Après avoir distingué en 2003 et 2004 la jeune génération du cinéma d'auteur (Arnaud Desplechin pour Rois et reine l'an dernier, Noémie Lvovsky et Lucas Belvaux l'année précédente), l'Académie du Delluc a choisi de consacrer cette fois un de leurs aînés, en décernant son 63e prix aux Amants réguliers de Philippe Garrel, sorti en salles en octobre dernier. C'est la première fois que le cinéaste, âgé de 57 ans, et à qui on doit La Cicatrice intérieure (1972), J'entends plus la guitare (1991) ou encore Le Vent de la nuit (1999), obtient cette prestigieuse récompense.
L'avant-garde à l'honneur
Evocation en noir et blanc de Mai 68 et récit d'un amour fou entre deux jeune insurgés (interprétés par Louis Garrel, fils du réalisateur, et Clotilde Hesme), ce film-fleuve (2h58) avait déjà reçu à la Mostra de Venise le Lion d'argent de la Mise en scène, ainsi qu'un prix saluant le travail du chef-opérateur William Lubtchansky. Signé par un cinéaste épris de liberté et de poésie, Les Amants réguliers a été préféré à Caché, Le Petit lieutenant, De battre, mon coeur s'est arrêté et L'Intrus, les quatre autres finalistes. "J'ai toujours fait des films sans argent et celui-ci a coûté trois francs six sous", a déclaré Philippe Garrel en recevant cette récompense très convoitée. "Le fait que maintenant un de mes films obtienne le prix Louis-Delluc, c'est la preuve qu'on appelle les avant-gardes pour finalement tenir lieu d'art classique", a-t-il poursuivi.
Anthony Cordier dans le grand bain
Considéré comme "le Goncourt du cinéma", le Prix Louis-Delluc -ainsi nommé en hommage au critique, cinéaste et fondateur des ciné-clubs-, récompense le meilleur film français de l'année. Son jury est composé de journalistes et personnalités du cinéma, sous l'autorité de Gilles Jacob, le Président du Festival de Cannes. Depuis 1999 est par ailleurs remis un Prix Delluc du Premier film. Celui-ci a été attribué cette année à Douches froides d'Antony Cordier, très remarqué à la Quinzaine des Réalisateurs lors du dernier Festival de Cannes. Dans cette oeuvre frémissante, le jeune cinéaste tourangeau fait le portrait de trois adolescents tourmentés, entre lutte des corps et lutte des classes. Il succède à Yolande Moreau et Gilles Porte, lauréats en 2004 pour Quand la mer monte.
Julien Dokhan avec AFP