C'est de manière très solennelle que Nicolas Winding Refn, accueilli chaleureusement dans la grande salle de l'Institut Lumière, a introduit la présentation de sa plateforme digitale : "Le 16 octobre 2017, je déclare le mort du cinéma. Faisons dix secondes de silences en mémoire du cinéma." Avant d'enchaîner sur une note plus positive : "Le 16 octobre à 20 heures et dix secondes, je déclare la renaissance du cinéma. Applaudissons cette nouvelle invention." Très démonstratif, comme à l'accoutumée, la cinéaste danois joue de son image d'artiste narcissique et très sûr de lui et amuse la galerie.
"Tel le troisième frère Lumière, poursuit-il, je suis ici pour vous dire ce qu'est le futur. Ce nouveau concept a pour but d'inspirer les adolescents pour qu'ils puissent créer, que l'on utilise la connaissance de ce qu'était le cinéma pour en faire le cinéma de demain. Il faut admettre que toutes les conventions du cinéma qu'elles soient techniques, structurelles, ou financières, constituent désormais la Bible." Le réalisateur de Bronson et de Drive pousse la métaphore religieuse jusqu'au bout : "Ici, nous sommes dans la sainte cathédrale du cinéma, et on pourra y étudier les écritures, ce qu'était le cinéma avant le second avènement. Ce second avènement s'appelle byNWR.com."
De manière plus concrète, l'explosion des plateformes de téléchargements et les nouveaux modes de consommation ont amené Nicolas Winding Refn à penser une nouvelle manière de rendre accessible le cinéma tout en stimulant la création autour de ce patrimoine déjà existant. "Je ne suis pas là pour représenter l'antéchrist, mais je suis une véritable fusée d'amour." Il s'agit d'utiliser les technologies à notre disposition pour mener à bien une révolution créative.
Le cinéaste a commencé il y a environ deux ans à collectionner énormément de films oubliés, de manière frénétique, sans savoir réellement quoi en faire. Il s'est alors demandé comment il pourrait partager ces trouvailles et sa collection avec le public. Il s'est alors associé avec les sociétés @Bureau et AllCity Media, ainsi qu'avec le créateur de la plateforme MUBI. L'idée est de projeter un film chaque mois, afin qu'il serve de point de départ créatif pour toutes les autres formes d'art. L'année sera découpée en quatre trimestre et chaque trimestre, un invité fera office de rédacteur en chef du site et son travail consistera "à créer du contenu autour du film, de la fascination et d'éveiller la curiosité". Détail de taille, tout cela sera totalement gratuit : "Pas d'abonnement, pas de publicité, rien qui puisse corrompre la jeunesse."
Le site byNWR.com sera lancé en février prochain. Le premier film présenté sur la plateforme sera The Nest of the Cuckoo Birds, projeté hier soir à l'issue de la présentation. Ce film de Bert Williams, réalisé en 1965, avait complètement disparu des radars jusqu'à ce qu'une copie soit retrouvée par miracle dans les sous-sols d'un cinéma. Sa restauration a entièrement été financée par Nicolas Winding Refn et il n'avait pas été montré depuis plus de cinquante ans.