Pouvez-vous nous expliquer en quoi a consisté votre rôle pendant la production de Vaiana ?
La chaîne de fabrication du film part toujours du script, qui est transformé en story-board, et c’est là que j’interviens. Juste après le story-board. Il arrive dans notre équipe, que l’on appelle l’animatique ou le layout, et à partir du strory-board que l’on reçoit, on va fabriquer un animatique, c’est-à-dire un petit film avec toutes les positions de caméra. En fait, on place le story-board (qui était un univers dessiné à la main en 2D) dans un monde 3D. On retranscrit cette histoire avec toutes les règles de la cinématographie, donc pas d’erreur de caméra, pas d’erreur de direction… Il y a plein de petites choses qu’on peut corriger ou améliorer. A chaque étape du film, notre motivation en tant que département, c’est non pas de changer - parce que changer est quelque chose de facile - mais d’améliorer. Changer pour changer ne sert à rien, nous cherchons à changer pour améliorer, faire évoluer vers quelque chose de mieux. C’est ça, notre challenge.
L’intégration des tatouages de Maui dans l'environnement CGI du film est très réussie. Pensez-vous qu’il soit un jour possible de réaliser un long métrage qui mélangerait 2D et 3D comme cela a été fait dans des courts métrages tels que Paperman ou Le Festin ?
Je pense que c’est tout à fait une possibilité, on a les moyens de le faire. Après, il faut trouver le sujet. Il faut toujours qu’une technique soit au service de l’histoire et pas l’inverse. Il ne faut pas se dire : "On a une super technique, on va fabriquer une histoire !" mais plutôt : "On a une super bonne histoire, et elle se marie parfaitement avec cette technique." Mais c’est vrai que les courts métrages sont l’endroit rêvé pour explorer de nouvelles techniques. On n’a pas la pression de faire un long métrage. Un long métrage, c’est un peu comme un être vivant. Quelquefois on se réveille et on a mal à la tête, c’est la même chose pour un long métrage : quand on le modèle, il y a parfois une séquence qui devient trop énorme et qui écrase les autres… C’est très organique et très vivant. Si en plus de ça, on ajoute le problème d’un nouveau logiciel ou d’une nouvelle technique à explorer, ça devient trop compliqué. C’est un petit peu ce qui nous était arrivé sur Tarzan, pour lequel on avait fabriqué un nouveau logiciel appelé "deep canvas". A chaque fois que Tarzan progressait dans sa vie, devenait plus adulte et plus intelligent, que le monde autour de lui devenait plus appréhensible, le monde passait en 3D. Donc la caméra devenait une caméra 3D dans ce monde 2D. Et on avait fait ça tellement bien que le public ne s’en était absolument pas aperçu. (rires)
Quelle est la séquence de Vaiana dont vous êtes le plus fier ?
Je pense que les plus belles séquences du film sont les séquences d’action. Et pour nous, au département layout, les séquences d’action ne sont pas forcément les plus dures mais sont les plus satisfaisantes, parce que c’est là que la caméra a le beau rôle. On va suivre des mouvements rapides, recomposer, etc… Donc du point de vue de la caméra, c’est le plus cool pour nous. Les séquences d’émotion, où il y a deux personnages qui parlent en champ contre-champ, sont des séquences très compliquées pour nous parce qu’on doit évaluer la position du personnage dans l’écran, la hauteur des yeux, la direction des yeux… C’est très technique et très subtil. Une petite erreur de rien du tout, et votre séquence ne marche pas. Par contre, dans les séquences d’action, ça virevolte dans tous les sens. Donc pour deux styles de séquences, nous avons deux styles de prouesses à accomplir. Mais personnellement, je choisirais plutôt les séquences d’action. J’adore la séquence des Kakamora, elle est extraordinaire, d’un dynamisme incroyable. On suit Vaiana qui utilise les cordes pour passer d’un pont à l’autre, c’est une prouesse incroyable.
Propos recueillis le 28 septembre 2016
En attendant de (re)découvrir le film en Blu-ray ou en DVD, partez sur les traces des ancêtres de "Vaiana"...