29 ans et déjà près de 15 ans de carrière ! Il a beau être le fils de Costa-Gavras, Romain fait preuve d’une belle expérience dans le milieu. Souvenons-nous… en 1994, quelques mois avant la sortie de La Haine au cinéma, il fonde le collectif Kourtrajmé avec Kim Chapiron. "On a commencé à 13-14 ans, on était un peu jeunes, inconscients et complètement idiots…" raconte-t-il. "Mais la technique, le savoir-faire sans trop de moyens, l’énergie et la débrouillardise, c’est ce qui reste dans les clips et dans les longs métrages". Avec une mise en scène décomplexée, le collectif se fait rapidement connaître. Au moment où Internet décolle en France, il bénéficie aussi de relais sur le web, les premiers internautes étant bien contents de découvrir des productions décalées bien différentes de ce qu’offrait la télévision. C'est à cette époque qu’il forge son équipe et noue les premiers liens avec Vincent Cassel. (Dans "La Barbichette" de Kim Chapiron, Cassel donne déjà la réplique à Olivier Barthelemy).
Passionné de musiques, Gavras s'oriente naturellement vers le clip où il acquiert une aisance technique et une capacité à travailler dans un court laps de temps. Ses vidéos vont le faire connaître sur la scène internationale… Particulièrement dérangeant, le clip de Justice (Stress) suivait les accès de violence d'un groupe de jeunes en virée sur Paris. Polémique. Particulièrement réalistes, certaines scènes créaient un malaise immédiat. Quelques mois plus tard, nouveau coup d’éclat et rebelote : Le clip "Born Free" de M.I.A.met en scène la répression de… roux. Une nouvelle fois, la violence - jugée gratuite par certains - fait jaser. La vidéo est même évincée de Youtube… Si elle lui a permis de se donner un prénom dans le milieu, la polémique occulte toutefois un des principaux centres d'intérêt de Gavras : le documentaire.
"Je suis complètement fasciné par les documentaristes comme Raymond Depardon", explique-t-il, "ou les faux documentaires de Peter Watkins. Le côté caméra à l’épaule me fascine complètement.. J’apprécie surtout les documentaires des années 70 où ils tournaient en film en s’appliquant sur les cadrages et sur le choix des sujets." L'oeil du documentariste ? C’est aussi ce qui fait la particularité de ses clips. Dans Signatune pour Dj Mehdi, il plonge Olivier Barthelemy dans le monde du Tuning (les amateurs du programme Strip-Tease apprécieront). Dans "I Believe", pour Simian Mobile Disco, il filme un village de Roumanie :
Simian Mobile Disco, I Believe from ROMAIN-GAVRAS on Vimeo.
Le documentaire, le vrai, il y touche aussi. Il se penche ainsi sur l’impayable Roi Heenok dans "Les mathématiques du Roi Heenok". Il marque une nouvelle fois les esprits en 2008 avec "A Cross the Universe". Il y suit le groupe français Justice pendant sa tournée américaine. Sexe, armes à feu et electro. On ne sait pas si une partie a été mise en scène, mais au fond, on s'en fiche. Gavras assoit son style. Il reste une étape à franchir. Le long-métrage…
Il écrit alors "Les Seigneurs" qui deviendra finalement Notre jour viendra. Il s'entoure pour cela d'un duo iconique de Kourtrjamé : Vincent Cassel et Olivier Barthelemy. Influencé par les cinéastes européens comme Bertrand Blier (Les Valseuses) et Dino Risi (Le Fanfaron), il tourne dans le Nord son road movie sur deux roux se révoltant contre les persécutions qu'ils subissent. Les roux ? Oui, encore. Comme dans le clip de M.I.A. qui a en fait été tourné après : "Dans le film j’étais assez frustré de ne pas avoir tourné de scènes avec plein de roux ! Du coup ça a répondu à ma frustration."
Et son père dans tout ça ? "Je lui fais lire mon scénario, il me fait lire le sien. Il me donne son point de vue et on discute. C’est assez agréable de pouvoir discuter avec un père qui connaît ce métier sur le bout des doigts." Il s'en tiendra là. A 29 ans, ce grand gaillard à la barbe bien fournie a déjà réussi à se faire un prénom. Comme Vincent Cassel à son âge. Son jour viendra-t-il ? Premiers éléments de réponse avec la sortie de Notre jour viendra en ce moment dans les salles.
Eric Kervern
Voir aussi :
L'interview de Romain Gavras et d'Olivier Barthelemy :