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    Alex Garland : "dans Ex Machina, le charisme ne suffisait pas, il fallait de bons acteurs"
    Corentin Palanchini
    Passionné par le cinéma hollywoodien des années 10 à 70, il suit avec intérêt l’évolution actuelle de l’industrie du 7e Art, et regarde tout ce qui lui passe devant les yeux : comédie française, polar des années 90, Palme d’or oubliée ou films du moment. Et avec le temps qu’il lui reste, des séries.

    Sacré prix du jury au festival international du film fantastique de Gérardmer 2015, Ex Machina est un huis-clos traitant d'intelligence artificielle. Scénariste de renom, Alex Garland passe pour la première fois derrière la caméra. Rencontre.

    Universal Pictures International France

    Ce mercredi sort dans les salles Ex Machina réalisé par Alex Garland avec Oscar IsaacDomhnall Gleeson et Alicia Vikander. Ce huis clos a séduit le jury du festival international du film de Gérardmer 2015 présidé par Christophe Gans, et son réalisateur, scénariste de 28 jours plus tard et Sunshine, a accepté de répondre à nos questions.

    Votre film a été sélectionné en compétition au festival international du film fantastique de Gérardmer, et à la soirée d’ouverture vous avez déclaré qu’Ex Machina avait besoin des festivals pour exister, il n’y a pas de place au cinéma pour un film comme le vôtre sans l’aide d’un festival ?

    Le drame pour adultes a quitté le cinéma pour trouver sa place à la télévision. Surtout aux Etats-Unis depuis Les Soprano. Ça a donné Breaking Bad, Mad Men, The Wire, des drames tout-à-fait intéressants. Dans les années 1970, on les avait au cinéma avec Le ParrainTaxi Driver ou Apocalypse Now.

    (…) Aujourd’hui, si vous faites un film sans star, qui n’est ni une adaptation de comics ou une franchise, les gens s’en détournent. C’est un vrai problème. Et la seule façon de prévenir les gens, c’est via les festivals. J’ai fait assez de films pour connaître le rythme et les habitudes [de Hollywood], et ce n’est pas exagéré de le dire : nous avons besoin des festivals. Ce sont des plateformes qui disent que l’on existe.

    Oscar Isaac est un excellent acteur. Pouvez-vous nous dire si son look très particulier dans ce film était une demande de sa part ou de la vôtre ?

    La barbe a toujours été actée. Par contre, ça a été une longue discussion entre nous sur ses cheveux. Savoir si on les faisait longs ou courts. Idem à propos des lunettes. On a fait des essais photos et au final, nous sommes tombés d’accord sur ce que vous voyez dans le film.

    Universal Pictures

    Oscar Isaac comme Domhnall Gleeson ont tous les deux été choisis pour jouer dans l’épisode VII de Star Wars. Etaient-ils déjà au courant sur le plateau ?

    Non, ils l’ont appris lorsque nous étions en post-production. D’ailleurs l’un ne savait pas que l’autre était engagé jusqu’à ce qu’ils participent à la première lecture du scénario ! (rires)

    Qu’est-ce qui vous a fait choisir Alicia Vikander pour ce rôle qui a dû être difficile ?

    Très difficile ! Nous avions un problème : il nous fallait des acteurs. Parfois il vous faut une star qui a beaucoup de charisme (…) et qui n’est pas nécessairement bon acteur. (…) Mais dans ce film, le charisme ne suffisait pas, il fallait de bons acteurs. Pendant nos recherches, nous avons vu le film danois A Royal Affair. Et si vous l’avez vu, Alicia Vikander fait montre de son talent et vous la regardez toute entière. Pas seulement parce qu’elle est belle, mais parce qu’elle a une présence.

    Il arrive que vous regardiez un film en vous disant : « il ou elle a été très bien casté(e) », alors qu’en fait lorsque vous voyez un bon acteur, tout le monde sait que c’est un bon acteur. C’est ce qu’il s’est passé avec Alicia, Oscar et Domhnall. Il ne s’agissait pas d’identifier qu’ils seraient bons, c’était évident qu’ils le seraient. Non ici, il s’agissait de les convaincre de tourner le film. Car vous n’êtes pas le seul à le leur proposer.

    Universal Pictures

    Je me trompe peut-être, mais dans votre scénario de Dredd, je trouvais qu’il y avait que chaque scène s’inscrivait parfaitement dans son environnement, avec une bonne utilisation du décor. Avez-vous procédé de même sur ce film que vous réalisez, cette fois ?

    Ce film met l’accent sur une pièce étrange remplie de miroirs, où la plupart des conversations entre le jeune homme et le robot. Je pense que parfois les films ont peur de montrer des gens qui parlent dans une pièce. Ils pensent que la scène devrait avoir lieu dans la rue, qu’il faut que quelqu’un sorte une arme, conduise une vedette ou un avion… Alors qu’il y a de bons drames qui reposent sur des discussions dans des pièces.

    "Breaking Bad" est un peu comme ça…

    Exactement ! Et ce que la télévision a démontré, c’est que ça peut être captivant. Et je me répétais que Le Parrain ce sont essentiellement des gens qui parlent dans des pièces ! (rires). Le film n’a pas à avoir peur de cela. Nous avons besoin de prêter attention à ce qu’il se passe à la télévision, et à le respecter.

    Quelle a été votre inspiration pour concevoir le design de ce robot ?

    Dans Dredd, le héros a la plupart de son visage caché. Dans ce film, c’est l’exact inverse : ce n’est qu’un visage. (…) Une des difficultés du design [d’Ava], c’était que nous ne voulions pas que le public pense à un autre film ou un autre robot. Nous voulions que les gens pensent à elle et à la façon dont ils lui répondraient. (…) Avant de découvrir ce qu’elle était, nous devons trouver ce qu’elle n’étais pas. Par exemple, si nous l’avions faite en métal doré, vous auriez pensé à C3-PO. (…)Si cela avait été du plastique blanc (…), vous auriez pensé à un clip de Björk réalisé par Chris Cunningham. Ces robots qui avaient été copiés par le film I Robot.

    UFD

    Donc pas de doré, pas de plastique, et si vous faites un robot féminin, les gens qui l’ont vu vont penser à celui de Metropolis, un film muet des années 1920… Il fallait qu’elle ressemble à une machine, puis petit à petit à une femme. Il fallait que son corps soit comme une toile d’araignée tantôt invisible tantôt visible, selon l’éclairage [de la scène]. Donc soudainement, au lieu de voir un squelette, le corps d’une femme apparaît. Puis redisparait peu après.

    Vous étiez attaché au scénario de l’adaptation du jeu vidéo "Halo", que pouvez-vous nous dire de cette expérience ?

    C’était il y a 12 ou 13 ans déjà. J’écrivais le film de zombies 28 jours plus tard, et j’ai été engagé par Microsoft pour écrire un scénario. Je l’ai fait, et c’est tout.

    Donc quel est votre projet ?

    Je travaille avec un des producteurs de ce film, Scott Rudin, qui m’a proposé une adaptation du merveilleux roman Annihilation. Je ne sais pas si cela se fera car le problème c’est de le financer. Et de mon expérience, je fais sur 3 pour 1. A savoir je prévois trois films et seul l’un d’eux voit le jour. C’est le seul sur lequel je travaille actuellement puisque je ne travaille pas sur les trois simultanément. En tout cas, je ne veux pas un film de studio, donc je ne sais pas si cela se fera.

     Propos recueillis par Corentin Palanchini à Gérardmer le 29 janvier 2015.

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