Avec La Cigale, le corbeau et les poulets, vous signez un film militant. On vous sent en empathie avec les héros et pourtant vous gardez une distance avec eux. Comment avez-vous établi cette distance ? En travaillant sur la durée ?
Nous avons effectivement filmé durant six ans et à la fin, nous sommes beaucoup plus proches, dans tous les sens du terme. Je revendique cette proximité, notamment dans l’humour. Et par ailleurs, dès le départ, la bande de La Cigale m’a laissé carte banche. Ils n’ont pas voulu voir une image jusqu’à la première projection publique. Je les remercie infiniment de m’avoir fait confiance à ce point et c’est aussi le signe d'une très grande ouverture d’esprit et de leur liberté totale.
Votre film est autant un documentaire qu'une farce. Vos personnages sont tous hors normes (un militaire à la retraite d'extrême gauche, un aventurier au passé trouble...), et souvent grande gueule. On pense aux Pieds nickelés. Et pourtant leurs actions portent leurs fruits !
Les spectateurs les comparent très souvent aux personnages de la célèbre bande dessinée « Les vieux fourneaux ». D’ailleurs ses auteurs, Will Lupano et Paul Cauuet, qui ont vu le film au festival de Groland, ont aussitôt confirmé qu’ils avaient retrouvé leurs personnages dans le film ! Les parcours de la bande de La Cigale sont très différents mais ils sont réunis par l’envie d’être ensemble et de lutter tout en s’amusant. Et c’est certainement la bonne méthode, car ils durent et souvent, ils gagnent ! Ils ne sont pas du tout pieds nickelés en fait, ils sont très efficaces et d’une "opiniâtreté exceptionnelle".
Si on vous dit que votre film a quelque chose de Merci, patron !, vous êtes d'accord ?
Ce qui n’est pas tout à fait le hasard puisque Laure Guillot et moi-même avons tourné l’image et le son du film de François Ruffin… Le constat que nous avions fait avec François avant les tournages était le même : il faut absolument qu’on se marre dans la lutte, sinon, c’est voué à l’échec. Aussi il faut sortir de l’image qui colle trop souvent au cinéma documentaire engagé estampillé « chiant à mourir ». Dans Merci Patron ! c’est Robin des Bois, et ici c’est plutôt Don Quichotte… mais avec une lecture que je partage avec Pierre Blondeau (notre héros, buraliste et écrivain public) : Don Quichotte n’est pas si fou que ça et il voit ce que d’autres font mine de ne pas voir. C’est un lanceur d’alertes !