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    Zoom sur... Raphaël Personnaz

    Le regard opalescent, les traits fins et l’air modeste, Raphaël Personnaz entre en scène. Derrière cette impression douce se devinent pourtant la fureur et l’aisance d’un Duc d’Anjou, longtemps jugé efféminé, et auquel il impose une belle virilité dans le dernier film de Bertrand Tavernier, "La princesse de Montpensier". Zoom sur ce jeune acteur prometteur.

    Les débuts : les planches et le petit écran

    L'acteur à la belle gueule, qui aurait pu incarner le Alain Delon séduisant de Rocco et ses frères, avoue en toute franchise avoir découvert le cinéma assez tardivement. Adolescent, le comédien se plaît plutôt à essuyer les planches. Il opte ainsi pour l’option théâtre de son lycée et décide, par la suite, de se former dans divers cours d’art dramatique avant de passer par le Conservatoire du XXe arrondissement. Il revient d’ailleurs à ses premières amours en 2007 au Théâtre de l’Atelier pour la pièce De Van Gogh à Londres et réitère en 2009 avec une adaptation de Médée. Parallèlement, il fait ses premiers pas sur petit écran. En 1998, à tout juste 16 ans, il apparaît dans Un homme qui crie. Par la suite, on le retrouve dans divers seconds rôles. S’il confie que certaines de ces expériences sont aujourd’hui "oubliables", ces tournages lui permettent de côtoyer Cristiana Reali dans un téléfilm (Quand la mer se retire) puis Line Renaud dans Nos vies rêvées en 2004.

    Quand séduction rime avec dérision...

    Désormais, son penchant pour les belles femmes n’a de secret pour personne : il donne la réplique à Claire Keim dans Le Roman de Lulu, interprète un séducteur invétéré dans La Première fois que j'ai eu 20 ans, et ose mettre en valeur son physique d’étalon au service du Pornographe de Bertrand Bonello. Son côté "glamour" et son allure dans l’air du temps lui permettent d’obtenir plusieurs contrats de taille : fougueux, il étreint Léa Seydoux au fil des époques dans la pub Lévi's (au son de Strange Love de Little Annie) et enlace courtoisement Anne Hathaway à l’occasion d’une séance photo pour le magazine Vogue.

    Mais le jeune homme de 28 ans s’amuse à détourner l’attention de son charmant visage par une autre arme qu’il se plaît à manier : l’auto-dérision. Lorsqu’on lui demande comment et pourquoi il a été amené à jouer dans trois films d’époque, dont deux auprès de Gérard Jugnot (Il ne faut jurer de rien ! et Rose & noir), le comédien rétorque, un sourire aux lèvres : "Je ne sais pas, on m’a déjà dit que j’avais une tête d’époque. (…) Je ne sais pas trop ce que cela veut dire mais ça ne me déplaît pas." Le regard qui tue, il tire le premier, nous sommes touchés. Il ajoute qu’il n’a pas seulement participé à des films en costumes, évoquant par exemple son apparition récente en amant impétueux au côté de Karin Viard, qui ne cesse de le déshabiller durant le film : "On n’est pas devant un film en costumes, loin de là, parce qu’elle m’a dénudé souvent. Là c’était un film nu",ironise-t-il à propos d’Anne Le Ny, la réalisatrice. Mais derrière cette façade qui révèle un comédien plein d’aisance, se cache un grand professionnalisme. Anne Le Ny raconte que le tournage des Invités de mon père ne s‘est pas avéré si évident pour Raphaël Personnaz : "Il venait surtout de la télévision et avait l’habitude de tourner très peu de prises, il a dû travailler deux fois plus et l’a fait avec enthousiasme, ça s’est très bien passé."

    ...et ambition

    Après ces expériences sur grand écran et derrière la caméra- il a réalisé plusieurs courts-métrages-, Raphaël Personnaz émet des souhaits pour sa carrière future : "Je rêve du cinéma américain des années 70, du cinéma new-yorkais où tu as l’impression que c’est pris sur le vif. En France, j’aimerais tourner avec Jacques Audiard parce que, justement, je trouve qu’on se rapproche d’une esthétique de ces années-là..." En attendant Audiard, le comédien goûte à la frénésie dont il est friand aux côtés de Bertrand Tavernier. Il raconte : "Je m’attendais à un réalisateur qui demande trente-cinq prises... (…) Or, pendant tout le film, on faisait deux, trois prises pas plus, ce qui permettait de garder une certaine énergie d’un plan à l’autre et de ne pas tomber dans le film d’époque ampoulé." Il évoque avec respect la formidable énergie du réalisateur et la confiance avec laquelle il lui a confié le rôle: "Lorsque j’arrivais le matin il me demandait : "Alors, comment vois-tu la scène ?". Au début, j’étais interloqué, je ne pensais pas qu’il me demanderait mon avis, et il était plutôt d’accord avec moi."

    Un coup de chance que ce rôle du Duc d’Anjou qui lui vaut les éloges de la critique et qu'il obtient par un heureux hasard (ou presque). A l’origine, Louis Garrel était pressenti pour le rôle du Duc et Raphaël ne devait jouer qu’un rôle secondaire. Surgit un imprévu : Louis Garrel quitte le projet et il faut donc le remplacer. L’assistante du réalisateur suggère alors de faire quelques prises avec le jeune acteur. Bertrand Tavernier relate combien il a été frappé par le jeu de celui-ci : "C'est mon assistante qui m'a dit : "Regarde cette photo, c'est lui !" On a fait une lecture du rôle tous les deux. J'ai su d'emblée que je ne m'étais pas trompé. Dès le premier plan qu'on a tourné, il avait l'ambiguïté, l'aisance, le charme, la culture du personnage. Il sait passer insensiblement d'un sentiment à l'autre, de l'ironie mordante à la sincérité. On a toujours fait passer Henri III pour une folle tordue, mais son homosexualité n'a jamais été prouvée. C'est une propagande vengeresse des extrémistes protestants et des catholiques éloignés du pouvoir."

    Raphaël Personnaz dans "La Princesse de Montpensier

    Devant la caméra de Tavernier

    En effet, dans ce nouveau film d’époque (et de trois !), une perle habillant son oreille droite, un trait de khôl soulignant le bleu de ses yeux tels deux carats, il campe un Duc d’Anjou viril aux prises avec une passion dévorante pour la princesse de Montpensier. Il s’oppose à plusieurs personnages masculins aux amours contrariées, de vaillants rivaux parmi lesquels le Duc de Guise, amant de la princesse (Gaspard Ulliel) et le prince de Montpensier (le mari passif interprété par Grégoire Leprince-Ringuet). Il sait qu’il a eu "une chance énorme" d’obtenir son premier grand rôle dans un film d’un réalisateur qu’il "admire beaucoup". Il évoque également ses compagnons de travail et sourit : "Je comprends qu’ils soient tous amoureux de Mélanie Thierry !" Sous les oripeaux d’une gueule "d’époque", Raphaël Personnaz sait recouvrir les traits du séducteur moderne, et cela avec humour, toujours. Ce qui ne gâche rien, Fichtre !

    Portrait réalisé par Dounia Georgeon

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