien de ces jeunes afro-américains sans le sou et désenchantés. C’est le cas d’Earn (Glover) qui va se lancer dans le milieu du rap. Ici, plus que les personnages, c’est le décor qui importe : Atlanta, lieu de naissance de Martin Luther King et berceau des droits civiques afro-américains, mais aussi des de la trap music qui, grâce à ses ambassadeurs Young Thug, Gucci Mane, 2 Chainz ou encore Killer Mike, cartonne dans le monde. La série de Donald Glover fait office de témoignage, avec des morceaux de vie. C’est aussi le message qu’a voulu délivrer Issa Rae avec sa très réussie Insecure sur HBO.

    Impossible aussi de ne pas mentionner la série Black-ish, sitcom avec Anthony Anderson diffusée depuis 2014 sur ABC. Une comédie qui questionne sur ce qu’être Noir aux Etats-Unis représente. Elle prendra une tournure particulièrement politique dans l’épisode 16 de la saison 2 où les parents expliquent aux enfants les bavures policières qu'ils subissent quotidiennement et comment le système judiciaire leur a toujours été défavorable… tout en citant des noms bien réels (Freddie Gray, Sandra Bland…).

    Guy D'Alema/FX

    Dans le genre plus mordant, on peut aussi parler de Dear White People, film devenu une série sur Netflix, toujours sous la direction de Justin Simien. Une satire répondant à la question "comment être Noir dans un monde de Blancs ?" : à travers le personnage de Sam, présentatrice radio grande gueule, Simien fait savoir au plus grand nombre que non, les Noirs n’ont plus envie d’être moqués, notamment à travers la pratique du blackface.

    Bien que ces exemples restent assez rares, cela tend à s’étendre. AMC développe actuellement une série adaptée du livre de Wesley Lowery intitulé "They Can’t Kill Us All: Ferguson, Baltimore, and a New Era in America’s Racial Justice" qui reviendra notamment sur la création du mouvement Black Lives Matter.

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