Certains la disaient affaiblie, en perte de vitesse, d’autres estimaient même qu’elle n’avait été qu’un feu de paille, la série d’une seule saison évènement. La saison 3 d'Homeland avait même fini d’achever les espoirs de certains fans qui ne supportaient plus la romance entre Carrie et Brody et tout ce qui concernait la famille de ce dernier. Lors du final de la saison 3, les scénaristes avaient donc fini par faire le choix d’éliminer Brody (Damian Lewis). Un choix radical qui s’est avéré payant à tous les égards, la saison 4 d’Homeland, tout juste achevée sur Canal +, nous ayant offert un très grand moment de télévision qui prouve que sa flamme ne s’est jamais éteinte. Malgré le défi élevé, elle a réussi à rebondir comme jamais et comme peu d'autres avant elle. Comment ? Comme ça ! [Attention SPOILERS !]
Eliminer Brody : la meilleure des décisions
On avait beau l’adorer, Brody devait effectivement disparaître pour qu’Homeland (et Carrie) garde sa santé mentale. Le temps de ses intrigues était arrivé à sa fin et le personnage souffrait trop pour être gardé en vie. Mais, bien que la nécessité s'en fasse sentir, mettre en place sa disparition a été un choix très audacieux de la part des scénaristes et sa réalisation un véritable choc. Depuis la saison 1, Nicholas Brody était en effet un personnage principal et un élément indissociable d’Homeland, le cœur de son histoire, celui par qui toute cette paranoïa avait commencé.
Pour de nombreux fans, la mort de Brody a réveillé quelque chose, une excitation et des questions. Ainsi, ceux qui pensaient laisser tomber la série parce qu’ils n’y croyaient plus ou parce qu’ils ne l'imaginaient pas sans lui, ont tout de même été au rendez-vous de la quatrième. Déçus comme inconditionnels de la première heure, on voulait tous voir comment les scénaristes allaient se dépatouiller sans Brody et ce qu'Homeland allait bien pouvoir nous raconter maintenant...
Revenir aux bases : l’espionnage et le terrorisme
Avec la disparition de Brody, Homeland s’est offerte un nouveau départ. Elle a appuyé sur le bouton "refresh", elle a laissé passer six mois dans son histoire pour revenir à sa base intime, celle d'intrigues complexes liées à l’espionnage et aux multiples guerres menées par les Etats-Unis au Moyen-Orient et a même ouvert son champ d’action au Pakistan, un allié des Etats-Unis avec qui les rapports n'ont pas toujours été simples. Seulement deux épisodes se sont ainsi déroulés aux Etats-Unis, Homeland étant l'une des seules séries américaines à nous faire voyager, en général et, surtout, cette saison.
On retrouve Carrie chef de station à Kaboul, en pleine action. Dès le premier épisode, elle doit en effet prendre la décision de lancer ou non une attaque pour éliminer une cible prioritaire de la CIA au Pakistan, le terroriste Haissam Haqqani. Carrie fait partir le drone parce qu’elle croit en la fiabilité des renseignements fournis par Sandy Bachman, le chef de station d'Islamabad (Corey Stoll). En réalité, Carrie a ordonné un tir qui a, certes, tué Haqqani mais qui a surtout tué une quarantaine de civils présents... à un mariage. C'est le point de départ de toute une série de rebondissements qui vont interroger les décisions américaines, le fantôme de leurs ennemis et d'une guerre de 13 ans, leurs sources mais aussi leurs relations compliquées avec le Pakistan, dont les autorités et la branche de renseignements ne partagent pas la même vision quant aux questions terroristes.
Redonner toute sa splendeur à Carrie
Ce nouveau nœud de vipères sert aussi de contexte pour nous montrer Carrie comme jamais. Depuis le début de la série, on nous répète qu’elle est une as dans son métier mais, après plusieurs saisons ponctuées par ses obsessions et sa maladie, le personnage avait eu peu d'occasion de nous le prouver. Dans cette quatrième saison, elle nous apparaît totalement émancipée, déterminée, ambitieuse, dans l'action et la décision, droite, passionnée, confiante et surtout compétente. Toujours dotée de son caractère de forte tête, elle est capable de remettre n’importe quel costard cravate ou individu méprisant à sa place, de donner des ordres ou de monter une station secrète avec Fara et Max comme Saul l'aurait fait. Et ça, c'est un immense plaisir à regarder...
"Je veux Islamabad. Je ne reste pas ici."
Carrie est désormais la "Reine des Drones" et plus l'amoureuse obsessionnelle capable du pire. Ne nous y trompons pas, elle est toujours capable du pire mais, dans cette saison 4, elle le fait systématiquement pour réussir sa mission. Elle est d'ailleurs loin d'être devenue parfaite et, de retour aux Etats-Unis après le désastre du drone, elle le prouve de suite. En retrouvant Franny, Carrie se montre incapable d'assumer (elle est même à deux doigts de noyer son bébé !) et quitte vite fait le pays. Pour certains, Carrie serait même devenue une sorte "d'anti-héros masculin" qui quitte sa famille pour son travail et pour qui il est difficile de ressentir de l'empathie. Mais, pourquoi donc ? Carrie n'a pas besoin d'être un homme pour tout laisser derrière elle. Ni pour être une anti-héroïne fascinante plus complexe que n’importe quelle autre héroïne - et héros - de la télévision d’aujourd’hui. Et que dire de Claire Danes, à part... Wouah.
Réaliser une scène d’émeute qui a ouvert le bal
La saison 4 d’Homeland avait déjà réussi à nous convaincre lorsqu'elle a livré sa première scène choc. Cette dernière intervient dès le premier épisode et nous scotche pour les 11 épisodes suivants. Au Pakistan, Carrie armée de Quinn, cherche Sandy Bachman qui s’est éclipsé de l’ambassade pour retrouver sa source secrète. Son portrait et son rôle dans l’attaque du drone ont fuité et son visage se retrouve sur tous les écrans.
La panique et les tensions s’élèvent dans les rues, comme seule Homeland sait les faire transpirer. Heureusement, Quinn et Carrie retrouvent Sandy pile poil au moment où il est pris au piège. Mais, Homeland ne s’arrête pas là. Dans une scène d’une violence inouïe et d’un réalisme à faire trembler, la foule casse la vitre de la voiture et Sandy est récupéré. Il se fait littéralement aspirer par la foule avant de mourir atrocement sous les coups d'hommes en colère. Homeland prouve alors qu'elle sait toujours créer l'angoisse ultime, l'angoisse réelle.
Tout l’art de maîtriser les "What the Fuck !?"
Avec cette scène choc, le ton de la saison est donné. La série aurait alors pu tomber dans le travers d’autres shows qui enchaînent les twists et les surprises au point que plus rien n’a d’effet sur le téléspectateur. Mais, Homeland est un thriller qui sait toujours maîtriser ses effets. Ainsi, toutes les surprises de la saison et tous ses rebondissements sont de véritables réussites menées avec grand soin. Chaque épisode livre une tension maximale où l'on sent à chaque instant la menace d'un danger planer...
Lorsque Fara aperçoit le jeune Aayan, survivant de l’attaque du mariage, donner un paquet à Haqqani, notre coeur bondit. WTF ! Haqqani est en vie ! Lorsque Carrie, en mode "crazy", séduit Aayan pour le recruter, on est un peu choqué, mais lorsqu'elle finit par coucher avec le jeune homme pour obtenir ce qu'elle veut de lui, on tombe littéralement de notre siège. Comment ne pas être non plus sur les nerfs lorsqu'elle elle finit par le piéger pour qu'il se tourne vers Haqqani, que ce dernier sort de sa voiture, accompagné de l'otage Saul, qu'il exécute son neveu en bonne et due forme alors qu'elle assiste à toute la scène, comme un clin d'oeil au premier épisode où Aayan avait regardé vers le ciel (et donc le drone) comme s’il voyait Carrie…
I Still got it !"
Tout le kidnapping de Saul est aussi une grande source d'angoisse de la saison 4. A partir du moment où il se fait enlever jusqu'au moment où il s'évade dans la nuit puis finit par tenter de se suicider pour ne pas retomber aux mains de ses assaillants, notre coeur bat la chamade. La suite n'est pas plus douce pour notre rythme cardiaque puisque lorsque l’échange de prisonniers aboutit au cours d'une scène terrible et que le calme semble revenu... leurs voitures explosent ! Puis, Haqqani révèle enfin son terrible plan : pénétrer l’ambassade des Etats-Unis. S'ensuit un épisode encore plus stressant qui aboutit à la sédition de Lockhart et à l’égorgement de Fara. La grande époque de la saison 1 et de ses chocs à répétition !
Elle a créé LA surprise de la saison 2014
Mis à part tous ces évènements et leur paroxysme (la présence de Dar Adal dans la voiture d'Haqqani), Homeland a réalisé LE coup d'éclat de cette rentrée 2014, quelque chose auquel personne ne s’attendait. Au cours de l’épisode 7, Carrie va très mal. Ses médicaments ont été remplacés par le mari de l’ambassadrice, et, empoisonnée, elle passe par plusieurs phases de souffrance où plus rien n’est réel pour elle. Victime d’hallucinations, elle est arrêtée en pleine rue alors qu’elle délire et se retrouve dans une maison inconnue. Elle est alors attaquée par quelqu’un qu'on n'a pas eu le temps de voir et tombe à terre et, là, en gros plan, surgit le visage de... Brody ! Le choc est au-delà de ce qu’on pouvait imaginer. Et les questions se bousculent dans notre tête ! "Non, ils n'ont pas fait ça, c'est pas possible..."
Bien évidemment, Brody n’est pas là (il s’agit en fait d’Aasar Khan) mais le doute est permis durant l’espace de quelques secondes durant lesquelles Carrie lui parle et se laisse aller à son chagrin. Une manière très triste et très fine de montrer que le personnage n’a pas été oublié mais aussi un moyen d’évoquer la culpabilité qu’a Carrie de l’avoir envoyé à sa mort, tout comme elle vient d’envoyer Aayan à la sienne... En tout cas, faire revenir un personnage "d’entre les morts" sans que personne n’en ait entendu parler, c'est du grand art.
Elle a donné sa place autant aux anciens qu'aux nouveaux
Brody disparu, Quinn n’aurait pu devenir qu’une sorte de remplaçant. Mais, Homeland est parvenue à lui donner encore plus d’épaisseur, à en faire un personnage totalement indépendant. Souffrant de culpabilité par rapport à la mort de Sandy qu’il a dû laisser à la foule, Quinn veut quitter la CIA et même si on apprend plus tard qu’il est déjà passé par là plusieurs fois, ses doutes sont sincères. Son amour, enfin révélé pour Carrie, nous le montre également sous un jour nouveau, attachant et douloureux.
C’est d’autant plus dur de le voir lutter contre ses démons lorsqu'il est obligé de se remettre en mode Jack Bauer. Jusqu’au dernier épisode, Peter montre qu’il a tout vu de Carrie, surtout le pire, mais que c’est bien avec elle qu’il veut être. La scène du final où il lui téléphone, comme un adolescent pressé, est à cet égard très réussie. Sans de réponse claire à sa question (peut-on être ensemble ?), Peter se retrouve seul face à lui-même et réagit en faisant la seule chose qu'il sait faire...
Saul revient aussi au sommet cette saison après quelques épisodes passé à s'ennuyer dans le secteur privé. Plus que jamais avec tout l'arc de son kidnapping, le personnage rappelle à quel point il est indispensable. Il a toujours été le seul qui la comprenait et elle est également la seule qui le comprend. Plus qu'un mentor et un ami, il est une sorte d'âme-soeur qu'elle ne peut pas se résoudre à laisser partir et dont la trahison dans le dernier épisode choque plus que tout...
Mais, cette saison 4 a également réussi à incorporer de nouveaux personnages fascinants. Le couple des Boyd formé par l'ambassadrice Martha et son serpent de mari, Dennis, est une vraie réussite. Tout comme les deux membres de l'ISI (Inter-Services Intelligence), la "vilaine" Tasneem Quereshi et le "gentil" Aasar Khan, plutôt difficiles à cerner et qui sont loin, on l'espère, d'avoir dit leur dernier mot...
Elle finit en innovant totalement
Après une saison de ce calibre, on s’attendait à terminer sur un gros clash ou un cliffhanger. On s'attendait ce qu’il se passe quelque chose d'horrible : Franny kidnappée ou égorgée dans son sommeil, un gilet à explosifs.. Comme d'habitude en somme. Mais non. Il ne se passe rien de tout ce à quoi Homeland nous avait habitués. Meredith Stiehm, aux commandes de cet épisode, effectue en effet un retour particulièrement bien mené à la "réalité", au calme mais aussi à la réflexion. Et ça, personne ne s’y attendait. Personne ne s'attendait à découvrir l’épisode le plus calme et le plus tranquille de toute l’histoire d’Homeland. Un épisode fin qui laisse l'impression que rien ne s’est passé alors qu'en réalité, c'est presque tout le contraire...
De retour aux Etats-Unis, Carrie revient ainsi à des affaires très personnelles. Elle gère avec sa sœur l’enterrement de leur père et se décide enfin à s'occuper de Franny. Elle a ensuite la surprise de voir redébarquer sa mère dans sa vie, après 15 ans d’absence, et découvre l'existence d'un frère secret. S’ils n’impliquent aucune explosion, ces évènements sont bouleversants et permettent d’avoir des moments d’introspection de la part de Carrie. De comprendre ce qui vit en elle et ses douleurs profondes, notamment lors de l’éloge funèbre de son père, qui permet aussi de rendre hommage à l'acteur James Rebbhorn, décédé en mars 2014.
En retrouvant sa mère, elle apprend aussi la véritable raison de son départ. Non, sa mère n’est pas partie parce que son père était bipolaire mais parce qu’elle était elle-même une source de problèmes. Carrie réalise alors avec stupeur ce qu’elle n’a jamais pu croire de sa vie : elle pourrait partager sa vie avec quelqu’un. Mais, lorsqu’elle tente de joindre Peter, avec qui elle vient enfin d'échanger un baiser, il est trop tard. Et lorsqu’elle confronte Dar Adal et tente de le faire chanter pour retrouver Peter, elle réalise que Saul a déjà passé un accord avec lui, qui va à l’encontre de tous "leurs" principes.
Entre moments tristes et moments de joie (quand avait-on vu le casting partager un verre de whisky et des lasagnes ?), l'épisode se clôt avec une Carrie, en sécurité mais, seule, trahie et abandonnée. Une fin simple qui prend le temps de poser de solides jalons pour la saison 5, sans compter que les évènements qui se déroulent au Pakistan devraient inspirer les scénaristes. Le futur d'Homeland s'annonce, encore et toujours, plein de promesses...