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    Sean Baker avant la Palme d'Or : 4 films du réalisateur d'Anora sortent au cinéma pour la première fois
    Maximilien Pierrette
    Un feel-good movie avec une BO aux petits oignons, un drame situé dans l’Amérique rurale, une pépite qui prend le pouls des États-Unis, il aime se pencher sur la dernière sensation venue de l’autre côté de l’Atlantique.

    À une semaine de la sortie en salles de "Anora", Palme d'Or 2024, les quatre premiers longs métrages de son réalisateur Sean Baker, inédits jusqu'ici, débarquent dans nos cinémas.

    Combien de réalisateurs peuvent se vanter d'avoir vu tous leurs films passer en salles au cours d'une même année ? Certes, Sean Baker n'en a signé que huit en un peu moins d'un quart de siècle, ce qui rend les choses un peu plus faciles. Mais il y aura clairement un avant et un après-2024 dans la carrière du cinéaste américain en France.

    Depuis 2015 et la sortie de Tangerine, après un passage par le Festival du Cinéma Américain de Deauville où il a désormais ses quartiers, les spectateurs hexagonaux ont régulièrement pu suivre son travail même s'il reste encore peu connu du grand public. Grâce à Greta Gerwig, la donne va peut-être changer, puisque la réalisatrice a remis à son euphorisant Anora la Palme d'Or du 77ème Festival de Cannes au mois de mai.

    Le long métrage sortira chez nous le 30 octobre et, pour patienter jusque-là, les quatre premiers films de son auteur ressortent dans nos salles. Ou plutôt sortent, tout court, car ils étaient jusqu'ici inédits dans l'Hexagone, même en vidéo. Si vous avez déjà pu rattraper Tangerine, The Florida Project et Red Rocket lorsqu'ils sont repassés cet été au cinéma, vous avez donc une possibilité de connaître toute la filmographie de Sean Baker d'ici peu.

    Four Letter Words (2000)

    Four Letter Words
    Four Letter Words
    Sortie : 23 octobre 2024 | 1h 22min
    De Sean Baker
    Avec David Ari, Henry Beylin, Fred Berman
    Spectateurs
    3,1

    Pour qui connaît déjà le cinéma de Sean Baker, Four Letter Words donne l'impression d'avoir été fait par un autre cinéaste. Qui tenterait de marcher sur les traces de Quentin Tarantino ou Kevin Smith, avec ce long métrage qui suit une poignée de jeunes adultes pendant une soirée. Et les regarde boire et fumer en parlant de leurs histoires de coeur, en débattant sur Doctor Who...

    Pur produit du cinéma indépendant américain jusque son inscription dans le "mumblecore" (terme qui désigne des productions disposant de peu de moyens, centrées sur les rapports humains de presque trentenaires, où les dialogues sont majoritairement improvisés), il s'agit sans doute du moins convaincant de ses quatre premiers films, celui dans lequel il n'a pas encore trouvé le style qui lui a valu son succès, même si l'on y décèle déjà des éléments qui deviendront constitutifs de son oeuvre.

    À commencer par son étude des rapports entre hommes et femmes aujourd'hui. Ou la présence, déjà, d'une travailleuse du sexe, à travers des conversations autour de l'une des connaissances des personnages principaux, actrice pornographique dont la carrière bat de l'aile. Sans oublier Karren Karagulian, acteur que l'on retrouve dans tous ses films.

    Take Out (2004)

    Take Out
    Take Out
    Sortie : 23 octobre 2024 | 1h 27min
    De Shih-Ching Tsou, Sean Baker
    Avec Charles Jang, Jeng-Hua Yu, Wang-Thye Lee
    Spectateurs
    3,1
    Séances (4)

    Entièrement auto-produit et co-réalisé avec Shih-Ching Tsou, Take Out revêt presque des atours de documentaire alors que le style de Sean Baker (qui officie également comme chef opérateur et co-monteur) s'y dessine un peu plus précisément. Le long métrage suit en effet un immigrant chinois illégal qui, pour rembourser une dette, tente d'assurer le maximum de livraisons de nourriture pendant une journée.

    Hasard du calendrier : on pense au récent L'Histoire de Souleymane devant celle de Ming Ding, qui se déroule au coeur de New York et opère un décalage entre la renommée de la métropole et le statut de laissé pour compte du personnage principal. Le premier d'une longue liste d'outsiders pour lesquels Sean Baker se prend d'affection, et nous avec, avec une manière capter les images sur le vif, caméra à l'épaule, que l'on retrouvera notamment dans Tangerine. Ou le film suivant de la liste.

    Prince of Broadway (2008)

    Prince of Broadway
    Prince of Broadway
    Sortie : 23 octobre 2024 | 1h 40min
    De Sean Baker
    Avec Prince Adu, Karren Karagulian, Keyali Mayaga
    Spectateurs
    3,7
    Séances (7)

    On reste à New York, état dans lequel il reviendra ensuite pour les besoins d'Anora. Toujours avec ce style brut, presque documentaire, pour coller aux baskets du bien-mal nommé Lucky. Comme Ming Ding dans Take Out, il s'agit d'un immigrant en situation illégale. Arrivé du Ghana, il gagne sa vie en revendant des marchandises de contrefaçon, et on note que ce long métrage de Sean Baker et le précédent pourraient très bien se dérouler en parallèle l'un de l'autre, dans le même univers cinématographique.

    À ceci près que la dette de Lucky n'est pas tant financière que morale, lorsqu'il apprend que son ancienne petite amie a eu un enfant de lui, et qu'elle le lui laisse. Le personnage principal se retrouve alors contraint de jongler entre son quotidien incertain et son nouveau rôle, grâce auquel Sean Baker parvient à faire naître une émotion plus vive que dans ses longs métrages précédents. Et nul doute que la fin pourrait vous arracher une petite larme.

    Starlet (2012)

    Starlet
    Starlet
    Sortie : 23 octobre 2024 | 1h 43min
    De Sean Baker
    Avec Dree Hemingway, Besedka Johnson, James Ransone
    Spectateurs
    3,8

    Nous vous recommandons évidemment de voir les quatre longs métrages de cette rétrospective intitulée "Les oubliés de l'Amérique", en référence à ces personnages absents du cinéma hollywoodien qu'il cherche à mettre en lumière avec son cinéma. Mais si vous ne deviez en choisir qu'un, ruez vous sur Starlet. Car c'est vraiment là que le réalisateur trouve le style qui sera celui de The Florida Project, Red Rocket et Anora : un conte de fées moderne dont les laissés pour compte sont les héros.

    Des films plus lumineux, moins documentaires, mais où il ne néglige pas les forces de son cinéma que sont la justesse de son étude des rapports humains et des émotions qu'il vise ou son intérêt pour les travailleurs et travailleuses du sexe. Lorsque nous l'avions rencontré à Cannes, Sean Baker nous avait d'ailleurs révélé que le personnage principal de Red Rocket discutait, au téléphone dans une scène, avec celui joué par Karren Kargulian dans Starlet.

    The Jokers

    Où il est question de cinéma pornographique dans le parcours de Jane (Dree Hemingway). À tel point que le titre renvoie aussi bien à elle qu'à son chien, dont Starlet est le nom (pour l'anecdote, il s'agissait, à l'époque, de celui de Sean Baker). Mais le coeur (battant) du récit concerne sa relation avec Sadie (Besedka Johnson), femme de 85 ans envers qui elle estime avoir une dette depuis qu'elle a trouvé une belle somme d'argent dans une paire de bottes achetées lors d'un vide-grenier chez elle.

    Tout ce que l'on aime dans le cinéma de Sean Baker est dans Starlet, double-portrait drôle et plein de tendresse, énergique mais aussi sans fard lorsqu'il s'agit d'aborder des passages plus glauques (tout ce qui concerne l'industrie des films pour adultes), et dont la fin est absolument déchirante. Sans ce long métrage, il n'y aurait peut-être pas eu de Florida Project ni d'Anora, et on remercie aux trois films (ainsi qu'à leur auteur) d'exister.

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