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    Décès du cinéaste allemand Werner Schroeter

    Le grand metteur en scène de cinéma et de théâtre allemand Werner Schroeter est décédé des suites d'un cancer à l'âge de 65 ans. Auteur de "Malina", "Le Roi des roses" ou "Nuit de chien", il avait reçu en 2008 à Venise un Prix spécial pour l'ensemble de sa carrière.

    Un esthète disparait. L'Allemand Werner Schroeter, grand nom du cinéma allemand, également metteur en scène de théâtre et d'opéra, s'est éteint dans la nuit de lundi à mardi dernier, à l'âge de 65 ans, des suites d'un cancer.

    Marqué par la Callas

    Cet ancien étudiant en psychologie à l'Université de Mannheim commence par réaliser plusieurs courts métrages sur la Callas, "la personne la plus importante de ma vie" confiera-t-il à Libération en 2002. Il s'attaque à son premier long métrage en 1969 : Eika Katappa, lauréat du prix Josef von Sternberg. Compagnon de route de la nouvelle vague allemande, il s'en distingue par ses partis-pris stylistiques radicaux. La mort rôde dans ses drames broques tels que La Mort de Maria Malibran (1971) qui s'attarde sur les derniers jours de la jeune cantatrice Maria Malibran. Le monde de l'art en général, celui de l'opéra en particulier, sont très présents dans son oeuvre, comme Concile d'amour (1982), autour d'une pièce de théâtre interdite pour blasphème.

    Huppert à la folie

    Les personnages principaux de ses longs métrages sont souvent des femmes fragiles qui ne parviennent pas à se conformer aux conventions de la société : Carole Bouquet est l'une des héroïnes du Jour des idiots en 1982. L'extravagant Schroeter trouve en Isabelle Huppert une interprète idéale : l'actrice oscille entre raison et folie dans Malina, un de ses films les plus marquants. Présenté en 1991 à Cannes (la projection fut houleuse), ce portrait de femme borderline est l'adaptation d'un roman d'Ingeborg Bachman, sur un scénario d'Elfriede Jelinek (l'auteur de La Pianiste). Onze ans plus tard, Huppert incarnera des soeurs jumelles dans l'onirique Deux (2002).

    Cinéaste nomade

    Si Schroeter refuse les barrières artistiques, alternant les tournages de films et les mises en scène d'opéra ou de théâtre, il ignore aussi les frontières géographiques : Il tourne en Italie dans les années 70 Le Règne de Naples (1978) et Palermo (Ours d'or à Berlin en 1980), tableaux du prolétariat italien à Naples et de l'immigration transalpine. Mais c'est au Portugal qu'il tourne en 1984 Le Roi des roses, dans lequel il filme un jeune homosexuel avec l'esthétisme et le goût de la démesure qui lui sont propres. Le film marque le début de sa collaboration avec le producteur Paulo Branco.

    Nuit noire

    En 2008, déjà très malade, Werner Schroeter se rend à Venise pour la présentation de Nuit de chien, fable sombre sur une ville en état de siège. Le président du jury, son compatriote Wim Wenders, lui remet un Prix spécial pour l'ensemble de sa carrière. En février dernier, il recevait une récompense honorifique du jury gay du Teddy Award au Festival de Berlin. Emporté par un cancer, le réalisateur au chapeau noir avait déclaré lors de la sortie de Nuit de chien : "Celui qui ne pense pas à la mort au moins cinq minutes par jour ne vit pas, mais fuit quelque chose. Vivre avec la mort est pour moi la seule préparation possible à l'éternité. Et à part cela, la tension entre la vie et la mort me tente (..) Les épicuriens disent : il n'y a pas de vie dans la mort et pas de mort dans la vie. Tout de même, vie et mort se côtoient, comme deux parallèles qui se rejoignent dans l'infini."

    Julien Dokhan avec Amélie Charnay

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