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    "Loin des hommes exprime la difficulté de l'engagement politique et du discours humaniste en temps de guerre"
    Laetitia Ratane
    Laetitia Ratane
    -Rédactrice en chef adjointe
    Très tôt fascinée par le grand écran et très vite accro au petit, Laetitia grandit aux côtés des héros ciné-séries culte des années 80-90. Elle nourrit son goût des autres au contact des génies du drame psychologique, des pépites du cinéma français et... des journalistes passionnés qu’elle encadre.

    Il dirige les charismatiques Viggo Mortensen et Reda Kateb dans un western moderne lumineux et engagé. Rencontre avec le réalisateur David Oelhoffen...

    Pathé Distribution / CLAUDIO ONORATI/epa/Corbis

    Deux hommes dans un combat de nature et de culture

    La nature écrasante renforce l'absurdité de cette guerre qui se prépare...

    David Oelhoffen : Loin des hommes met en scène deux héros qui se "rencontrent" au milieu d'un désert qui a toujours fonctionné pour moi comme un troisième personnage. Le travail avec Guillaume Deffontaines, le chef opérateur, a été primordial. Le désert est beau et impressionnant bien sûr, mais surtout il a le pouvoir d'influer sur les personnages. La nature en étant omniprésente, immense, écrasante, renforce l'absurdité de la situation, de cette guerre qui se prépare, de ces hommes qui se déchirent. Son hostilité les font se sentir tout petits et les oblige à se rapprocher.

    J'ai écrit le personnage de Daru, joué par Viggo Mortensen, à partir d'une nouvelle de Camus intitulée L'Hôte. Il s'agissait d'un pied noir français avec une identité assez claire. Je lui ai donné une identité plus trouble et douloureuse, celle d'un Européen d'origine andalouse, qui ne se sent ni totalement français, ni complètement algérien. En arrivant en Algérie, les Andalous ont été ostracisés, considérés un peu comme des Arabes. Ce héros se situe donc entre deux communautés et se sent comme un étranger chez lui.

    Michaël Crotto

    Deux partenaires non égocentriques

    J'ai confié à mon directeur de casting avoir écrit mon scénario en pensant à Viggo Mortensen. Il m'a répondu "Mais tu sais qu'il parle français?"

    Je cherchais un acteur étranger pour interpréter Daru. J'ai confié à mon directeur de casting avoir écrit mon scénario en pensant à Viggo Mortensen et à son visage taillé pour le western. Il m'a répondu : "Mais tu sais qu'il parle français?" et m'a montré une vidéo dans laquelle le comédien rend hommage à un joueur de hockey canadien. On a jeté une bouteille à la mer en lui envoyant le script. Il l'a aimé, a voulu voir mon premier film et a réagi très vite.

    Lorsqu'on s'est rencontré, Viggo avait tout minutieusement préparé et pris des notes sur Camus. Il m'a posé beaucoup de questions. Au final, c'est lui qui m'a choisi. Il est éditeur, à la tête d'une maison qui s'intéresse beaucoup à l'engagement politique. Vous savez, lorsque Viggo Mortensen dit oui, il ne lâche rien. C'est quelqu'un d'extraordinaire, de très généreux.

    Je n'ai pas retenu Reda Kateb sur mon premier film mais il m'a plu !

    J'ai rencontré Reda Kateb sur le casting de mon premier film Nos Retrouvailles, où il s'est présenté pour le rôle de boxeur. Je ne l'avais pas retenu à l'époque parce qu'il n'était pas vraiment boxeur, contrairement à ce qu'il avait annoncé ! Mais il m'a plu et de là, j'ai eu envie de travailler avec lui ! Je me suis donc très tôt adressé à lui pour ce rôle-là. Reda et Viggo se sont retrouvés avant le tournage de Loin des hommes pour préparer leur rôle ensemble. Ils sont tous les deux généreux, non égocentriques, ils n'essaient jamais de tirer la caméra à eux, ce sont de vrais partenaires.

    Michaël Crotto

    Un film politique, humaniste et plein d'espoir

    Mon militantisme consisterait à partager cette inquiétude et cette mélancolie tout en disant de ne surtout pas désespérer...

    A travers ce film, j'ai envie de partager la difficulté de l'engagement politique et du discours humaniste au moment où une guerre se déclenche. Ce que l'on retrouve en ce moment au Moyen Orient ou en Palestine où le discours de peur, le discours de "court terme" emporte tout. Face à lui, le discours centré sur la valeur de l'Autre est un discours sans poids aujourd'hui, un discours inaudible. Mais il ne faut pas désespérer, car il le sera un jour. Mon militantisme consisterait à partager cette inquiétude et cette mélancolie tout en disant de ne surtout pas désespérer, de ne pas avoir peur...

    Je ne voulais pas reprendre le titre de la Nouvelle de Camus car je n'avais pas envie que le film laisse penser qu'il s'agit de son adaptation fidèle. Loin des hommes s'applique au départ à Daru, qui s'est mis à l'écart du monde pour faire du bien à son niveau. Il croit s'en protéger ainsi aussi, ce qui est pour moi une position assez naïve car on ne peut se mettre à l'écart de l'Histoire. Le vent de l'Histoire vous rattrape où que vous soyez. Ici il s'agit de l'Histoire de la décolonisation personnifiée par le personnage de Mohamed (Reda Kateb). A la fin du film, le titre s'applique à ce dernier, passant ainsi d'un héros à l'autre...

    Propos recueillis le 10 Octobre 2014, au Festival du Film de La Réunion

    Rencontre à Paris avec les deux héros de "Loin des Hommes"

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