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    L'Histoire de Souleymane : on décrypte la fin du film
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    Sorti le 9 octobre dans nos salles, "L'Histoire de Souleymane" s'achève avec une fin ouverte. Si le réalisateur choisit de ne pas trancher, voici comment interpréter la dernière scène.

    ATTENTION - L'article ci-dessous contient des spoilers, dans la mesure où il revient sur le dénouement de "L'Histoire de Souleymane". Veuillez donc passer votre chemin si vous n'avez pas encore vu ce très beau film.

    Pas de point final, mais des pointillés pour conclure L'Histoire de Souleymane, sorti dans nos salles le 9 octobre dernier après un passage triomphal par la catégorie Un Certain Regard, au 77ème Festival de Cannes, dont il est reparti avec deux prix, dont un pour son acteur principal Abou Sangaré.

    Comme Christopher Nolan et la toupie d'Inception, pour prendre un exemple à la fois proche et diamétralement opposé, Boris Lojkine fait tout simplement un choix de mise en scène en interrompant le récit avant que l'on sache si la demande d'asile de Souleymane va être acceptée ou non. Ce qui est tout a fait cohérent avec l'enjeu principal du film, qui réside davantage dans l'entretien lui-même que dans le résultat.

    L’Histoire de Souleymane
    L’Histoire de Souleymane
    Sortie : 9 octobre 2024 | 1h 33min
    De Boris Lojkine
    Avec Abou Sangare, Alpha Oumar Sow, Nina Meurisse
    Presse
    4,1
    Spectateurs
    4,1
    Séances (717)

    Le titre renvoie aussi bien au quotidien de son héros (qui est celui de bon nombre de migrants dans la même situation) que cette histoire écrite de toutes pièces qu'il doit apprendre par coeur pour la réciter pendant son entretien, avant de changer son fusil d'épaule sur le moment, lorsqu'il se retrouve dos au mur et se met à raconter ce qu'il a vraiment vécu.

    Le but du film, organisé comme un compte à rebours sur les deux jours qui précèdent ledit entretien, se trouve moins dans le résultat, qui aurait nécessité un petit saut dans le temps, que dans ce qui conduit au face-à-face bouleversant avec l'agente de l'OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides), point culminant du récit. C'est pourquoi le générique de fin se lance alors que Souleymane sort du bâtiment, juste après.

    Comment interpréter la fin de L'Histoire de Souleymane ?

    La bonne idée de Boris Lojkine est donc de ne pas trancher, et de laisser au spectateur la possibilité de choisir comment écrire la fin de L'Histoire de Souleymane, selon qu'il est optimiste (et voit dans le rayon de soleil qui illumine son visage la perspective d'un nouvel horizon, plus lumineux) ou pessimiste. Une décision qui permet aussi au film de garder son équilibre et son réalisme, car un refus aurait pu le faire basculer dans le misérabilisme, tandis qu'un verdict positif risquerait d'être en décalage avec la situation de trop de personnes dans le même cas.

    Comme Abou Sangaré, interprète de Souleymane. Son histoire personnelle n'est pas exactement celle du personnage qu'il incarne sur grand écran, mais les similitudes sont énormes, à commencer par leurs parcours respectifs : le néo-acteur a quitté la Guinée à l'âge de 16 ans (il en a aujourd'hui 23), pour aider sa mère malade, et a traversé le Mali, l'Algérie, la Libye, la Méditerranée et l'Italie, avant de rejoindre la France. Où il n'est pas livreur à Paris mais mécanicien à Amiens.

    On pourrait donc aller chercher le dénouement de L'Histoire de Souleymane dans celle d'Abou, mais ça n'est pas possible. Car les deux restent en suspens, dans la mesure où le comédien s'est vu refuser sa demande de naturalisation (pour la troisième fois !), après le tournage et à quelques semaines de la présentation, triomphale, du film à Cannes.

    "C'est seulement quand il aura obtenu ses papiers que j'aurai l'impression d'avoir fini mon film"

    "Le préfet m'a adressé un mail", racontait le comédien à France 3 au mois de septembre. "Vu les éléments nouveaux ajoutés à mon recours, il me propose de réexaminer une nouvelle demande, ce qui est positif. Mais à l'heure où je vous parle, je suis sans-papiers." "À partir du moment où on prend Sangare avec nous pour jouer le rôle principal du film, c'est une forme de responsabilité", ajoutait quant à lui Boris Lojkine.

    "C'est évident pour moi que c'est seulement quand il aura obtenu ses papiers que j'aurai l'impression d'avoir fini mon film." Voilà qui explique encore un peu plus son choix de mise en scène de ne pas trancher sur l'avenir de Souleymane, tout en permettant d'impliquer un peu plus le spectateur dans cette histoire sans fin.

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