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    The State : la série sur l'État islamique qui fait polémique outre-Manche débute sur Canal+

    Créée par Peter Kosminsky, la mini-série en 4 épisodes "The State", centrée sur de jeunes britanniques partis en Syrie pour rejoindre Daesh, arrive ce lundi 4 septembre sur Canal+. Percutante et documentée, elle a pourtant créé le débat outre-Manche.

    Channel 4

    Synopsis : Quatre jeunes Britanniques décident de tout quitter pour partir en Syrie afin de rallier l'armée de l'État islamique. Jalal veut suivre les traces de son frère aîné. Il a convaincu son meilleur ami, Ziyaad, de l'accompagner. Shakira, mère célibataire, emmène avec elle son fils de 9 ans. Elle espère mettre ses compétences de médecin au service des combattants de Daesh. Ushna, adolescente qui s'est radicalisée sur internet, arrive elle à Raqqa persuadée qu'elle va pouvoir remplir son devoir religieux.

    The State, 4x52 minutes, les lundis 4 et 11 septembre à 21h sur Canal+, au rythme de 2 épisodes par semaine.

    The State, la série coup de poing sur Daesh

    Diffusée il y a quelques jours au Royaume-Uni sur Channel 4, du 20 au 23 août, sur 4 soirées consécutives, la mini-série The State ("L'État" en français, pour l'État islamique) a beaucoup fait parler d'elle de l'autre côté de la Manche, et même au-delà. Pas étonnant vu son sujet, puisqu'elle nous plonge dans l'enfer de Raqqa, en Syrie, à travers le parcours de 4 jeunes Britanniques ayant décidé de rallier l'armée de Daesh. Une série risquée, née de 18 mois de recherches intensives et approfondies, qui nous happe dès ses premières minutes et qui a été créée par un réalisateur et scénariste de renom, Peter Kosminsky, à qui l'on doit Warriors (avec Ioan Gruffudd et Damian Lewis), sur la guerre de Bosnie, Le Serment, sur le conflit israélo-palestinien, ou encore Wolf Hall, Golden Globe de la meilleure mini-série en 2016.

    Si un film comme Le Ciel attendra s'est déjà intéressé aux dangers de la radicalisation et de l'embrigadement sur internet, et si la saison 3 du Bureau des légendes a fait d'un de ses protagonistes un prisonnier de Daesh, les récits, fictifs ou non, de la vie au quotidien des jeunes recrues de l'État islamique, une fois sur place, sont rares. Kosminsky a interrogé beaucoup de spécialistes de l'islam et de l'El, et rencontré d'ancien soldats de l'armée de Daesh, revenus au Royaume-Uni. Il en ressort ainsi une mini-série pleine de réalisme, proche du documentaire dans son approche, qui suit d'abord les premiers pas de soldats des hommes, tandis que les femmes apprennent qu'avant toute chose, elles vont devoir se marier. Une réalité qui frappe notamment de plein fouet Shakira (Ony Uhiara), une mère célibataire qui souhaite se servir de sa formation de médecin pour se rendre utile et à qui l'on rétorque : "Ce sera à ton mari de décider".

    Giles Keyte / Channel 4

    Que ce soit par des scènes de déshumanisation durant lesquelles Jalal (incarné par le bluffant Sam Otto), parti suivre les traces de son frère, se voit contraint d'effacer une photo de sa mère dans son téléphone ou de brûler son passeport, ou par des séquences dures visuellement, comme lorsque des enfants jouent au foot avec la tête d'un cadavre, The State multiplie les séquences coup de poing, voire chocs, à tel point que l'on ressort ébranlé de son visionnage, et ce dès le premier épisode. Mais c'est surtout dans sa deuxième partie qu'elle prend toute sa puissance, lorsque les rêves et les espoirs des 4 héros sont confrontés à un dur réveil, où les idéaux laissent alors place à la désillusion la plus totale, et la plus atroce. Jusqu'à un final qui pousse au questionnement, autant qu'il perturbe et hante longtemps après.

    Accusée de "glorifier" l'État islamique, la série fait polémique

    Pourtant, si elle s'impose comme passionnante et sans aucun doute nécessaire, The State n'a pas manqué de créer le débat au Royaume-Uni, et ce avant même la diffusion de son premier épisode. En effet, les 17 et 18 août derniers, deux jours avant le lancement de la série, l'Espagne est frappée par un double attentat meurtrier qui fait de nombreuses victimes et laisse l'Europe, comme le monde entier, sous le choc. Face à ce triste et malheureux hasard du calendrier, Channel 4 reçoit de nombreux messages lui demandant de ne pas diffuser The State, par respect pour les familles des victimes. Comme celui de Bethany Haines, la fille de David Haines, tué par l'El en 2014, qui a déclaré au Daily Mail : "La dernière chose dont ont besoin ces familles est une série sur l'État islamique diffusée au moment même où leurs vies ont été brisées par ce même groupe terroriste".

    Mais malgré les attentats ayant touché Barcelone et Cambrils, Channel 4 décide de ne rien changer à sa programmation. The State est donc bien diffusée dès le 20 août sur la chaîne britannique et il ne faut pas attendre bien longtemps pour que le premier épisode fasse polémique. Alors que de nombreux médias encensent la série, comme The Guardian, qui la qualifie d'"intelligente, saisissante, et vraiment éclairante", le Daily Mail, fidèle à sa ligne très conservatrice, publie un article virulent sur la nouvelle création de Peter Kosminsky. The State est notamment accusée par le Daily Mail de "glorifier l'État islamique" et d'être du "poison pur (...) comme un film d'embrigadement nazi des années 1930". Et si cette comparaison est évidemment ridicule, sur Twitter, des téléspectateurs reprochent tout de même à la mini-série de Channel 4 de donner une vision "glamour" de Daesh.

    Channel 4

    Face aux critiques, Channel 4 n'a pas tardé à réagir. Comme le rapporte The Guardian, la chaîne s'est défendue en déclarant : "The State se base sur de longues recherches factuelles et offre une plongée au coeur des actions horrible de l'El, ce qui nous semble être un sujet important qui mérite d'être exploré et raconté. (...) Durant ses 4 épisodes la série s'intéresse en profondeur à la réalité cruelle de la vie de ces personnages en Syrie, et à aucun moment la série approuve ou encourage les gens à suivre l'exemple de ces personnages".

    Quant à Peter Kosminsky, le créateur de The State, il s'était préparé avant même la diffusion à faire l'objet de nombreuses critiques, craignant notamment d'être accusé de "faire l'apologie d'une organisation vraiment horrible"."Il y aura des Musulmans qui vont dire "Allez ça recommence, on est encore vus comme des terroristes", et d'autres personnes qui verront la série comme une tentative consciente de rendre les gens qui décident de rejoindre l'El plus sympathiques qu'ils ne devraient l'être", déclare-t-il au Daily Express. "Pour comprendre ce qui passe, et pourquoi ces jeunes quittent tout pour rejoindre Daesh, il faut avoir un peu de compassion pour ces personnages et leur permettre d'être, au départ, excités et contents, pour ensuite voir la désillusion grandir en eux. (...) Nous devons accepter le fait que des actes horribles sont parfois commis par des gens qui ne sont pas intrinsèquement maléfiques".

    Si l'on peut reprocher à The State de ne peut-être pas s'attarder assez sur les raisons qui poussent Jalal, Shakira, et Ushna à rejoindre Daesh (mais Kosminsky se défend en déclarant qu'il a déjà traité de ce sujet dans Les graines de la colère), la nouvelle mini-série de Channel 4, visible en France dès demain sur Canal+, n'en reste pas moins une oeuvre importante et nécessaire, qui nous entraîne au coeur de ce Mal dont on connaît finalement assez peu le fonctionnement et le quotidien. Une série à ne pas rater, qui ne vous laissera à coup sûr pas de marbre.

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