Fascinante création que ce Sherlock Holmes. Né dans l'imaginaire débridé de Sir Arthur Conan Doyle en 1887, l'auteur lui a consacré quatre romans et plus de 55 nouvelles. Le recueil Les Aventures de Sherlock Holmes est même le 19e livre le plus vendu de l'histoire de la littérature, avec 60 millions d'exemplaires écoulés.
La Culture populaire s'est quant à elle emparée depuis longtemps du personnage. Qu'il baigne dans son univers victorien d'origine ou qu'il soit transposé dans un cadre contemporain comme dans l'excellente série Sherlock emmenée par Benedict Cumberbatch; qu'il soit rajeunit au point de devenir un adolescent comme dans le Secret de la Pyramide ou au contraire qu'il soit présenté sous les traits d'un vieil homme à la retraite comme dans le récent (et réussi) Mr. Holmes, le personnage est capable de résister à tous les âges et à toutes les (ré)interprétations possibles. C'est la marque des figures intemporelles. Sur petit et grand écran, on ne compte ainsi, depuis sa première apparition en 1900, pas moins de 260 incarnations.
Du côté des jeux vidéo, le studio franco ukrainien Frogwares s'est fait une spécialité d'adapter et / ou créer depuis plus de dix ans des (més) aventures au meilleur détective du monde. En 2009, il signa un solide Cross Over avec Sherlock Holmes contre Jack l'eventreur; Cross Over qui fit d'ailleurs l'objet dès 1965 d'un très bon film mis en scène par James Hill (et John Neville dans le rôle du détective). Après un réussi Sherlock Holmes : Crimes & Punishments en 2014, le studio revient avec Sherlock Holmes : The Devil's Daughter, 8e adaptation des aventures du détective.
Comparé à l'opus de 2014, les traits physiques de Holmes et du Dr Watson changent. Si Holmes avait des traits qui le faisait ressembler à Jeremy Brett (une des meilleurs incarnations du détective à l'écran), il arbore dans The Devil's Daughter un look savemment négligé, avec une barbe de quelques jours, un peu comme Robert Downey Jr dans le film de Guy Ritchie. Mais c'est chez Watson que le changement physique est le plus notable : d'un personnage ayant la cinquantaine dans les opus précédent avec une moustache en paillasson, il a pas mal rajeuni, arborant des traits plus fins et anguleux, ainsi qu'une fine moustache et de légères rouflaquettes. De là à dire que les développeurs ont voulu lui donner un look s'approchant de celui de Jude Law dans le Sherlock Holmes de Guy Ritchie, il y a un pas qu'on franchi allègremment. Une manière comme une autre de rajeunir aussi sa licence.
Le jeu est composé de plusieurs enquêtes, qui commencent presque toutes de la même manière : quelqu'un vient frapper à la porte du 221B Baker Street. Alors qu’une femme mystérieuse emménage dans l'appartement voisin de Sherlock Holmes, celui-ci se retrouve face à la disparition inquiétante d’un habitant du quartier de Whitechapel. Plus Sherlock avance dans les différentes enquêtes qui composent le jeu, plus il voit sa fille adoptive de plus en plus tourmentée, jusqu'au dénouement final où il sera confronté à ses propres démons...
Avec Crimes & Punishments, Frogwares avait voulu tirer sa licence par le haut, déjà visuellement, à l'aide du moteur Unreal Engine. C'est toujours le cas ici : le jeu présente des environnements forts agréables à l'oeil et pour le genre; même si, encore une fois, on peut toujours regretter le manques de vie de certains (mais pas tous !) quartiers ou zones qu'on traverse, comme celui de Whitechapel, historiquement grouillant de vie.
Au coeur d'histoires / enquêtes bien écrites, le joueur traque les suspects et les indices à l'aide d'un système de déduction surpuissant, sorte de 6e sens de Holmes, capable de reconstituer mentalement les scènes de crimes, et même de révéler de précieux indices à priori invisibles pour le commun des mortels. Ca fonctionne plutôt bien, notamment dans le cas de la reconstitution d'un gigantesque carambolage de fiacres avec plusieurs morts à la clé. Les erreurs de jugement du joueur, tout à fait possible, ne sont jamais handicapantes et n'entravent pas la progression du joueur, mais auront toutefois un impact sur la conclusion de l'enquête.
Les énigmes façon puzzles dans les enquêtes sont encore de la partie. Elles ne sont pas insurmontables dans leurs difficultés. S'il est possible de les passer, tout comme les crochetages de serrures, on vous déconseille de le faire; faute de quoi c'est un peu tuer l'intérêt du jeu aussi...La nouveauté de The Devil's Daughter, ce sont des sortes de mini jeux au cours de ces enquêtes : un peu de plateforme dans la salle d'un temple où la mort guette le moindre faux pas, de l'infiltration pour délivrer un otage...
Si ces séquences ont du sens du point de vue de la narration et répondent à une certaine logique, elles apportent en réalité peu de choses au Gameplay traditionnel de la saga des jeux Sherlock Holmes. Toutefois, on décernera une mention spéciale à la course-poursuite de la première enquête, qui voit Holmes littéralement traqué comme du gibier humain en pleine forêt. Une séquence assez réussie et stressante, clin d'oeil évident au chef-d'oeuvre la Chasse du Comte Zaroff. En parlant de clins d'oeil cinéphiliques d'ailleurs, il y en a plusieurs dans le jeu, dont un, dans la seconde enquête sur une statue tueuse, où les développeurs se fendent d'un hommage aussi inattendu et anachronique que savoureux à... un plan cultissime de Terminator 2 situé à la fin du film !
Bénéficiant d'un doublage VF de bonne qualité (les voix de Holmes, Watson et l'inspecteur Lestrade sont celles de la série Sherlock), d'environnements soignés, d'histoires / enquêtes bien écrites et tenues par un fil rouge plutôt malin et bien vu, celui de la fille adoptive de Holmes, Sherlock Holmes : The Devil's Daughter est un jeu qui devrait combler tous les holmésiens qui se respectent. Et ils sont nombreux.
Ci-dessous, la bande-annonce du jeu...
Et ci-dessous, le très réussi Cinematic Trailer du jeu :