Comme chaque année, avec la régularité d’un coucou suisse, novembre est synonyme de come-back de la franchise culturelle la plus vendue de tous les temps, véritable martingale de l’éditeur Activision : Call of Duty; COD pour les initiés. En faisant une analogie avec le cinéma, il y a d’ailleurs une petite anecdote savoureuse et finalement assez révélatrice : le genre officiel du jeu est désormais "Blockbuster" selon le dossier de presse. On ne parle même plus de FPS. Fini. Blockbuster, son propre genre. Avec plus de 25 millions d’exemplaires vendus pour le dernier COD : Modern Warfare 3, à 60 € le jeu, faites le compte : l’étiquette Blockbuster, au sens le plus hollywoodien du terme, n’est pas usurpée. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les éditeurs de jeux fonctionnent souvent par analogie avec Hollywood dans leurs communications financières. En faisant cela, ils tiennent à Hollywood le seul langage qu'il semble entendre : celui du dollar. Au-delà de ça, il y aura bien entendu toujours les partisans et féroces détracteurs de telles franchises. Mais il faut considérer celle de COD à l’aune de ce qu’elle est aussi devenue au fil des ans : à ce niveau-là, on peut parler d’authentique phénomène de société.
Cinéma 2.0
A force de tendre vers le cinéma, on se demande si les franchises type Call Of Duty ne sont pas en train de devenir une sorte de cinéma 2.0. Soit du cinéma, manettes en main. Et là –petit message plus ou moins subliminal à l’attention d’Activision- on se prend à rêver d’éventuelles séances de jeu / présentation dans une salle de cinéma, lunette 3D vissée sur le nez, encaissant les déluges de décibels, orchestrées par un Michael Bay en puissance. Ne riez / souriez pas : pour avoir assisté à quelques présentations de titres, notamment des cinématiques, dans une salle de cinéma, avec une image et un son correctement calibrés, les sensations sont assez hallucinantes. Après tout, certains réseaux de salles diffusent régulièrement de l’Opéra, ou retransmettent carrément des évènements sportifs. Pourquoi pas les jeux vidéo ?
Pour parvenir à ses fins, le Blockbuster emprunte à Hollywood certains de ses principaux cerveaux. La franchise COD a toujours pris l’habitude de convoquer le Who’s Who de la pépinière hollywoodienne, à commencer par ses scénaristes. Et cette année c’est David S. Goyer, le scénariste fétiche de Nolan et auteur du script de Man of Steel qui s’y colle. Est-ce à dire qu’on sent son empreinte ? Pas vraiment. Ou en tout cas pas plus qu’on a senti l’empreinte de Paul Haggis sur le scénario de Modern Warfare 3. Mais, avec un tel déluge d’images survoltées et parfois épileptiques, est-ce vraiment important ? Goyer reprend ici la suite logique de Call of Duty : Black Ops, pour nous plonger en 2025 sur fond de guerre froide entre les Etats Unis et la Chine.
La bande-annonce du jeu :
Guerre froide réchauffée
Pour vous mettre dans le bain et histoire de ne pas larguer les nouveaux venus autant faire un petit retour sur le pitch. Call of Duty : Black Ops II effectue un bon en avant dans la chronologie, dans un futur proche, en l’an 2025 ; un monde / univers que ne renierait pas Tom Clancy. On y incarne notamment David Mason, le fils d’Alex Mason, l’un des protagonistes du premier opus. L’histoire prend place dans un contexte de seconde guerre froide née des tensions entre les Etats-Unis et la Chine. Cette dernière possède en effet 95% des ressources mondiales de Terres Rares, des minéraux essentiels dans la fabrication d'appareils électroniques et donc des armes robotiques qui constituent tout l'arsenal militaire moderne. Ce point est d'ailleurs dans le prolongement géopolitique de vives tensions actuelles existant à propos de ces Terres Rares, et de l'accès à ses ressources, jugé confiscatoire par certains pays (voir ici).
Dans ce contexte, un terroriste, Raul Menendez, leader du mouvement Cordis Die et narcotrafiquant supposé, émerge et trouve le moyen de prendre le contrôle de ces armes robotiques afin de les retourner contre les pays dans le but de faire monter la tension entre ces deux nations. Personne ne connait les motivations de Raul Menendez, c’est pourquoi il faudra remonter dans le passé, au travers des souvenirs de Franck Woods et Alex Mason, les protagonistes du premier opus, pour comprendre la genèse de ce terrible personnage. L’action prendra place alors dans les années 80, en fin de guerre froide, et fera directement écho aux évènements de Call of Duty : Black Ops, premier du nom.
Vu comme ça, le pitch rappelle un tas de film d’action Middle-Class des 80’s. Ou un Expendables façon jeu vidéo, certaines séquences rappelant d’ailleurs beaucoup quelques scènes du film de Stallone. COD ne cherche pas à réinventer la roue d’un genre scénaristique, mais plutôt à embarquer le Gamer dans un gigantesque tour de montagnes russes, pour le laisser exsangue, manette en main, six heures plus tard. Et la version 2012 de ce côté-là ne déçoit pas. Déjà frénétique en matière de nervosité, cet opus COD abat plus que jamais toutes ses cartes sur la rythmique.
Les cinématiques sont moins longues, l’interactivité pendant ses cinématiques a été revue, donnant davantage l’impression d’incarner le personnage et les séquences de jeu brutes sans temps mort. Le joueur est catapulté dans des missions toutes très différentes, à commencer par une séquence en Wingsuit en Birmanie. Ca vous rappelle quelque chose ? Oui oui, l’impressionnante séquence des "Birdmen" dans Transformers 3 - La Face cachée de la Lune. Quand on parlait de Michael Bay plus haut… On enchaîne avec du tir au bazooka depuis un cheval lancé à toute vitesse sur une musique empruntée à Indiana Jones, l’initiation aux robots d’attaque (encore proche de Transformers), de l’infiltration via une araignée d’espionnage qui rendrait jaloux Tom Cruise dans le dernier Mission : Impossible, ou de la conduite en 4x4 à tout vitesse, alors que l’Apocalypse s’abat autour du joueur. Et on ne vous parle même pas des "classiques" attaques d’hélico ou de drones en tous genres…
Ce rythme est enrichi d’une liberté de choix, ce qui, au regard du passé, est quand même une nouveauté dans la franchise, nettement plus habituée à imposer aux Gamers un sentier balisé. Il reste quand même présent, mais il est désormais possible de prendre différentes pistes dans l’avancé de l’histoire. Mine de rien, ca permet à la campagne solo une certaine Replay Value, surtout si l’on considère les six fins possibles. Tout cela est appuyé par une musique frénétique signée Trent Reznor. Après Hans Zimmer, la franchise fait appel à l’un des compositeurs les plus courus actuellement à Hollywood, et déjà auteur de la musique du jeu Quake en 1996. Oscarisé en 2011 pour le score de The Social Network, on lui doit depuis la bande-son énervée de Millenium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes, du jouissif La Cabane dans les bois ou du film d’action made in Besson, Colombiana. Et non, on ne vous parle pas de la musique pour jouer à fond la carte des liens entre le jeu vidéo et le cinéma mais bien pour son apport. Presque un personnage à part entière, elle prend activement part au scénario et au rythme de ce COD.
Globalement, ce nouveau COD est à la hauteur de l’attente des inconditionnels de la saga. Et encore, à l’heure où nous écrivons ces lignes, nous n’avons pas pu tester le mode online, nerf de guerre de la franchise. D’aucuns diront qu’il s’agit surtout du vrai intérêt de la licence. Oui…et en partie non. Car il serait malhonnête de notre part de dire que nous n’avons pas pris de plaisir à traverser la campagne solo de ce volet développé par Treyarch.
Quitte à jeter un pavé dans la mare, force est de reconnaitre que le jeu est en revanche vraiment de plus en plus violent. Du reste, cette observation n’est pas propre à COD, mais est devenue ces dernières années une tendance lourde dans l’industrie vidéoludique. Au point que certains Game Designer, et non des moindres (David Cage, Warren Spector…), s’en émeuvent, pointant du doigt la difficulté du secteur à grandir et gagner en maturité, à élargir l’éventail de l’offre. Un débat et une réflexion introspective loin d’être terminés et tranchés.
Sébastien Olland & Olivier Pallaruelo