"Je ne peux rien te dire. Tu devrais juste le lire." Voici la consigne qu'a reçue Demi Moore lorsque son agent lui a tendu le scénario de The Substance. Ce film écrit et réalisé par Coralie Fargeat raconte le destin d'une actrice sur le déclin qui, pour échapper aux dictats de l'industrie, donne naissance à une meilleure version d'elle-même à partir d'un sérum qu'elle s'injecte. Ce pitch fou a déchaîné le Festival de Cannes - où il a remporté le Prix du scénario - et s'est imposé dans le monde entier comme un phénomène.
À Paris, l'actrice américaine s'est jointe à la cinéaste pour quelques interviews. Une vraie opportunité quand on sait à quel point la star est rare dans les médias français. C'est, surtout, l'occasion rêvée pour lui poser toutes les questions possibles sur ce film qui n'a pas fini de faire parler de lui.
Demi Moore et son corps au cinéma
Et si Demi Moore était comparable à une athlète ? Au cinéma, son corps devient un instrument, un outil, qu'elle met au service de ses rôles. C'est le cas dans Striptease, dans À armes égales - et son légendaire rasage de crâne -, dans Charlie's Angels et surtout dans The Substance. Mais pourquoi cette obsession sur le corps ?
"La plupart du temps, je lis un scénario et s'il déclenche quelque chose en moi, c'est une évidence, explique Demi Moore. J'ai tendance à choisir des choses qui sont un peu provocantes, qui remuent le couteau dans la plaie. C'est aussi parce que je cherche à trouver des réponses. Je cherche à explorer un sujet, surtout si j'ai le sentiment que quelque chose n'est pas juste.
Dans À armes égales par exemple, je me suis demandée : "Pourquoi une femme ne pourrait-elle pas aller au combat ? Si elle est suffisamment compétente pour le faire, pourquoi c'est impossible ?" Pour moi, c'était une question qui donnait à réfléchir, mais elle m'a aussi permis de vivre une expérience qui m'a interpellée à un niveau tout à fait différent, comme l'a fait ce film, The Substance."
La scène la plus intense de The Substance
"Je pense que ma journée la plus longue est allée jusqu'à neuf heures et demie de maquillage", révèle Demi Moore sur sa transformation physique. "Et encore, c'était seulement pour une seule heure de tournage", ajoute Coralie Fargeat.
Pourtant, la scène la plus intense de The Substance pour l'actrice et réalisatrice ne comporte aucune prothèse ou autres effets visuels. C'est une scène de miroir où le personnage joué par Demi Moore se démaquille et se remaquille jusqu'à s'abîmer la peau. Une scène clé qui n'est autre que le cœur du film.
"Cette scène est définitivement dans le palmarès des scènes les plus compliquées, souligne-t-elle. Il n'y a aucun dialogue, il fallait communiquer avec des subtilités, de petits changements dans les yeux, ce qui n'est pas toujours facile à voir quand vous tournez parce que vous regardez sur un petit moniteur. Mais oui, il y avait aussi toutes ces prothèses à porter. Beaucoup de jours ont été compliqués. C'est impossible d'en choisir qu'un (rires)."
Succès chez le jeune public
Le film de Coralie Fargeat est devenu un phénomène viral sur les réseaux sociaux. De nombreux spectateurs et spectatrices ont parodié The Substance à travers des déguisements d'Halloween, des TikToks et même des spectacles de drag-queens, ce qui enthousiasme Demi Moore :
"J'ai su qu'on avait réussi notre mission en voyant des drag-queens reprendre notre film ! C'est réjouissant. Aux États-Unis, beaucoup de gens sont allés voir le voir au cinéma et c'est un défi de taille pour notre industrie, surtout en Amérique. J'ai rencontré des gens qui y sont retournés trois ou quatre fois. Et tous ces memes sur Internet ou sur Tiktok, c'est fantastique."
Pour Coralie Fargeat, le plus émouvant reste les nombreux messages de spectatrices : "Elles me disent : "Merci d'avoir fait ce film", "J'ai l'impression d'avoir été vue", "J'ai l'impression d'avoir été comprise. J'aurais aimé avoir ce film quand j'étais plus jeune." Je pense que ce sont les choses qui me touchent le plus, parce que je pense aussi que j'aurais aimé voir ce film plus jeune."
The Substance, une renaissance ?
Après plusieurs années de films passés inaperçus - beaucoup ne sont pas sortis en France -, Demi Moore trouve une vraie renaissance avec le long métrage de Coralie Fargeat. Renaissance qui a commencé avec la sortie d'une autobiographie intitulée Inside Out et publiée en 2019.
"Je pense qu'une partie du travail d'un artiste consiste à créer en utilisant des choses qui sont en vous, confie Demi Moore. Et lorsque vous les injectez dans un objet, vous devez vous en séparer ensuite. En ce qui concerne mon parcours personnel de découverte de soi, il s'agit donc d'une véritable libération."
Coralie Fargeat lui répond : "Je vois un lien étroit entre votre livre et le film. En termes de chemin et de là où vous en étiez dans votre vie. J'ai senti que vous étiez prête à vous lancer dans quelque chose d'aussi risqué parce que dans votre vie, vous en aviez franchi tellement."
"Sans aucun doute, poursuit Demi Moore. Savoir qu'il y avait une libération m'a permis d'aller dans un endroit aussi vulnérable, d'être exposée, de montrer ces endroits que l'on aimerait cacher. C'est le fait de se cacher qui nous enferme dans la peur. Se laisser aller nous mène, au contraire, vers une libération."
Propos recueillis par Thomas Desroches, à Paris, le 5 novembre 2024.
L'intégralité de l'interview est disponible ci-dessus.
The Substance de Coralie Fargeat est à découvrir au cinéma.