Lorsque les talents du cinéma prennent la plume pour écrire, ça donne une prose parfois étonnante, lucide, cruelle, drôle, émouvante, dévoilant aussi quelques fois les coulisses de la création d'un film, l'humeur de l'intéressé(e)... Tous les 15 jours, en partenariat avec le site DesLettres.fr, nous vous proposerons une lettre sur la thématique du cinéma.
Après la lettre de Tarantino adressée à une jeune fan de 13 ans, c'est au tour de Mark Ruffalo de poursuivre le carnet de correspondances. Acteur unanimement respecté au sein de la profession, Ruffalo est un comédien engagé à l'écran comme dans la vie. Dans cette lettre, il dévoile le visage d’un homme pour lequel toutes bonnes causes doivent être défendues et ce de manière universelle.
"Est-ce que nous nous battons réellement pour quelque chose, si ce pourquoi nous nous battons est attaqué et que nous laissons faire ?"
17 Août 2013
Je suis un homme. Je pourrais prétendre que cela ne me concerne pas. Si ce n’est que j’ai deux filles, ainsi qu’une mère qui a été forcée d’avorter de manière illégale dans son état dans lequel l’avortement
était illégal lorsqu’elle était une jeune femme. Cela lui a coûté 600 dollars. C’était pour elle une chose traumatisante. C’était honteux, sordide et avilissant. Lorsque j’ai entendu cette histoire, j’ai été agacé
par l’hypocrisie d’une société qui pouvait laisser une femme faire ce genre de choses. Je ne pouvais pas comprendre ce manque d’humanité. Aujourd’hui ce n’est pas différent.
Ce qui est arrivé à ma mère est une relique d’une Amérique qui n’est ni libre, ni égale, ni très agréable.
L’avortement illégal de ma mère a marqué une époque en Amérique que nous sommes parvenus à quitter à force d’un travail long et acharné. C’était un temps où les femmes étaient considérées comme une seconde catégorie de citoyens qui n’étaient pas assez intelligents, ni assez responsables, ni assez capables de prendre des décisions concernant leurs propres vies. C’était une époque qui méritait d’être quittée et laissée derrière nous, enfin c’est ce qu’il me semble. Nous avons fait de l’avortement ainsi que de la capacité des femmes d’être leurs propres maîtresses, un droit. Ce droit a été codifié dans des lois. Cette loi a été la loi de notre sol depuis des décennies. Ma propre mère s’est battue pour faire d’elle même plus qu’une possession. Elle a vécu sa vie comme une mère qui a choisi quand elle voulait avoir des enfants, ainsi qu’une épouse en mesure de gagner sa vie si elle en faisait le choix. Je veux que mes filles puissent jouir du même choix.
Je ne veux pas retourner à l’époque où les femmes ont flirté avec l’illégalité au milieu de la nuit afin de résoudre une grossesse indésirable, dans un hôtel au rabais. Lorsqu’une transaction de 600 dollars devient la pire chose qui puisse arriver dans la vie d’une jeune femme. C’est la raison pour laquelle je fais entendre ma voix pour vous et votre mouvement aujourd’hui. Car je fais confiance à toutes les femmes que je connais. J’ai confiance en elles et en leurs choix. J’ai confiance en ce qu’elles désirent faire de leur corps et j’ai confiance en elles avec leurs enfants.
Je crois qu’elles sont assez droites, assez sages et assez dignes pour porter le droit à l’avortement et ne pas être forcées d’exercer ce droit de façon criminelle, au risque de la mort ou encore de l’emprisonnement. Il n’y a aucune erreur dans le fait que nous ayons rendu l’avortement légal et disponible sur demande. C’est ce que nous avons appelé le progrès. Tout comme il n’y a pas eu d’erreur lorsque nous avons aboli le racisme institutionnel dans ce pays dans ces mêmes périodes.
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