"La Palme d'Or est attribuée à Anora de Sean Baker" : le samedi 25 mai 2024, aux alentours de 20h, ces quelques mots prononcés par la présidente du jury Greta Gerwig font basculer le réalisateur dans une autre sphère. Jusqu'ici chef de file du cinéma indépendant américain, il rejoignait alors Martin Scorsese, Justine Triet, Jacques Audiard, Terrence Malick ou encore Quentin Tarantino dans l'Histoire du Festival de Cannes.
De quoi le faire davantage connaître du grand public lorsque son nouveau (et excellent) film sortira, le 30 octobre prochain. Et lui offrir, sans aucun doute, son meilleur score au box-office français, lui dont les trois derniers films (les seuls parvenus jusqu'à nos salles à ce jour) cumulent, une fois réunis, moins de 250 000 entrées.
Mais il n'est jamais trop tard pour les découvrir. Et les distributeurs Le Pacte et ARP l'ont bien compris, puisqu'ils vous offrent une nouvelle chance de les découvrir au cinéma dès ce mercredi 24 juillet. Et il s'agit de :
Tangerine (2015)
24 heures dans la vie d’une drôle de Cendrillon qui traverse la cité des anges à la recherche de sa rivale.
The Florida Project (2017)
Moonee a 6 ans et un sacré caractère. Lâchée en toute liberté dans un motel de la banlieue de Disney World, elle y fait les 400 coups avec sa petite bande de gamins insolents. Ses incartades ne semblent pas trop inquiéter Halley, sa très jeune mère. En situation précaire comme tous les habitants du motel, celle-ci est en effet trop concentrée sur des plans plus ou moins honnêtes pour assurer leur quotidien…
Red Rocket (2022)
Mikey Saber revient dans sa ville natale du Texas après des années de carrière de pornstar à Los Angeles. Il n'y est pas vraiment le bienvenu... Sans argent, sans emploi, il doit retourner vivre chez son ex-femme et sa belle-mère… Pour payer son loyer, il reprend ses petites combines mais une rencontre va lui donner l’espoir d’un nouveau départ.
Le premier a été tourné à l'iPhone avec une énergie brute (parfois trop). Le second a attiré l'attention de Willem Dafoe, nommé à l'Oscar du Meilleur Acteur dans un Second Rôle en 2018. Et le troisième, qui marquait la première participation de Sean Baker à la compétition cannoise, remettait un chanson culte des années 90, "Bye Bye Bye" de NSYNC, au goût du jour (spoiler : le réalisateur fait de même avec "All the Things She Said" de t.A.T.u. dans Anora, par amour du bon goût).
Mettre les marginaux sous les feux des projecteurs
Des opus assez distincts les uns des autres au premier abord. Mais qui consolident, chacun à leur manière, l'œuvre cohérente de Sean Baker. Qui cherche à explorer différents endroits de son pays d'une histoire à l'autre. Ou mettre les marginaux sous les feux de ses projecteurs, lui qui nous avouait, en 2017 : "Peut-être qu'en tant que réalisateur indépendant, je suis toujours attiré vers les outsiders et marginaux car nous sommes nous-mêmes marginalisés."
"Je travaille en réaction à ce que je ne vois pas assez au cinéma et à la télévision aux États-Unis", nous disait-il aussi en 2021, à Cannes. Et cela s'exprime à travers son goût pour les travailleuses et travailleurs du sexe qui peuplent son univers : les prostituées trans de Tangerine, l'ex-acteur porno de Red Rocket, la strip-teaseuse d'Anora.
Hollywood et son puritanisme, trop peu pour lui donc. Avec une volonté qui n'est pas tant de choquer et de se démarquer pour le simple plaisir de le faire que d'élargir le cadre, pour offrir un peu de place à ces laissés-pour-compte qu'il aime sincèrement, comme il le prouve avec les personnages qu'il parvient à rendre attachants malgré leurs défauts (le Mikey Saber de Red Rocket en tête).
Loin de la grisaille et des images granuleuses souvent associées au cinéma indépendant américain, l'œuvre de Sean Baker marque par sa vitalité et son côté pop, euphorisant par moments. Avec une inspiration qu'il puise souvent dans les contes de fées
Que l'on retrouve dans les références évidentes à Cendrillon dans Tangerine et Anora, l'écart entre le quotidien difficile des personnages de The Florida Project et le luxe de Disney World à quelques mètres de chez eux, ou les scènes oniriques de Red Rocket.
Que Sean Baker soit devenu un invité régulier du Festival de Cannes après avoir présenté ses trois derniers films (et bientôt Anora ?) à Deauville n'est en rien surprenant. Outre la qualité de chacun de ses longs métrages, sa capacité à mettre la marge au centre de l'écran sans se répéter séduit un public (critiques comme spectateurs) de plus en plus grand.
Ses trois premiers films bientôt au cinéma
Si vous n'en faites pas encore partie, vous savez donc quoi faire et où aller pour faire connaissance avec le cinéma de Sean Baker, et repérer les connexions entre ses différents opus (car il y en a). Et comme la vie est parfois bien faite, ses trois premiers longs métrages, jusqu'ici inédits en France, sortiront pour la première fois dans nos salles le 23 octobre.
Soient Four Letter Words, Take Out (documentaire co-réalisé avec Shih-Ching Tsou) et Prince of Broadway. Il ne manquera alors plus que Starlet, toujours inédit et dont la sortie n'est pas encore prévue. Mais si vous avez déjà rattrapé tout ça, vous serez prêts à apprécier Anora comme il se doit, le 30 octobre.