C'est un oiseau ? C'est un avion ? Non, c'est le nouveau Superman ! Toujours vêtu de bleu et de rouge, il s'apprête à redécoller dans les salles de cinéma, mais la première bande-annonce du film de James Gunn débute par un atterrissage. Ou plutôt une chute, brutale, dans la neige. Celle du natif de Krypton, le visage en sang, alors que sa respiration sifflante rythme les quelques images qui nous sont ensuite montrées.
Selon James Gunn, il faut y voir une métaphore de l'Amérique d'aujourd'hui. Mais il y a peut-être plus derrière, car ce crash et l'état de santé du super-héros peuvent aussi symboliser la situation dans laquelle DC se trouve actuellement, contraint de rebooter son univers cinématographique après une série d'échecs et de mauvais choix. Sous la houlette du réalisateur des Gardiens de la Galaxie, architecte de cette nouvelle mouture avec le producteur Peter Safran, et qui se chargera lui-même de ramener Superman "à la maison", comme l'Homme d'Acier le demande à son chien Krypto.
S'ensuivent des images majoritairement dénuées de dialogues, où transparaît l'espoir d'un lendemain meilleur. Malgré la présence de Lex Luthor (Nicholas Hoult) ou de cette image montrant un Superman contesté, comme avait pu l'être celui joué par Henry Cavill au moment de son affrontement avec Batman, la bande-annonce met en avant l'optimisme que fait naître sa présence chez la population de Metropolis, le regard tourné vers le ciel, ou son histoire d'amour avec Lois Lane.
Respectivement incarnés par Amy Adams et Henry Cavill dans la précédente version du DC Universe, Lois Lane et Clark Kent ont ici les traits de Rachel Brosnahan (La Fabuleuse Mrs. Maisel) et David Corenswet (Twisters). S'il faudra attendre un peu avant de juger de leur alchimie, l'acteur apparaît déjà fringant dans le costume iconique de Superman, alors que la référence principale de James Gunn semble être le film de 1978, avec Christopher Reeve, dont on entend une version réorchestrée et arrangée du célèbre thème musical.
Montrant également les futurs alliés du héros, du Green Lantern Guy Gardner (Nathan Fillion) à Hawkgirl (Isabela Merced) en passant par Mr. Terrific (Edi Gathegi), cette première bande-annonce prometteuse s'achève avec cette image de décollage du héros qui appuie cet optimisme à l'oeuvre. Et laisse entendre que James Gunn compte bien ramener Superman et DC au sommet, le 9 juillet prochain.
"Un Superman qui reste fidèle à ses origines de gentil ultime"
Le réalisateur et producteur avait d'ailleurs mis les petits plats dans les grands, ce lundi 16 décembre, en conviant une partie de la presse à Los Angeles, pour découvrir la bande-annonce et afficher clairement ses ambitions aux côtés de ses trois acteurs principaux. Et répondre à quelques questions.
AlloCiné : Comme souvent chez vous, et la bande-annonce le montre bien, l'histoire et les personnages passent au premier plan. Comment avez-vous conçu cette histoire qui honore l'héritage de Superman et de son monde, tout en faisant en sorte qu'elle puisse être accessible et attractive pour la génération qui découvrira cet univers pour la première fois ?
James Gunn : Je ne me suis pas mis à écrire un film sur Superman en me disant que je voulais rendre hommage à telle ou telle chose et rester ouvert dans le même temps. Je cherchais avant tout à écrire une histoire qui me stimule, m'émeuve et me semble authentique. C'est ainsi que tout a commencé, mais il m'a ensuite fallu un certain temps pour parvenir à ce qui est le point de départ du film, et une partie de ce temps correspond à ce que vous voyez dans la bande-annonce.
Mais je savais que je voulais un Superman qui reste fidèle à ses origines de gentil ultime. J'ai donc fait un film sur la gentillesse, sur la bonté. C'est ce que j'ai dit au casting pendant notre dîner, la veille du début du tournage, que le monde semble ne pas avoir beaucoup de bonnes choses et que notre film devait en être une. Et pour qu'il le soit vraiment, nous devions être bons les uns envers les autres, envers l'équipe technique, et être authentiques. Ce film, pour moi, parle de cela plus que toute autre chose.
L'image de Krypto qui vole au secours de Superman renvoie à ces témoignages de personnes qui ont raconté avoir été sauvées par leurs animaux de compagnie. Pouvez-vous nous parler de la relation entre Superman et Krypto dans ce film et de votre choix de commencer la bande-annonce avec notre héros dans sa position la plus vulnérable ?
James Gunn : Dès le début, nous montrons une facette de Superman un peu différente de ce que nous avons l'habitude de voir au cinéma le concernant. Car ce film parle moins de super pouvoirs que d'un être humain : qui il est en tant que personne qui lutte dans sa vie de tous les jours. J'ai donc pensé que ce serait un bon point de départ pour la bande-annonce, mais sa relation avec Krypto est compliquée car il est loin d'être le meilleur chien qu'il semble être ici (rires)
Il y a beaucoup plus, au sujet de Krypto, que ce que l'on voit dans cette bande-annonce. Mais j'ai aussi pensé que c'était une manière de montrer que nous allions embrasser toute la mythologie de Superman, là où trop de film de super-héros ont mis un personnage en scène - qu'il s'agisse de Batman ou de Superman - sans prendre le reste. Mais il vit dans un monde de super-héros, un univers alternatif au nôtre, où ils existent, même s'il reste globalement terre-à-terre sur de nombreux plans.
Il y a beaucoup d'humains, des personnes réelles qui ont une vie. Mais Superman existe dans ce monde, et il a des amis qui sont aussi des super-héros. Un chien qui vole. Une forteresse géante qui jaillit du sol. Il combat des monstres géants. Il y a beaucoup de choses que nous aimons dans les comic books, qui ont trait à la mythologie de Superman mais que n'avons pas pu voir dans beaucoup d'adaptations, encore moins de manière réaliste. Mais j'espère que c'est ce que nous sommes parvenus à faire.
Quelles étaient les références de James pour que vous deveniez Superman, David ?
David Corenswet : J'ai lu le comic book "All Star Superman", en particulier pour Clark Kent, car jouer cette facette du personnage comporte beaucoup de défis intéressants. Mais c'était bien de pouvoir avoir une version silencieuse. Je n'avais pas lu tant de comic books que cela, donc je n'avais pas idée de ces différentes versions de Clark. Je connaissais ceux qui étaient apparus dans les films et les séries, donc j'ai pu créer la mienne. Je me suis également vaguement inspiré de mon beau-frère, qui mesure 1m80 et pèse 120 kilos, a une voix plus grave et se trouve toujours dans le passage alors qu'il essaye de ne pas l'être (rires). Comme Clark donc.
Pouvez-vous nous parler du thème musical que l'on entend ici ?
James Gunn : Je savais dès le début ce que je voulais faire avec la musique. J'y ai beaucoup réfléchi, en me demandant si nous allions faire quelque chose de différent ou utiliser le thème de John Williams. La bande-originale du Superman de 1978 est l'une de mes préférées. Quand j'étais petit, ce que j'aimais le plus dans ce film, c'était sa musique. C'est vraiment ce que j'en ai retiré, plus que toute autre chose. Mais comme je savais que nous allions faire quelque chose qui soit aussi bien tourné vers le passé que l'avenir, il nous fallait trouver un équilibre.
John Murphy est un compositeur avec lequel j'adore travailler, et il a commencé à plancher sur la musique avant même que le scénario ne soit terminé. Il a d'ailleurs été l'une des premières personnes à qui je l'ai donné, avec Peter Safran et quelques autres, pour qu'il puisse commencer à écrire la musique. Je lui ai dit que je voulais utiliser une version du thème de John Williams, mais que cela soit surtout notre propre version. Et c'est celle que vous avez entendue.
Ce qui est étonnant, c'est que cette version a permis de faire naître d'autres titres, dont certains rappellent le thème de John Williams, alors que d'autres sont du pur John Murphy, qui se plonge dans ce qui avait été fait, en ressort et l'utilise magnifiquement tout au long du film. Il a travaillé pendant près de deux ans à l'élaboration de cette partition. Comme beaucoup de gens le savent, c'est moi qui écris les éléments de base de la partition au préalable, pour que nous puissions la jouer tous les matins sur le plateau, et c'est encore ce que nous avons fait ici. Mais, comme pour le reste du film, le défi était de trouver l'équilibre entre la tradition et la modernité.
La reprise du thème rappelle celle de l'hymne américain par Jimi Hendrix [au Festival de Woodstock en 1969], et renvoie à ce que Superman représente pour le peuple américain. Comment avez-vous intégré cette notion dans le film ?
James Gunn : C'est ce que le "Ramène-moi à la maison" de Superman à Krypto représente. Lorsque j'ai regardé la bande-annonce et le film, je me suis rendu compte qu'au début, nous avions un Superman meurtri, et je pense que c'est une métaphore de notre pays. Je crois en la bonté des êtres humains. Je crois que la plupart des gens dans ce pays, malgré leurs croyances idéologiques ou politiques, font de leur mieux pour s'en sortir et essaient d'être de bonnes personnes, malgré l'impression que cela peut donner vu de l'autre camp. Et le film parle de cela.
Il parle de la bonté fondamentale des êtres humains et du fait qu'elle peut être perçue comme n'étant pas cool lorsque certaines des voix les plus sombres sont les plus fortes. C'est ce qui arrive quand on laisse croire qu'Internet est le monde, alors que ce n'est pas le cas. Nous sommes le monde. Je vis dans la partie très rurale de la Géorgie, et j'y vois la gentillesse et la beauté des gens qui ne partagent pas les mêmes convictions politiques que moi au quotidien. C'est de cela qu'il s'agit : le film traite du monothéisme fondamentel des êtres humains, dans le monde entier.
Propos recueillis par Emmanuel Itier à Los Angeles le 16 décembre 2024