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    "Le Convoyeur" : Nicolas Boukhrief répond à vos questions !

    AlloCiné est allé à la rencontre du réalisateur Nicolas Boukhrief pour lui soumettre vos questions autour du "Convoyeur", polar urbain en salles depuis le 14 avril.

    Amoureux du film de genre, Nicolas Boukhrief signe avec Le Convoyeur un polar sombre et urbain, emmené par le trio Albert Dupontel / Jean Dujardin / François Berléand. Nous sommes allés à la rencontre du cinéaste -qui a insisté pour répondre à tous les internautes- pour lui soumettre vos questions...

    D'où vous est venue l'idée de faire un film sur les convoyeurs ? (Carne et ff45)

    Nicolas Boukhrief : De l'envie de faire un film de suspense avant tout, et de la difficulté de faire aujourd'hui un film sur les flics, les braqueurs, les dealers, les faux monnayeurs... parce qu'il y en a eu énormément. Au vu de la Une de l'actualité –car les braquages de fourgons font systématiquement la Une-, je me suis rendu compte qu'il n'y avait pas de films sur le sujet et que j'avais donc à la fois un film forcément de suspense puisque des convoyeurs dans leur fourgon créent un suspense, et une profondeur humaine assez forte puisque c'était un monde inédit où je pouvais créer des caractères intéressants.

    Fan de Starfix, j'aimerais savoir si le film est un hommage rendu à un genre que vous défendez par dessus tout ou s'il résulte davantage d'un cheminement plus personnel ? (badlieutenant)

    Les deux à la fois. Une fois que je me suis senti assez armé techniquement pour faire un film de genre, je m'y suis collé : je n'aurais jamais osé faire un polar en premier film car je pense que je n'aurais pas eu les connaissances techniques. Là, je me sentais prêt à faire un film hommage aux films que j'aimais quand j'avais 15 ans. Pour l'anecdote à propos de Starfix, la compagnie s'appelle Vigilante en hommage au premier texte que j'avais écrit dans le magazine quand j'avais 18 ans, sur le film Vigilante - justice sans sommation de William Lustig (1983).

    Quelles étaient vos références pour le film ? (Vikto et libilule)

    J'ai fait le film sans références cinématographiques directes : je n'ai pas revu de films pour réaliser Le Convoyeur puisque le sujet était inédit. Par contre, je voulais être proche de la série B américaine où les idées remplacent l'absence de moyens comme chez John Carpenter, Samuel Fuller... C'était plus un esprit que des références précises.

    Qu'est ce qui a guidé votre casting très efficace ? Aviez-vous les acteurs en tête quand vous avez écrit le scénario ? (bobmorane63 et ff45)

    J'ai écrit en ayant les acteurs en tête. Il y avait évidemment Albert Dupontel et s'il acceptait, j'avais tous ces autres acteurs autour de lui parce qu'il fallait un ensemble homogène. J'ai écrit en pensant à tous ces comédiens, j'ai été les voir et ils ont tous répondu très vite. Je n'ai pas fait de casting au sens propre du terme sur ce film. Albert Dupontel me paraissait évident pour le rôle de part son intensité. Jean Dujardin, je l'avais découvert à la télévision grâce à ma fille et je trouvais qu'il avait un très bon sens du timing qui serait intéressant à utiliser pour ce rôle. Quant à François Berléand, c'était intéressant de l'utiliser pour jouer une brute car il a tendance à incarner des personnages un peu pervers sans être des brutes...

    Pourquoi avoir choisi le magnifique Albert Dupontel ? (Carne et Vikto)

    On se connaît depuis dix ans, et j'avais essayé de le faire travailler sur mes deux premiers films mais il n'avait pas pu car il tournait à ce moment là. Ca fait donc très longtemps que j'ai envie de travailler avec lui et je trouvais qu'il avait à la fois le mystère, l'intensité et la force du rôle. Il n'y a pas beaucoup d'acteurs de 40 ans qui sont aussi intenses et aussi virils, et ça collait parfaitement à l'image que j'avais du rôle. D'ailleurs ça a marché puisqu'il a lu le scénario dans la nuit et m'a rappelé le lendemain matin pour me dire qu'il était partant.

    Comment vous est venue l'idée de proposer un rôle aussi sombre à Jean Dujardin, habitué à des comédies ou des choses plus légères ? (Lilidream83 et Vikto)

    Justement, il était intéressant de lui permettre de montrer une autre facette de ce qu'il avait pu faire jusque-là. Il a accepté très vite pour cette raison là, c'est à dire prouver qu'il pouvait faire autre chose que de la comédie. Le projet l'a passionné pour ça et il a abordé le plateau très humblement d'ailleurs, avec enthousiasme et humilité.

    A quoi sert le personnage interprété par Aure Atika ? Il n'est pas vraiment essentiel à l'histoire... A t-elle été victime d'un montage peu flatteur ou est-ce juste par amitié que vous lui avez confié un petit rôle ? (LtS0DA et bettipage13)

    Ni l'un ni l'autre. Elle sert en fait le personnage d'Albert Dupontel... Elle sert à dire que si ce personnage n'était pas obnubilé par son obsession, il aurait une vie possible à portée de main. Manifestement, il plaît à cette femme : elle a un gamin, il pourrait refaire sa vie avec elle, mais comme il est obsédé par son but, il passe à côté. Elle sert aussi à poser les questions que le spectateur se pose : "Vous êtes flic ?" "Non" "Vous êtes braqueur ?" "Non"... Pour le spectateur, ce sont autant d'hypothèses qui tombent à l'eau...

    Pourquoi le dernier plan est si "décalé" par rapport au reste du film ? Il semble presque trop poétique vu l'histoire et la façon dont elle se termine... (bettipage13)

    Je ne peux pas trop répondre à cette question parce que je ne le sens pas décalé du reste du film. Pour moi, le plan est assez cohérent. Il n'est pas spécialement poétique, c'est juste un plan de fin... Comme c'est la fin, cette scène est sans doute plus lyrique que le reste, mais c'est parce que c'est le dernier plan et que le film amène à ça...

    J'ai vu le making-of et apparemment, Albert Dupontel est un grand malade ! Jusqu'où est-il allé pendant le tournage ? Y a t il eu des crises de fous rire ? (satine6)

    Albert Dupontel est partant pour toutes les cascades... Tellement qu'on en a rajouté ! Nous nous sommes vraiment amusés. Ce n'étaient pas les scènes les plus difficiles à jouer pour lui parce qu'il aborde ça avec un intérêt de gamin casse-cou. Par contre sur le plateau il n'est pas fou à lier : il est très concentré sur son rôle et n'est pas du tout du genre à déconner dans tous les sens.

    Quelle a été la scène la plus complexe à tourner ? (fabeju)

    Un peu toutes car nous avons tourné le film en huit semaines –ce qui est court-, et comme il y avait beaucoup d'éléments techniques, c'était assez difficile. Ne serait-ce que tourner avec des fourgons est un cauchemar : ce sont des véhicules blindés, des armes de guerre, et rien que les déplacer pour faire un plan prend un temps fou. Tourner des scène de massacres dans le temps imparti était également assez ardu. Toutes les scènes étaient difficiles à tourner en fait, à cause du manque de temps... La scène de fête a été pour moi une grande angoisse parce que faire danser tous ces gens de façon crédible n'était pas facile, surtout en une demi-journée. Et la scène où Albert prend feu a été, non pas la plus difficile, mais clairement la plus tendue et la plus angoissante.

    Que pensez vous de la position de Jacques Charles, responsable CFDT, qui estime que le film ternit l'image de la profession en ne donnant pas une bonne image du convoyeur de fonds qui n'est ni raciste ni alcoolique... (kerena)

    Déjà, il a tout à fait le droit de le penser. Maintenant, je dirais qu'il y a deux sortes de convoyeurs : ceux qui sont assermentés par leur direction et qui parlent dans les journaux, et ceux que nous avons rencontré dans les séances en province qui parlent en tant que spectateurs et qui trouvent le film assez proche de la réalité, même si elle est évidemment un peu exagérée. Non pas la réalité des grandes compagnies, mais la réalité sociale et humaine des petites compagnies qui existent en France. Même si, bien sûr, nous avons rendu ça plus "comédie à l'italienne"... Ensuite, nous avons crée de toute pièce cette fausse société Vigilante, et nous avons le droit d'y faire ce que nous voulons en quelque sorte : tous ceux qui ont vu Taxi driver ne voient pas tous les chauffeurs de taxi de New York comme des psychopathes prêts à tuer un politicien ou un dealer de même que tous ceux qui voient La Femme du boulanger ne pensent pas que tous les boulangers de France sont cocus... Le film n'a pas prétention à être documentaire donc il est évident que les gens concernés peuvent ne pas s'y reconnaître.

    J'ai remarqué que vous remerciez Christophe Gans au générique : vous a t-il aidé à réaliser ce film ? (aragorn999)

    Avec Christophe, depuis toujours, on se fait lire nos scénarios. Il m'avait fait lire celui du Pacte des loups, je lui ai fait lire celui du Convoyeur et on s'échange des idées. Ensuite, on fait la même chose avec nos montages... C'est pour cela que j'étais crédité en remerciement au générique du Pacte des loups. C'est un échange de bons procédés.

    Vous faites partie de cette nouvelle génération de réalisateurs qui compte dans ses rangs Christophe Gans, Mathieu Kassovitz ou Jan Kounen. Pourquoi ont-ils tous selon vous, et contrairement à votre démarche qui va au-delà des artifices visuels pour traiter l'humain dans le détail, ce goût pour les films à gros budget ? (libilule)

    Cette fameuse génération est partie d'un article de Studio qui reste à contester, car ce sont des films tout de même très différents. De plus, tout ce petit monde ne se connaît pas tant que ça. Alors après, pourquoi ce goût du gros budget au sein de cette génération quadragénaire ? Sans doute parce que les films que nous allions voir gamins étaient les films américains. Personnellement, je n'ai pas forcément envie de gros budgets car je pense que chaque sujet est lié à un budget, donc je suis un peu à part. Maintenant, dans leur démarche, je pense que c'est simplement plus de moyens pour faire des images et du son, avec le goût du spectaculaire.

    Dans une récente interview, vous parliez des difficultés rencontrées pour financer le film, notamment à cause des demandes bien précises des télévisions. Ne pensez-vous pas que le financement des télés devient clairement un danger pour la création cinématographique ? (El_Tocardo)

    Complètement. Pas pour les films qui correspondent à leurs schémas : tout ce que produit la télévision n'est pas de la merde, et certains très bons films passent très bien à 20h30. Mais si on veut effectivement faire des films qui en sont pas raccords avec le prime-time, on a peu de chance d'avoir de l'argent de ces chaînes et cela devient clairement un danger pour la création. Ce qu'il faut souhaiter, c'est l'émergence de deux marchés différents : le DVD et les ventes à l'étranger. Le Convoyeur a par exemple été très bien vendu à l'étranger car c'est un film de genre qui se vend beaucoup mieux qu'une comédie française. Si ces marchés commencent à apporter plus d'argent, ça pourrait être un palliatif au manque d'intérêt des chaînes pour nos projets.

    Malgré quelques incursions comme "Le Convoyeur", "Maléfique", "Nid de guêpes" ou "Haute tension", le film de genre a bien du mal à s'imposer en France, auprès du public comme des producteurs. Comment expliquez-vous cela ? (El_Tocardo)

    Parce qu'il n'y a pas de tradition. Aux Etats-Unis, il y a une tradition d'un siècle de film de genre. En France, il y a eu le polar qui était un genre très fort avec Melville ou Corneau, mais le thriller n'est pas très représenté, le film d'horreur non plus. Il n'y a pas de tradition française et nous en sommes en train d'être les pionniers de ce mouvement. Du côté des financiers comme je le disais, ces films ne représentent pas de prime-time télé donc ils n'ont pas forcément envie de les financer. Du côté du public, ça dépend : dès que les films sont bien lancés comme Le Pacte des loups ou Les Rivières Pourpres, ça marche. Ca dépend des films et de leur soutien en production, distribution...

    Ne pensez-vous pas que le cinéma français ne manque pas plus de scénaristes de talent que de réalisateurs de talent ? (libilule)

    Absolument. Le cinéma français manque cruellement de scénaristes depuis 15 ans, et encore un peu de producteurs aventuriers et indépendants. Il n'y a pas beaucoup de scénaristes mais beaucoup de scénaristes-réalisateurs, et finalement très peu de scénarios qui tournent. Sinon on tournerait plus souvent ! Je rêverais de recevoir un scénario et de pouvoir enchaîner sur le tournage : je n'ai pas la prétention de vouloir écrire toutes mes histoires mais il n'y a pas de scénaristes, donc pas de scénarios, donc tout le monde doit être à l'initiative de ses projets.

    A quand le prochain film ? Est-ce que ce sera une comédie ? (bettipage13)

    Le prochain film prendra le temps de l'écrire. Je vais me poser après la sortie du Convoyeur et réfléchir un peu. J'hésite entre une comédie –car j'ai pris beaucoup de plaisir à faire la première partie du Convoyeur et d'entendre les gens rire m'a fait vraiment plaisir- et un film d'épouvante pour pousser plus loin la seconde partie du film et aller plus loin non pas dans le suspense mais dans la peur.

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