AlloCiné : Parlez-nous du fait divers qui a inspiré votre film, assez méconnu en France. En quoi a t-il choqué la société chilienne et en quoi vous a t-il inspiré ?
Le film s'inspire de l'affaire Carlos Larraín, le fils du sénateur de droite Martin Larraín. Le 18 septembre 2013, un agriculteur du sud du Chili, Hernan Canales, est mort renversé par une voiture. Après deux procès, qui reposaient sur un faux témoignage, des tests non-effectués à temps ou encore une autopsie baclée, Larraín a été acquitté et libéré. Cela a provoqué une vague d'indignation au Chili, qui a connu ces dernières années un climat d'agitation sociale à cause des abus des grandes entreprises et de l'élite politique.
Pour raconter cette histoire, vous auriez pu prendre le point de vue des victimes, ou encore celui des enquêteurs. Vous avez choisi celui des accusés, des nantis. Pourquoi ce choix ?
Il me semble important d'essayer de comprendre comment cette élite voit le reste des Chiliens, la façon dont nous ne semblons pas exister à leurs yeux, ou seulement dans des rôles de servitude ou d'embêtements. L'élite économique et politique chilienne est très violente, et je voulais refléter cette violence dans le film, en proposant un seul et unique point de vue. Je pense que cela reproduit la même violence que celle générée par le fait qu'un milieu puissant est incapable de voir le reste de cette société. De la même manière que Larraín et sa caste ne peuvent pas voir le reste de la population, le film non plus.
Votre film donne d'ailleurs une vision très pessimiste des notions de Vérité de de Justice...
Dans le système capitaliste totalitaire dans lequel nous vivons, l'argent est ce qui détermine notre position dans la société. Le logement auquel nous pouvons prétendre, l'éducation que nous pouvons offrir à nos enfants, la santé qui peut nous protéger ou la justice qui nous gouverne... Au Chili, de façon très brutale mais plus ou moins évidente pour tout le monde, notre degré de responsabilité judiciaire dépendra de notre capacité à accéder (par l'argent) à une défense plus ou moins efficace.
Parlez-nous de vos choix de mise en scène : une caméra très mobile, de longues séquences, des SMS incrustés à l'écran...
Le film est divisé en deux parties. La première partie, jusqu'à l'accident, adopte la fluidité d'une nuit de fête, avec une caméra à l'épaule, des scènes avec un haut degré d'improvisation, la musique... La deuxième partie, lorsque le procès commence après l'accident, est structurée sur des plans plus classiques, des champs/contrechamps, etc... La musique adopte également une autre fonction et tout devient plus "sérieux" . En ce qui concerne les SMS, je voulais recréer un monde de messages, de tweets, de posts Facebook, qui interagissent avec le film d'une manière disruptive et violente. Presque comme pour briser l'image, de la même manière que la lecture d'un SMS au milieu d'une conversation est très grossier et violent.
Votre précédent film, "Tuer un homme", abordait sous d'autres aspects le thème de la Justice. Quel est votre point de vue sur la situation judiciaire au Chili ?
Le Chili est une société très clivée, compartimentée, violente, injuste... Une minorité de droite très idéologique a la main sur l'économie. Ce sont des gens qui se sont enrichis durant la dictature et qui continuent de croire qu'ils contrôlent le pays, bien que la grande majorité des Chiliens souhaite un changement, plus de justice sociale et un contrôle accru sur l'activité économique. Cette minorité a encore de l'influence, notamment à travers les médias qui, contrôlés de manière monopolistique, font en sorte d'écarter toute tentative de réforme.
"Tout va bien" a pu être produit grâce à une campagne de financement participatif : le projet a t-il été compliqué à monter ?
Nous avons fait ce choix car nous voulions faire le film très rapidement, afin de le sortir pendant que la société chilienne était encore confrontée au sujet qu'il décrit. Nous ne voulions pas faire un film pour parler d'une affaire passée, nous voulions un film ancré dans le présent. Nous avons donc décidé de tourner avec ce que nous avions sous la main. Nous avons tourné en dix jours avec l'argent récolté, et nous avons pu le sortir rapidement. C'est ce qui a fait que l'accueil au Chili a été superbe, avec beaucoup de critiques qui parlaient d'un film nécessaire par rapport à la période que vivait le pays.
Comment se porte le cinéma chilien et la nouvelle génération de cinéastes (je pense à vous, à Pablo Larraín, à Nicolás López...) ?
C'est un cinéma plein de diversité, qui s'inspire du réel et qui propose des films de très bonne facture grâce à des infrastructures de plus en plus professionnelles. Après, il n'y a pas de "cinéma chilien" à proprement parler, comme cela peut exister dans d'autres pays où l'on retrouve certaines caractéristiques formelles. Chaque réalisateur est son propre monde. Nos films partagent simplement le fait d'être faits au Chili et de décrire la réalité du pays.
Tout va bien - sortie le 21 septembre 2016
La plage et les fêtes entre amis rythment l’été de Vicente qui savoure la vie avec insouciance. Une nuit alcoolisée change la donne. Vicente expérimente avec amertume le poids du pouvoir et de la manipulation.