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    Anora : "Il était important de les représenter avec précision"… Comment ont été tournées les scènes intimes de la Palme d'Or ?
    Maximilien Pierrette
    Boulevard de la mort, Marie-Antoinette, Leto, Paterson ou Mademoiselle côté salles. Bill Murray & Tilda Swinton, Jodie Foster, Park Chan-wook, Eva Green, Joachim Trier ou, récemment, Adam Driver, côté interviews : certaines de ses plus belles séances et rencontres ont eu lieu sur la Croisette.

    Respectivement réalisateur et actrice principale du film, lauréat de la Palme d'Or 2024, Sean Baker et Mikey Madison reviennent avec nous sur l'approche des scènes de sexe que l'on voit dans "Anora".

    Les connaisseurs du cinéma de Sean Baker le savent : les travailleuses et travailleurs du sexe sont le sujet de prédilection du réalisateur. Qui, s'il utilise des éléments de contes de fées, aborde ces métiers sans fard (sans complaisance non plus), pour illustrer une vision réaliste et désenchantée du rêve américain.

    Comme dans la scène incroyablement explicite de tournage de film pour adulte de Starlet (où la comédienne principale, Dree Hemingway, est remplacée par une doublure) ou quelques séquences de Red Rocket. Sorti le 30 octobre dans nos salles, après avoir reçu la Palme d'Or du 77ème Festival de Cannes au mois de mai, Anora ne fait pas exception en ayant une strip-teaseuse comme personnage principal.

    Anora
    Anora
    Sortie : 30 octobre 2024 | 2h 19min
    De Sean Baker
    Avec Mikey Madison, Mark Eydelshteyn, Yura Borisov
    Presse
    4,2
    Spectateurs
    3,9
    Séances (65)

    Pendant la première moitié de l'histoire, les scènes de nudité (dans la boîte où travaille l'héroïne jouée par Mikey Madison) et/ou de sexe, au début de la relation entre Anora et Ivan (Mark Eydelshteyn). Mais le réalisateur trouve le bon équilibre entre être trop prude, donc peu en phase avec l'univers qu'il dépeint, et trop racoleur. Surtout à l'heure où les questions de regards masculin et féminin ("male gaze" et "female gaze") sont au coeur des discussions sur les œuvres.

    "J'étais très conscient de cette part de 'male gaze' qui pouvait venir de moi", nous répondait Sean Baker à ce sujet, au Festival de Cannes. "Même à l'époque de Starlet [sorti en 2012, ndlr], où mon intention était de montrer le sexe de façon clinique. Je ne voulais pas d'érotisme. Et j'ai continué d'explorer ce domaine au fur et à mesure de mon évolution."

    "Surtout avec ce film, puisqu'Anora est une travailleuse du sexe. Elle est donc très consciente du regard masculin et elle l'utilise, car c'est ainsi qu'elle gagne de l'argent. Je voulais ainsi montrer au public qu'elle fait très bien son travail, qu'elle sait ce qu'elle fait. À certains moments, je me suis un peu appuyé sur le regard masculin pour montrer au public que c'est ce que les hommes attendent des travailleuses du sexe."

    "Je me suis un peu appuyé sur le regard masculin pour montrer au public que c'est ce que les hommes attendent des travailleuses du sexe"

    "La séquence d'ouverture, celle du générique, est très masculine par exemple. Comme son deuxième rendez-vous avec Ivan, lorsqu'elle danse sur le sol. Je ne savais d'ailleurs pas à quoi ça allait ressembler, car Mikey a chorégraphié cette partie elle-même. Et c'est lorsqu'elle me l'a montré que j'y ai vu la possibilité de montrer plus : d'utiliser son style pour nous mettre dans la tête d'un homme. Ou celle d'Ivan, à travers qui on comprend qu'elle est bonne dans son travail."

    "Pour ce qui est des scènes de sexe, je n'ai pas fait appel à un coordinateur d'intimité. Je laisse aux acteurs la possibilité de le faire s'ils le souhaitent, car je n'ai aucun problème avec ça. Mais je suis également très à l'aise avec la réalisation des scènes de sexe. J'en ai tourné une dizaine et je sais précisément ce que je veux. Elles sont très calculées."

    Le pacte

    "Il s'agit en général d'images servant à nous faire avancer, le plus souvent d'une seule position et d'un seul angle. Je pense que nous étions sur la même longueur d'onde dès le début : en tant que producteur, je m'assure que le plateau soit sécurisant et que la protection des acteurs soit la priorité numéro un."

    "Mais c'était génial parce que Mark et Mikey me suggéraient des scènes de sexe (rires) Et j'étais d'accord car j'avais besoin de beaucoup de choses. Il y en avait dix-huit dans le scénario, et il n'y en a plus que quinze dans le film, car nous avons dû faire des coupes, le plus souvent pour des questions de rythme. Mais nous devions aussi réfléchir à différentes façons de les montrer pour que cela ne devienne pas ennuyeux, pour que nous fassions constamment avancer l'intrigue. Mais c'était merveilleux de travailler avec une actrice qui se sentait suffisamment à l'aise pour le faire, qui était audacieuse et très courageuse."

    "La nudité fait partie de l'œuvre de Sean Baker, il est important de la représenter avec précision"

    "C'est le premier film dans lequel j'avais des scènes de sexe ou de nudité", nous disait de son côté Mikey Madison, l'actrice audacieuse et courageuse en question. "Mais j'avais vu les films de Sean et créé une relation avec lui, en tant que réalisateur et ami. Au moment du tournage, nous nous connaissions déjà depuis un an, donc j'étais très à l'aise. La nudité fait partie de son œuvre, et il est donc important de la représenter avec précision parce qu'Anora est une travailleuse du sexe et que la nudité fait aussi partie de son travail, de son quotidien."

    "Lorsque nous tournions ces scènes dans le club, j'étais la seule personne qui ne soit pas une vraie danseuse. Toutes les autres sont des strip-teaseuses et des travailleuses du sexe. Mais je me suis sentie à l'aise, comme si nous faisions tout cela ensemble. Je n'étais pas la seule à être nue, tout le monde autour de moi l'était aussi. Et c'était très normal. Toutes ces femmes portent leur nudité comme un costume, comme une robe sexy."

    Mikey Madison est actuellement à l'affiche d'Anora. En attendant, peut-être, de la voir parmi les nommés pour les prochains Oscars. Et plus si affinités.

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Cannes le 22 mai 2024

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