Mars 2010. C'est dans l'une des chambres d'un hôtel à la fois luxueux et discret, emprunt de nostalgie, que Rockstar nous a fait l'honneur de nous convier à une session de prise en main de sa dernière production : L.A. Noire, développé par le studio australien Team Bondi. Une occasion que nous n'aurions laisser passer pour rien au monde.
Los Angeles, la cité des anges déchus
L.A. Noire se déroule en 1947, alors que la ville est en plein essor économique et que l'industrie Hollywoodienne brille de tous ses feux. Dans le même temps, les Etats-Unis rapatrient ses G.I, qui doivent désormais lutter pour s'intégrer à nouveau au sein d'une société qu'ils peinent à comprendre. Mais, loin d'être un pendant vidéoludique au film de William Wyler, Les Plus belles années de notre vie, dans lequel le cinéaste dépeignait cette difficile réinsertion, L.A. Noire plonge le joueur dans une ville gangrenée par la corruption, la trahison, la mafia et les meurtres. Le Los Angeles brillamment décrit par James Ellroy dans L.A. Confidential en somme.
Une ville d'ailleurs recréée avec un soin maniaque. A l'instar du travail de recherche colossal effectué par Rockstar pour Red Dead redemption, Team Bondi a un souci du détail digne d'un horloger suisse, comme les noms des rues et autres postes d'appel de police disséminés un peu partout dans la ville, que le joueur pourra utiliser pour demander du renfort, des informations sur une plaque d'immatriculation, un nom, ou des renseignements sur des preuves glanées au fur et à mesure des enquêtes. Un espace tentaculaire aussi, que l'on pourra parcourir librement, fidèle en ce sens aux précédentes productions Rockstar.
Pour autant, L.A. Noire ne propose pas un concept type "bac à sable". Son Gameplay lorgne plutôt du côté du genre Point'n Click, combiné à une réelle sensation de liberté, ce qui lui ouvre finalement une voie assez personnelle. Le libre arbitre étant laissé aux joueurs quant aux choix et ordre des lieux à visiter, passant au peigne fin ou pas les lieux des crimes, se mettre à dos des témoins clés, ou au contraire s'assurer de leur parfaite collaboration...En d'autres termes, si l'on sent que Team Bondi aiguille sensiblement le joueur de sorte qu'il ne soit pas perdu sur les tâches à accomplir en vue de remplir ses objectifs, nous n'avons pas eu pour autant le sentiment d'être placé en permanence sur des rails. Un bon point donc.
Le Dahlia Noir
Le "Meurtre au bas de soie" est l'une des missions que Cole Phelps, le personnage que contrôle le joueur et auquel l'acteur Aaron Staton (Mad Men) prête ses traits, aura à remplir au sein du département des homicides. Alors que la mission s'ouvre sur un générique et une mise en scène dans la veine des films noir, une jeune femme d'origine hispanique a été retrouvée nue et atrocement mutilée dans une arrière-cour. Un meurtre inspiré d'ailleurs par celui du Dahlia noir, dont la victime, l'aspirante actrice Elizabeth Ann Short, fut retrouvée dans un terrain vague en janvier 1947.
Flanqué d'un acolyte, Rusty Galloway, que l'on peut solliciter à tout moment pour demander des conseils ou recueillir ses impressions, le joueur passe au peigne fin la scène du crime, en manipulant à la fois le corps de la victime, et les objets trouvés. C'est ici qu'entre en scène le précieux carnet du détective. Chaque indice et nouveau contact digne d'intérêt sera consigné dedans, au même titre que les lieux découverts. Le carnet recèle aussi des "points d'intuition", obtenus en cas de succès pour une action, un interrogatoire bien mené...D'un maximum de cinq, ces points peuvent être dépensés pour aider le joueur, par exemple dans la recherche d'indices et objets interactifs, qui seront révélés temporairement.
On insiste là-dessus, car pour en avoir utilisé un au cours de la mission, il nous a été impossible de balayer à temps tous les indices révélés, tant la zone couverte était importante. Il est évidemment très tentant d'utiliser ces points d'intuition, mais à notre sens, c'est aussi un peu se gâcher le plaisir de la découverte et ne pas assumer la prise de risques dans ses choix lors des interrogatoires. Les joueurs chevronnés feront certainement l'impasse sur cet outil.
Le Motion Scan, fondation de L.A. Noire
L'incroyable Buzz autour du titre de Team Bondi repose aussi en grande partie sur l'utilisation d'une nouvelle technologie, baptisée "Motion Scan". Pour les non initiés, elle permet de capturer et scanner toutes les nuances d'expressions du visage des acteurs, et de les plaquer "directement" sur les personnages du jeu. Le résultat offert procure un niveau de réalisme et de détail très nettement au-dessus de la technique traditionnelle de la Motion Capture.
Entre les mimiques, tics nerveux, timbres de voix qui changent et autres regards fuyants ou au contraire francs, cette technique offre effectivement un résultat vraiment bluffant. Est-ce à dire qu'une nouvelle étape technique serait en passe d'être franchie avec ce titre ? Certainement. Non seulement parce que cet outil a une réelle valeur ajoutée d'un point de vue narratif dans L.A. Noire et n'est pas un simple gimmick propre à épater la galerie. Mais aussi parce que, dans une industrie creusant toujours plus la veine "réaliste", L.A. Noire incarne une authentique forme d'hybridation entre la fiction cinéma et les jeux vidéo. Mais sans jamais perdre de vue sa fonction première, essentielle : permettre de jouer. Une technique en devenir donc.
Un avis que ne partagent pas certains acteurs de l'industrie, à l'instar du Game Designer David Cage, qui trouve cette technique "très intéressante mais reste un cul-de-sac", lui préférant la Performance Capture, qu'il espère atteindre qualitativement dans une poignée d'années pour la hisser au niveau d'Avatar. Un argument un peu teinté de mauvaise fois, si l'on songe que l'une des préoccupations majeures du Game Designer était justement de chercher à insuffler de l'émotion dans Heavy Rain. Le Motion Scan employé dans L.A. Noire permet aussi cela. A quand une hypothétique hybridation entre cette technique et la Performance Capture ?
A la fin de cette prise en main, nous avons quand même demandé pour quelle raison ce titre ne voit pas le jour sur PC, la mécanique de Gameplay et le genre de jeu étant tout de même plus adaptés sur ce support, même si les contrôles s'avèrent finalement très intuitifs sur console. Nous n'obtiendrons hélas qu'un laconique et frustrant "on ne sait pas pour le moment". Pour l'heure, vous pouvez cocher, si ce n'est déjà fait, la date du 20 mai dans vos agendas : L.A. Noire va frapper fort. Très fort.
Olivier Pallaruelo