Avec la régularité d'un coucou suisse, comme chaque année au début du mois de novembre, l'éditeur Activision lâche dans l'arène vidéoludique le nouvel opus de sa martingale vidéoludique Call of Duty, baptisé cette année Call of Duty : Black Ops III. Call of Duty, COD pour les intimes, la franchise phare d'Activision devenue au fil des ans son propre genre : Blockbuster; dans son acceptation la plus hollywoodienne du terme bien entendu, avec ses forces et ses faiblesses. A se demander d'ailleurs et au fond quel est l'intérêt de porter une telle licence prochainement au cinéma, si l'on repense à la récente annonce de l'éditeur de la création d'une nouvelle entité, Activision - Blizzard Studios.
Black Ops III donc, qui déboule pile trois ans après le précédent (et solide) opus et tirant parti d'un cycle de développement de trois ans, selon une rotation de trois studios : Sledgehammer (aux commandes du millésime 2014 de COD, Advanced Warfare), Infinity Ward et Treyarch, qui signe justement Black Ops III.
On imagine assez bien le casse-tête et l'angoisse pour les studios à chaque itération sur la licence. Ne pas donner l'impression de faire du surplace, la faire évoluer, par petites touches, sans s'aliéner la base des fans encore fidèles, même si les ventes se sont sensiblement érodées ces dernières années. Cette année pourtant, force est de reconnaître que l'éditeur est arrivé avec un titre gavé de contenus, en particulier dans les différents modes de jeu. Nous laisserons de côté le volet exclusivement multijoueurs du titre. D’aucuns diront qu’il s’agit surtout du vrai intérêt de la licence. Oui…et en partie non. Car la campagne solo a quelques atouts à faire valoir, même si elle souffle le chaud et le froid.
La pépinière Hollywood à la rescousse... Ou pas
Depuis de nombreuses années, la licence a pris l'habitude d'emprunter à Hollywood ses principaux cerveaux, notamment du côté de la pépinière des collaborations scénaristiques. Certains l'ignorent peut-être mais sur Black Ops 2, le studio Treyarch mettait en avant sa collaboration avec David S. Goyer, le scénariste fétiche de Nolan. Pour COD : Modern Warfare 3, c'était Paul Haggis. Sur COD : Ghosts, sorti il y a deux ans et développé par Infinity Ward, c'était Stephen Gaghan, le scénariste-réalisateur de Syriana. Le hic, c'est que l'on a jamais vraiment senti leurs empreintes dans ces livraisons annuelles de la franchise... "Simple" exercice de communication ? Sans doute.
Toujours est-il que l'on a préféré cultiver l'entre-soi chez Treyarch pour coucher l'histoire de Black Ops III, qui met à nouveau -comme les précédents volets- au coeur de son récit les coups particulièrement tordus menés par la CIA aux quatres coins de la planète. Un récit notamment portés par des acteurs modélisés de manière plutôt convaincante. En tête Christopher Meloni (Oz, New York, unité spéciale...) sous les traits de John Taylor, l'antagoniste du jeu, un vétéran des Forces spéciales US; l'actrice Katee Sackhoff (Battlestar Galactica), qui incarne la soldate Sarah Hall; et Sean Douglas, qui prête sa voix et ses traits au personnage de Jacob Hendricks, votre compagnon sidekick tout au long de la campagne, pour le meilleur et pour le pire.
Cyberguerre et nanotechnologie
Si Call of Duty : Black Ops II se déroulait en partie en 2025, en plein contexte de seconde guerre froide entre les Etats-Unis et la Chine dans le rôle de leur nouvel ennemi, on fait encore un bond de géant avec Black Ops III. Nous voilà carrément propulsé en 2065. Un univers évidemment anxiogène, où la biotechnologie couplée aux améliorations cybernétiques ont donné naissance à une nouvelle espèce de soldat Black Ops.
Grâce à la technologie Direct Neural Interface (DNI), les joueurs sont désormais connectés au réseau de renseignements en temps réel ainsi qu’à leurs compagnons d’opération pendant le combat. Et puisqu'on en est au stade de la quasi fusion entre l'homme et la machine, on soulignera avec force que la justification des greffes cybernétiques sur le corps du personnage - joueur est d'une violence choquante : celui-ci se fait littéralement arracher les mains par un robot tueur, tandis que notre personnage hurle à la mort. Assez glaçant...
Dans l'essence même de la trame scénaristique du jeu, Treyarch n'a pas cherché à réinventer la roue. On reste encore en présence des "canons" de la licence, c'est à dire une vision droitière et guerrière de la marche du monde, avec son lot d'inévitables traîtres à la patrie, de terroristes, notamment incarnés dans le jeu par la NRC (Nile River Coalition); tandis que notre personnage oeuvre dans le cadre de "l'Accord Winslow", c'est-à-dire un traité de défense mutuelle réunissant des pays d'Amérique du Nord et du Sud, l'Afrique, Europe, Moyen-Orient, Asie et Pacifique Sud. Oui, ca fait du monde.
Initiative plutôt intéressante de la part de Treyarch, destinée à davantage explorer / préciser le background des Black Ops menées par la CIA, c'est la possibilité donnée au joueur d'accéder dans le jeu à un Codex, qui expose les coups tordus (authentiques) menés par l'agence depuis sa création. Comme l'explication donnée au programme ultra secret baptisé MKULTRA, nom de code d'un programme de recherche sur le contrôle mental débuté dans les années 1950 avec pour objectif la recherche, le développement de matériaux chimiques, biologiques et radiologiques permettant de contrôler le comportement. Un programme colossal, qui comprenait 149 projets, et dévoilé seulement en 1975. Ce n'est évidemment pas un élément essentiel du jeu, mais ca nourrit incontestablement la toile de fond du titre. Le studio se livre même à l'exercice de la prospective tel un Nostradamus. On est ainsi ravi d'apprendre que la chute de l'Europe est prévue à l'horizon 2025, tandis que l'OTAN est dissoute en 2028.
Une campagne étonnamment longue
Il faut saluer la durée étonnamment longue de la campagne solo, au contraire des opus précédents. Il y a 11 missions, à raison de 45 min à 1h pour chacune d'elle, soit environ 9h à la louche, en fonction aussi du niveau de difficulté choisi. On ne saurait trop vous recommander d'ailleurs de passer directement au minimum en mode "commando" (palier 3/5), faute de quoi l'expérience risque inévitablement de se transformer en séances de tir aux pigeons...
Nouveauté aussi très appréciable : les missions de la campagne sont jouables dans n'importe quel ordre, et jusqu'à quatre joueurs en simultanés, ce qui promet une expérience quand même plus fun que de joueur seul. Dans cette optique, le développeur Treyarch a du coup sensiblement élargi certaines zones du jeu, histoire de ne pas donner l'impression de se marcher sur les pieds, même si les chemins alternatifs sont peu nombreux. Dommage.
Avant de partir au combat, le joueur est invité à choisir des améliorations pour son personnage sous forme de cyber noyaux, à choisir parmi trois branches : Contrôle, Martial et Chaos. Le contrôle permet par exemple de percer le blindage d'un robot en lui arrachant le coeur, prendre le contrôle de tourelles ou drones, les reprogrammer, provoquer une surcharge fatale au coeur d'un robot... Côté Martial, on privilégie le corps à corps avec des volées de coups, permet de se déplacer plus vite, ou encore piquer un sprint fatal pour les adversaires. Le Chaos enfin, qui permet par exemple d'enflammer les robots, créer des surcharge de masse affectant les ennemis humains, des essaims de lucioles émettant de puissants flash LED, etc.
En accomplissant certains faits d'armes en plus de dessouder les adversaires, on gagne de l'expérience qui sert à booster justement non seulement son personnage, mais aussi ses armes, hautement personnalisables. Mine de rien, c'est une grosse différence avec les expériences passées dans les campagnes des précédents volets.
Visuellement et au niveau du Level Design, le titre souffle le chaud et le froid dans la campagne. La première mission par exemple, où l'on doit infiltrer un aérodrome de la NRC en Ethiopie afin de procéder à l'extraction du Premier ministre egyptien, est vraiment peu inspirée, assez lourdement scriptée. Loin derrière la mission "Hypocentre", plus flatteuse pour la rétine, où le but est d'explorer un complexe de recherche abandonné suite à une catastrophe (que nous tairons pour ne pas spoiler), en s'enfoncant toujours plus profondément sous terre. La 9e mission, qui se déroule sur une plateforme de forage aquifère en Egypte, est aussi plutôt réussie, tout comme la mission "Tours lotus", où l'on explose à peu près tout ce qui passe à portée du canon comme dans le film (très sympathique) Dredd avec karl Urban, ou encore, pourquoi pas, du bâtiment de The Raid.
L'histoire a beau un peu partir dans tous les sens en multipliant les références cyberpunk (Ghost in the Shell et son questionnement sur l'Intelligence artificielle au top de la liste), Black Ops III se révèle étonnamment plus étrange et séduisant encore dans des séquences fantasmagoriques où le personnage navigue entre le conscient et le subconscient dans ses souvenirs et ceux des autres combattants; séquences qui rappellent un peu Assassin's Creed.
Par contrecoup, les inévitables séquences de rail shooting (en bateau pneumatique notamment), un "classique" de la franchise, paraissent vraiment datées pour un titre sortant en 2015, et il serait sans doute bon pour les futures livraisons Call of Duty de faire totalement abstraction de celles-ci, au profit de séquences de gameplay où le joueur a davantage le sentiment d'avoir une influence sur ce qui se passe autour de lui, plutôt que de voir le titre partir en pilotage automatique.
Bénéficiant d'une bonne durée de vie et d'une replay value plutôt bienvenue avec toutes les personnalisations possibles du personnage et son équipement, la campagne solo pourra également être refaite en mode cauchemar, avec de bonnes grosses invasions de zombies à la clé. Fun, mais peut être pas autant que "Shadow of Evil", un gros bonus de Black Ops III, qui plonge le joueur avec délice dans une ambiance Film noir vraiment sympa.