Inoubliable artiste, auteur-compositeur et interprète d'exception, Barbara hante les ondes et nos mémoires depuis des décennies. Ses mystères, son aura, son talent, sa soif de liberté et, bien sûr, sa voix ont longtemps fasciné et il n'est pas étonnant qu'elle ait été invitée à faire du cinéma (on l'a vue dans le Franz de Jacques Brel ou dans L'oiseau rare de Jean-Claude Brialy).
Mais, c'est surtout l'oeuvre de Barbara, ses chansons, aussi profondes qu'émouvantes qu'elle savait élever au-delà de toute comparaison, que le cinéma a voulu célébrer. La preuve avec ces cinq films qui reprennent, chacun à leur manière, une ou plusieurs de ses chansons...
Camille redouble (2012)
Les chansons : "Dis, quand reviendras-tu ?" (1962) et "Une petite Cantate" (1965)
Dans Camille redouble, Noémie Lvovsky nous plonge dans de belles séquences d'émotions et de comédie au travers de l'histoire de Camille, une femme de 40 ans dont la vie part en fumée. Au cours d'une nuit d'ivresse, elle se retrouve projetée 25 ans en arrière, dans les années 80, invitée à revivre son adolescence, à retrouver ses parents, morts depuis, et peut-être à changer le cours de son existence...
Dans ce film bourré de nostalgie, la réalisatrice et actrice offre à Barbara deux moments essentiels et très touchants de son film. Ainsi, le jour de ses 16 ans, Camille, qui tente de profiter de ses moments en famille, sa mère devant décéder 13 jours après, convainc ses parents d'enregistrer une chanson au dictaphone. Sous couvert de son anniversaire et de sa jeunesse, Camille cherche en réalité à capter sur bande la voix perdue de ses parents. Et voilà que, pour lui faire plaisir, son père et sa mère fredonnent timidement "La Petite Cantate", choisie par leur fille.
Le choix de cette chanson est d'autant plus émouvant que Barbara l'a composée en hommage à son amie et pianiste, Liliane Benelli, décédée en 1965 à seulement 30 ans, dans un accident de la route pendant la tournée de son fiancé, Serge Lama. Liliane Benelli accompagna Barbara au piano au Cabaret L'Ecluse et lui composa deux musiques ("Ni belle ni bonne" et "Ce matin-là").
Vers la fin du film, Camille choisit de nouveau Barbara. Alors qu'elle va bientôt retourner dans son présent, elle retrouve au café Alphonse (Denis Podalydès), le professeur dont elle est tombée amoureuse, pour lui dire au revoir. Camille promet de le retrouver et ils se choisissent une chanson pour penser l'un à l'autre au cours des années. Notre héroïne choisit bien à propos "Dis, quand reviendras-tu ?", chanson d'amour et de manque, un grand classique que Barbara a composé pour le diplomate Hubert Ballay, l'un des hommes de sa vie.
Les chansons d'amour (2007)
La chanson : "Ce matin-là" (1963)
Christophe Honoré a, lui aussi, voulu rendre hommage au talent de Barbara à l'occasion de son film Les chansons d'amour. Si on doit toutes les chansons de ce drame musical à son complice Alex Beaupain, une seule chanson n'est pas signée de l'auteur-compositeur, qui a, à cette occasion, remporté le César de la meilleure musique de film. Cette chanson, c'est "Ce matin-là", que l'on peut entendre pendant le générique de fin, après les tout derniers mots du film : "Aime-moi moins, mais aime-moi longtemps".
Honoré porte lui aussi un attachement particulier à la chanteuse. Dans l'ouvrage "Barbara, notre plus belle histoire d'amour", le réalisateur raconte ainsi : "Après la mort de mon père, à la fin de la terminale, je prenais souvent la voiture de ma mère, j'y ai trouvé une cassette, qui, je pense, appartenait plutôt à mon père. Une compilation de Barbara. Elle accompagnait tous mes voyages en voiture vers le lycée, mes sorties, mes rendez-vous amoureux. Je suis devenu un peu obsessionnel avec cette chanson, "Ce matin-là", je l'adorais. Barbara reste liée pour moi à la sensation de liberté, l'autonomie (...)."
Mademoiselle Chambon (2009)
La chanson : "Septembre" (1965)
C'est aussi sur une chanson de Barbara que Mademoiselle Chambon s'achève. Le film de Stéphane Brizé raconte la rencontre entre un père de famille respectable et l'institutrice de son fils. Malgré tout ce qui les sépare, tous deux vont être dépassés par l'évidence de leurs sentiments.
Mais le générique de fin n'est pas le seul élément du film à utiliser ce beau titre de Barbara. La bande-annonce de Mademoiselle Chambon fait également le choix très audacieux de s'appuyer, dans son intégralité, sur ce titre. Dans la BA, on voit ainsi les deux héros, campés par Vincent Lindon et Sandrine Kiberlain, seuls, assis côte à côte, sans d'autres mots entre eux que ceux de Barbara que l'on entend derrière (dans le film, ils écoutent un morceau de violon). Un moment suspendu et plein de grâce où, après une longue attente, il ose enfin lui prendre la main...
Cette BA, simple au possible, ne pouvait pas être plus fidèle. Elle parvient non seulement à saisir l'émotion et la délicatesse du moment mais aussi à saisir ce film fait de non-dits et d'une belle économie de mots...
"Quel joli temps pour se dire au revoir.
Quel joli soir pour jouer ses vingt ans..."
Peau d'ange (2002)
La chanson : "Une petite Cantate" (1965)
Dans Peau d'Ange, "Une petite Cantate" revêt également une importance particulière. Dans ce film réalisé par Vincent Perez, l'héroïne, Angèle (campée par Morgane Moré), l'entame devant Grégoire (joué par Guillaume Depardieu). Dans un restaurant vide, la jeune fille choisit le titre de Barbara et se met à chanter, seulement accompagnée au piano. Soudainement, un orage éclate, les lumières s'éteignent, mais Angèle, très émouvante dans cette scène, continue de chanter dans le noir.
Vincent Perez voulait rendre hommage à Barbara, comme il l'expliquait dans les notes de production à la sortie du film : "Pour moi, cette chanson est un contrepoint à des situations fortes, pesantes. Elle est légère."
Barbara (2017)
Les chansons : "Je ne sais pas dire je t'aime" (1964), "Les amours incestueuses" (1972), "Chapeau bas" (1961)...
Pour sa septième réalisation, Mathieu Amalric a choisi d'offrir ses talents à Barbara. Mais, pour tenter de capter au mieux son aura, il a refusé le biopic traditionnel pour aller vers un biopic détourné et en total décalage. Dans Barbara, un metteur en scène veut faire un film sur la chanteuse et engage une actrice pour l'incarner. Jeanne Balibar joue cette actrice. Pour entrer dans la peau de cette Barbara réelle et fantasmée, l'actrice a elle-même dû effectuer un long travail musical. A savoir que ce n'est pas la première fois que Balibar est approchée pour incarner la chanteuse...
Au travers de cette construction de "film dans le film", de "chanteuse dans l'actrice" si on peut dire, le film superpose images d'archives et images du tournage, dévoilant une Barbara, ou plusieurs, qui se confond(ent) aux yeux du public.
En salles cette semaine, Barbara est aussi une exploration particulière du répertoire de la chanteuse. Amalric a choisi les titres avec soin, afin qu'ils fassent sens dans le film, comme l'explique Jeanne Balibar dans les notes de production : "Leurs textes entraient dans celui du film – les paroles des chansons font partie des dialogues du film. C’est Mathieu qui a voulu "Chapeau bas", "Les Amours incestueuses", "Je ne sais pas dire je t’aime".