Mort à 43 ans d'Emilie Dequenne, la Rosetta des Dardenne a succombé à un cancer
Corentin Palanchini
Passionné par le cinéma hollywoodien des années 10 à 70, il suit avec intérêt l’évolution actuelle de l’industrie du 7e Art, et regarde tout ce qui lui passe devant les yeux : comédie française, polar des années 90, Palme d’or oubliée ou films du moment. Et avec le temps qu’il lui reste, des séries.
Co-écrit avec :
Loriane Cladec - Laetitia Ratane

Récompensée à Cannes à 17 ans pour Rosetta, l'actrice belge Emilie Dequenne est décédée ce dimanche 16 mars, des suites d'un cancer rare, contre lequel elle luttait depuis des mois. Elle avait 43 ans.

Emilie Dequenne nous a quittés ce dimanche 16 mars, à l'âge de 43 ans. La bouleversante comédienne, révélée dans Rosetta, luttait depuis des mois contre un cancer de la glande surrénale, qui s'était déclaré en 2023.

Après une rémission qui lui avait permis de fêter les 25 ans du fameux film des Frères Dardenne à Cannes l'année dernière, elle avait confié en décembre dernier, devoir affronter de nouveau ce cancer rare et agressif, qui ne lui permettrait pas de vivre "aussi longtemps que prévu...". Le monde du cinéma pleure une actrice remarquable, poignante et inspirante dès son plus jeune âge.

Premier rôle chez les Dardenne, un prix à la clé

Fille d'un entrepreneur en menuiserie, Emilie Dequenne prend dès l'âge de 8 ans des cours de comédie. Bachelière à 16 ans, elle suit des études de sciences politiques, tout en rêvant de cinéma et de théâtre. En 1999, grâce à sa tante, qui a repéré l'annonce dans un journal, elle se rend au casting de Rosetta, un film de Luc et Jean-Pierre Dardenne.

Presque aussi déterminée que le personnage, elle décroche, face à 2 000 concurrentes, le rôle-titre, celui d'une jeune femme, mi-petit soldat mi-petit chaperon rouge, prête à tout pour obtenir puis conserver un emploi. Le conte de fées ne s'arrête pas là, puisque sa performance lui vaut un Prix d'interprétation au Festival de Cannes, ex-aequo avec une autre fille du Nord, Severine Caneele, pour L'Humanité.

A l'aise dans tous les registres

Dès son deuxième long métrage en 2001, Emilie Dequenne change totalement de registre en incarnant l'héritière Marianne de Morangias dans le film d'aventure Le Pacte des loups, superproduction en costumes signée Christophe Gans. Jeune fille complexée face à Jugnot dans Oui, mais, elle campe pour Claude Berri une femme de ménage qui illumine le quotidien du bougon Bacri (2002).

Pleine de fraîcheur, l'actrice, loin de l'univers âpre des Dardenne, s'illustre désormais dans la comédie (Mariées mais pas trop) et joue volontiers les séductrices (L'Equipier, mélodrame de Philippe Lioret en 2004), voire les mangeuses d'hommes (Avant qu'il ne soit trop tard). En 2005, on la retrouve à l'affiche de deux films d'époque, la fresque Le Pont du roi Saint-Louis et l'intimiste La Ravisseuse d'Antoine Santana.

Passant avec aisance du classicisme du Grand Meaulnes (2006) à la fantaisie des Etats-Unis d'Albert (id.), Emilie Dequenne s'essaie en 2007 au thriller avec Ecoute le temps et goûte, aux côtés de Sandrine Kiberlain et Denis Podalydès, à La Vie d'artiste de Marc Fitoussi, un cinéaste qu'elle retrouvera dix ans plus tard pour Maman a tort.

On la voit également chez André Téchiné pour qui elle joue en 2009 La Fille du RER, l'histoire d'un mensonge devenu l'un des faits divers les plus médiatisés. Elle partage la même année l'affiche avec Omar Sharif du premier film de Laurent Vinas-Raymond, J'ai oublié de te dire, drame identitaire d'amour et de peinture, puis elle rejoint le casting de l'étrange survival à la française, La Meute, inscrivant ainsi un genre nouveau à sa palette de comédienne.

A perdre la raison

En 2012, Emilie Dequenne livre une performance bouleversante en mère de famille désespérée qui commet l'irréparable dans A perdre la raison aux côtés de Tahar Rahim et Niels Arestrup. Librement inspiré de l'affaire Geneviève Lhermitte, ce drame vaut à la comédienne plusieurs prix, dont le Magritte (l'équivalent belge des César) de la meilleure actrice et le Prix d'interprétation féminine à Un Certain Regard au Festival de Cannes.

Elle continue de s'illustrer aussi bien dans le thriller (La Traversée et Möbius) que dans la comédie (Divin enfant) et le drame (Par accident, Les Hommes du feu). Trois ans après la comédie romantique Pas son genre, elle retrouve Lucas Belvaux dans un registre plus grave avec Chez nous, qui ausculte les rouages de l'extrême droite en France.

Un César et des choix audacieux

Également sollicitée par la télévision, elle apparaît au générique de plusieurs téléfilms — dont La Consolation en 2017, qui revient sur le viol qu'a subi enfant l'animatrice Flavie Flament — et séries, comme À l'intérieur et Un homme ordinaire, inspirée de l'affaire Dupont de Ligonnès. En 2021, elle reçoit le César du meilleur second rôle féminin pour son interprétation d'épouse trompée dans Les Choses qu'on dit, les choses qu'on fait d'Emmanuel Mouret.

On la retrouve sur grand écran en mère aimante dans Close de Lukas Dhont (2022), puis le biopic Marinette. Après avoir donné la réplique à Fanny Ardant et John Malkovich dans Complètement cramé, adapté d'un bestseller, elle tourne trois films en 2024, Colocs de choc dans lequel elle incarne une neurologue, Survivre, un film catastrophe réalisé par Frédéric Jardin dont elle interprète le premier rôle, et TKT, un drame dans lequel elle assiste sa fille entrée à l'hôpital en soins intensifs.

Le 22 octobre 2023, Émilie Dequenne annonçait être atteinte d'un cancer de la glande surrénale très rare. Après une rémission en avril 2024, elle révélait en décembre de la même année qu'elle était en récidive, ce qui la "fatiguait très vite" et l'obligeait à renoncer à ses projets en cours. Elle s'est éteinte trois mois après, après un combat empreint de force et de dignité.

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