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    4 zéros avec Didier Bourdon et Gérard Lanvin : comment on dirige un stade de football au cinéma ?
    Maximilien Pierrette
    Dans sa tête, la comédie parfaite rassemble l’écriture de Billy Wilder, le sens du détail de Bruno Podalydès, les répliques du Splendid, l’énergie colérique de Louis de Funès, le discours social de Chaplin, les références du Palmashow, le grand n’importe quoi des ZAZ et le chaos des Marx Brothers.

    Vingt-deux ans après "3 zéros", Fabien Onteniente remet le couvert et revient sur le rectangle vert avec sa suite, "4 zéros", dont il évoque quelques points clés avec nous.

    Ça parle de quoi ?

    Sylvie Colonna, présidente du club de foot des Haricots d’Arpajon, a refait sa vie avec José Pinto. Ensemble, ils tiennent un restaurant portugais à Pontault-Combault : le Churrasco. Mais les affaires vont mal. Leur fils, Manu, trentenaire un peu paumé, rêve de devenir agent de joueur. Un jour, il tombe sur une pépite : Kidane, un jeune prodige qui met le feu sur les terrains… Mais d’autres agents rodent, déjà autour…

    Les Pinto qui voient en Kidane l’espoir de sortir de la galère décident d’appeler à la rescousse, Alain Colonna qui vit une retraite tranquille à Tahiti. Mais le football a changé… Tous ensemble, ils vont devoir affronter DZ, l’agent le plus influent du biz, un homme au bras long et à la mauvaise réputation… Avec comme objectif de permettre à Kidane d’intégrer le club de ses rêves : le PSG.

    4 zéros
    4 zéros
    Sortie : 23 octobre 2024 | 1h 42min
    De Fabien Onteniente
    Avec Gérard Lanvin, Didier Bourdon, Isabelle Nanty
    Presse
    2,4
    Spectateurs
    1,5
    Séances (553)

    "Le football il a changé"

    En 2002, les spectateurs fans de foot écarquillaient les yeux en voyant Lorant Deutsch jongler avec Ronaldinho, maillot du PSG sur le dos. C'était pour les besoins de 3 zéros de Fabien Onteniente qui, après la Jet Set dans le film du même nom, posait ses caméras dans un autre univers : celui du football.

    Score final : 1 271 238 spectateurs dans les salles, et un retentissement qui a dépassé le cadre de l'écran, petit ou grand, au fil des années. "Il est devenu culte dans le milieu", nous dit son réalisateur. "Beaucoup de joueurs l'ont vu et certains connaissent les répliques par cœur, comme Karim Benzema ou Presnel Kimpembe, que l'on voit dans le film et qui l'a vu quand il était petit."

    Le film en question, c'est sa suite, 4 zéros. Deux décennies plus tard, on associe des anciens (Gérard Lanvin, Isabelle Nanty, Stomy Bugsy) à des recrues (Didier Bourdon, Shy'm, Kaaris, Paul Pogba…). Mais qu'est-ce qui a motivé Fabien Onteniente à rechausser les crampons ? Est-ce parce que "Le football il a changé", comme l'a dit Kylian Mbappé, et que ça lui offrait un beau terrain de jeu pour opposer ancienne et nouvelle génération ?

    "Un peu oui. Mais aussi parce que je fais des films, comme Camping ou Disco, où l'on voit la partie du bateau qui flotte - et c'est la comédie - puis la partie immergée, la quille, qui est plus tragique. C'est surtout pour parler de la société vingt ans après, avec la métaphore d'un ballon qui est un peu la Terre : quand Gérard Lanvin dit 'Rassurez moi, le ballon est toujours rond ?', il y a cette idée de se demander si tout tourne toujours bien rond. C'est une façon pour moi d'observer le monde modestement, un peu comme Voltaire, à travers un ballon rond."

    "C'est un univers qui peut décrire la société d'aujourd'hui. Une façon de se marrer en étant plus restreint : un terrain de foot a des limites, et moi j'aime bien quand j'ai des limites comme ça je peux parler des choses de ce monde à travers ce milieu. C'est une forme d'objectif, c'était mon projet de parler qu'est ce qui se passe vingt ans après."

    Entre fiction et réalité

    Si, comme beaucoup, vous aviez aimé voir des acteurs côtoyer de vraies personnalités du milieu du football dans 3 zéros, 4 zéros va de nouveau vous combler sur ce plan. Entre joueurs, consultants, entraîneurs, les connaisseurs vont être comblés. Mais a-t-il été facile de convaincre tout ce beau monde ?

    "Depuis 3 zéros, j'ai lié des amitiés et des contacts qui sont solides, ils savent comment j'ai traité le milieu", nous dit Fabien Onteniente, qui avoue que son rêve aurait été d'avoir Zinédine Zidane dans la suite. "Donc quand on dit 4 zéros, il ont envie d'en être et puis voilà. Ils savent que je ne vais pas me moquer d'eux et que ça se passe de manière loyale."

    Comédie oblige, quelle est donc la part de vrai et d'exagération dans ce 4 zéros ? "Tout est vrai, même la question de la multipropriété d'un joueur. Tout est vrai. Ça ne fait pas partie de moi de raconter une histoire dont je ne maîtrise pas le sujet, où les courses des joueurs sont fausses. Car j'en ai vu des films sur le foot où, sans citer leurs auteurs, tout est faux. Ça fait fake et je déteste ça."

    Ça ne fait pas partie de moi de raconter une histoire dont je ne maîtrise pas le sujet, où les courses des joueurs sont fausses

    Pour que son film sonne juste, jusque dans les courses des joueurs, Fabien Onteniente a pu tourner dans de vraies infrastructures : le Parc des Princes, où s'est déroulée notre interview, et les centres d'entraînement du PSG et du Stade de Reims. Quitte à ce que les clubs en question aient leur mot à dire ?

    "Non, ils se sont prêtés au jeu. Ils ont évidemment un droit de regard sur le scénario, et c'était plus délicat avec le Paris Saint-Germain, car il y a plusieurs couches de personnes, et ceux qui prennent les décisions ne sont pas souvent là. Donc c'est de l'alpinisme à ce niveau : il faut un piolet, et on y arrive en passant directement par le sommet."

    "Pour le stade de Reims c'est un ami, Jean-Pierre Caillot [le président du club, ndlr], qui m'a ouvert ses portes et m'a dit que j'étais chez moi. À partir de là, les choses étaient beaucoup plus simples. Et puis dans la banlieue parisienne, je n'oublierai jamais un monsieur qui s'appelle Belkebla, qui est très implanté dans le foot parisien et qui a trouvé des joueurs et des clubs de la région, le Paris 13 Atletico notamment, dont on voit les vraies infrastructures."

    Au stade citoyens

    Au-delà des lieux, un autre défi se présente quand on tourne une comédie sur le milieu du football : mettre les matchs en scène, avec un mélange de captation (des images ont été tournées pendant la partie opposant le PSG à Rennes en février dernier) et de scènes mises en boîte pour les besoins du film.

    "On ne dirige pas vraiment un stade. On écrit et après on fait un storyboard, qui permet de mélanger des choses qui sont très bien filmées à la télévision et des choses que moi je voudrais filmer, c'est-à-dire sur le terrain. Mais c'est un exercice que je pratique depuis très longtemps : dans Jet Set, il y avait des scènes de comédie à Roland-Garros, sur le court central, avec Lambert Wilson et des joueurs, et j'ai mélangé les deux."

    SND

    "J'aime bien faire ça, mais ça demande beaucoup d'expérience avec les storyboards. Et ça prend un certain temps, parce qu'il faut d'abord que tout soit bien synchrone, comme dans une action de foot. Mais ça ne prend pas le temps que ça prenait avant : la pelouse que vous voyez derrière nous, elle est entretenue tous les jours, non pas par un jardinier mais un ground manager venu d'Angleterre, Jonathan Calderwood."

    "Il est vraiment très sympa, car j'ai obtenu des petits bonus pour pouvoir tourner plus longtemps, sans quoi les accès sont plus limités. Et puis on acquiert de l'expérience en vingt ans : j'ai fait des films pour la télé en vingt-et-un jours, donc je sais mettre l'énergie au bon moment."

    Le cinéma il a changé ?

    Deux décennies plus tard, Fabien Onteniente a donc renoué avec le monde du football sur grand écran. Et constaté des similitudes entre ce milieu et celui du cinéma ? "Ça dépend de quel club on parle. Il y a encore quelque chose de familial dans certains clubs comme Reims, ou l'Equipe de France. Alors que le Paris Saint-Germain est une entreprise, dans laquelle je retrouve les mêmes similitudes que dans les grandes entreprises de cinéma."

    De là à dire que le cinéma il a changé, il n'y a qu'un pas. "Oui. Moi j'ai connu des producteurs à la Claude Berri, qui mettaient leur argent sur la table. Là ce sont des montages financiers. Cela ne veut pas dire que j'ai plus de mal à monter des projets. Un film ça prend deux ou trois ans minimum, donc il faut aussi que je me régénère, que je mette les doigts dans la prise, que je regarde d'autres choses, que je lise, que je parle avec les gens. Et puis les idées viennent naturellement. Mais moi je touche du bois, tout va bien."

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 14 octobre 2024

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