X Japan... Ce nom ne vous dit rien ? Et pourtant, il s'agit bel et bien de l'un des groupes de rock les plus mythiques au monde. Formé au Japon en 1982, X Japan sévit depuis maintenant trois décennies, marquées de pauses, de tragédies et de remises en question. Précurseur du mouvement musical Visual Kei, qui s'accompagne de looks et de maquillages délirants, le groupe, qui a vendu plus de 30 millions de disques et est un véritable phénomène culturel au Japon, ne pouvait manquer l'aventure cinématographique...
Dans We are X, en salles ce mercredi 06 décembre, le réalisateur Stephen Kijak, à qui l'on doit déjà un documentaire sur les Stones, s'est attelé à raconter leur folle histoire. Le documentaire, produit par l'équipe de Sugar Man, dévoile leur ascension dans les années 80, leur influence sur la musique et la société japonaise, leur désir de faire découvrir leur musique en dehors des frontières nippones mais aussi les pans les plus sombres de leur existence, comme leur rupture en 1997 et, surtout, la mort de deux des leurs. Des épreuves qu'ils ont dû traverser avant de se retrouver, presque miraculeusement, en 2007, après 10 ans d'absence.
Pour Stephen Kijak, qui ne connaissait pas le groupe avant de se lancer dans le projet, l'objectif était de s'adresser autant aux fans qui suivent X Japan depuis toujours qu'à ceux, nombreux en Occident, à n'en avoir jamais entendu parler. Très vite, il s'est à son tour pris de fascination pour leur univers visuel et musical mais aussi pour Yoshiki, le leader et véritable moteur de X Japan, au coeur de We are X. Une personnalité énigmatique, passionnante mais tout aussi secrète, qu'il a fallu appréhender durant de longs entretiens.
"On s'est rencontré plusieurs fois mais au début je n'ai pas ouvert mon coeur. Cela a pris un peu de temps avant que j'ouvre mon coeur car les sujets [que nous abordions] étaient très sensibles", admet d'ailleurs Yoshiki à notre micro.
Véritable virtuose musical, Yoshiki écrit et compose la majorité des chansons du groupe mais joue aussi du piano, de la guitare et de la batterie. Figure androgyne, immuable et presqu'immortelle, Yoshiki est un artiste exigeant qui travaille et compose pratiquement tous les jours : "Ce n'est pas difficile de créer de la musique. Ce qui l'est, c'est de créer de la grande musique". Un objectif auquel s'astreint Yoshiki lorsqu'il choisit les chansons qui passeront son examen final et finiront pas être découvertes par les fans.
Ma musique vient de ma douleur
La star de X Japan est donc un artiste multi-couteaux, autant à l'aise pour dégainer du metal au sein de stades bondés que pour livrer un concert au piano devant l'Empereur du Japon. Il faut dire que Yoshiki possède à la base une formation classique, impulsée par ses parents : "J'ai commencé à jouer du piano lorsque j'avais 4 ans", nous raconte-t-il.
A fleur de peau, la sensibilité de Yoshiki transpire depuis dans ses textes. Dans We are X, certains fans expliquent même que sa musique les guérit et les libère. Une musique libératrice qui offre un exutoire et dont la source viendrait des souffrances et du passé de Yoshiki. "Ma musique vient de ma douleur. J'ai perdu mon père quand j'étais jeune. Il s'est suicidé et j'en ai beaucoup souffert. Je pense que cette souffrance, cette tristesse m'ont amené à créer cette musique", reconnait-il.
C'est après cet évènement traumatisant que Yoshiki, âgé de seulement 10 ans, se met d'ailleurs à la batterie, sa mère pensant que cet instrument lui permettrait d'extérioriser sa douleur. C'est aussi l'amitié, celle avec son camarade Toshi, futur chanteur de X Japan, qui lui fait naturellement envisager un futur fait de scène musicale et, surtout, de rock : "Toshi et moi, nous adorions le groupe de rock Kiss. C'est une autre des raisons qui nous ont poussés à monter un groupe ensemble", explique-t-il.
Dès 1977, les deux adolescents, qui se connaissent depuis l'enfance, créent ainsi le groupe Dynamite. Puis, en 1982, X Japan naît. En quelques années, le groupe obtient un succès monstre. Cinq albums sortiront avant que la formation musicale ne se sépare en 1997, suite au départ fracassant de Toshi.
Quelques mois après cette séparation, le groupe fait face à sa plus grande tragédie lorsque hide, le guitariste charismatique du groupe et grand ami de Yoshiki, est retrouvé mort chez lui, à seulement 33 ans. Un décès qui bouleverse irrémédiablement les fans et secoue l'archipel entier. De son côté, Yoshiki, qui avait justement le projet de reformer X Japan avec hide, part s'installer à Los Angeles, fragilisé, et commence ses activités de producteur.
Je n'ai pas encore accompli tout ce que je voulais accomplir
Le groupe se reforme dix ans plus tard, en 2007, lorsque Toshi revient vers Yoshiki, désireux de reprendre l'aventure X Japan. Depuis 2010, le groupe s'est lancé à l'international, se produisant partout à travers le monde, au cours d'une gigantesque tournée mondiale, passée en 2014 par le mythique Madison Square Garden de New York.
Ce lancement en dehors de leurs frontières était devenu primordial pour Yoshiki et Toshi depuis des années. Par là, ces derniers voulaient réaliser le rêve de hide et de Taiji, leur ancien bassiste qui s'était suicidé en 2011. De leur vivant, tous deux désiraient ardemment que la musique de X Japan dépasse les frontières du Japon et se diffuse dans le monde entier...
"Si ces mecs étaient nés aux Etats-Unis, ils auraient pu devenir le plus grand groupe du monde", martèle même Gene Simmons, le co-leader de Kiss, dans le documentaire. Une déclaration choc, un compliment comme on n'en fait plus, qui permet de mesurer la puissance d'un groupe que nombre d'Occidentaux ne connaissent pas encore. Au fil des années, Yoshiki avait pourtant déjà eu l'occasion d'y remédier en empruntant un chemin de traverse, un moyen de diffusion mondial sans pareil : celui du cinéma. Mais, l'artiste ne cessait d'hésiter à l'idée de raconter son histoire :
"Mon agent aux Etats-Unis me demandait de créer un film sur X Japan. Mais, je ne voulais pas parce que notre histoire est très triste, très douloureuse. C'était il y a quelques années. Et finalement, il m'a convaincu de créer le film. Il m'a présenté aux producteurs et ces derniers m'ont présenté au réalisateur. Tout a commencé là", nous raconte Yoshiki. "C'était très difficile. Vous savez, nous avons perdu des membres du groupe et notre chanteur, avec qui j'ai grandi, a été endoctriné par une secte. C'était donc dur de revenir sur notre histoire."
Mais, pour Yoshiki, dont le parcours a été semé d'embûches et dont la santé avait été jugée bien trop fragile dans l'enfance, l'histoire est loin d'être finie. Car si sa mère s'était entendu dire que son fils mourrait probablement jeune, Yoshiki a, à la place, mené plusieurs vies, se relevant à chaque fois. "Je n'ai pas encore accompli tout ce que je voulais accomplir, alors, je ne peux pas encore mourir", explique-t-il, un sourire dans la voix.
"We are X", à découvrir en salles à partir du 06 décembre :