Depuis le 2 octobre, Saoirse Ronan est à l'affiche de The Outrun. Qui, en attendant une possible (et méritée) nomination aux Oscars, peut déjà être considéré comme l'un des sommets de sa carrière, tant il s'agit de son rôle le plus intense. Dans une filmographie qui ne manque pas de qualité et de personnages marquants, où les tournants sont nombreux.
"Reviens-moi est le premier à avoir changé les choses", nous dit-elle lorsque nous la rencontrons à Paris. "Il était également formidable d'être impliquée dans The Grand Budapest Hotel, même s'il s'agissait d'un film d'ensemble. Et le grand virage suivant a été Brooklyn de John Crowley. Mon plus grand tournant, je pense, car il s'agissait de mon premier rôle d'adulte. Rapidement suivi par Lady Bird, autre étape importante."
Avec nous, la comédienne revient sur trois des défis qu'elle a eu à relever depuis qu'elle a été révélée au cinéma.
The Outrun : faire naître un agneau
Adapté des mémoires d'Amy Liptrot, The Outrun met Saoirse Ronan dans la peau de Rona, jeune habitante de Londres en proie qui décide de quitter la ville pour la campagne écossaise, afin de lutter contre son addiction à l'alcool. Ce qui lui vaut notamment d'affronter les éléments et, à la ferme, de faire naître un agneau. Pour de vrai.
"C’était incroyable. C’était vraiment revigorant. J’aime être en contact avec les éléments, j’aime le monde naturel. J’ai grandi à la campagne, donc c’est là que je me sens le plus à l’aise. Pas dans un lieu glamour mais dans une ferme, avec de la terre et des animaux. Apprendre cette nouvelle compétence était incroyable et vraiment terrifiant, car lorsque vous sortez un agneau, il est sans vie. Il ne peut encore rien faire. Vous êtes terrifié à l’idée de le tuer ou de lui briser la nuque. C’est très extrême."
"Mais pouvoir faire ce que ces fermiers m’ont appris, comme le frotter vigoureusement pour que ses poumons soient dégagés, ou le mettre sur pieds et le pousser vers sa mère, c’est la sensation la plus incroyable qui soit. Et cela allait bien au-delà du fait de tourner un film. Donner la vie est tout simplement extraordinaire."
Reviens-moi : gérer la célébrité
Le 9 janvier, cela fera très exactement 17 ans que le public français a découvert Saoirse Ronan (et Benedict Cumberbatch, même si la vraie révélation est plutôt dûe à Sherlock). Et bon nombre des 303 766 spectateurs qui ont vu Reviens-moi ont été frappé par sa maturité de jeu, elle qui n'avait pas encore 14 ans au moment de la sortie du film de Joe Wright dans l'Hexagone.
Là où beaucoup attendaient un Orgueil et préjugés bis, pour les retrouvailles entre le réalisateur et Keira Knightley, c'est un drame sur fond de jalousie, de mensonge et de guerre, étalé sur trois époques, qu'ils nous offrent, avec cette adaptation du roman homonyme de Ian McEwan dans laquelle on croise également James McAvoy, ou encore Romola Garai et Vanessa Redgrave, qui incarnent le même personnage de Saoirse Ronan, celle par qui tout arrive, à des âges différents.
Nommé aux Golden Globes, aux BAFTA puis aux Oscars, la comédienne s'est donc retrouvée très jeune sous les feux des projecteurs, à devoir gérer cette célébrité soudaine. Mais cette expérience lui a servi sur le long terme : "Je suis sûre que ça a aidé car, quand j'y suis retournée pour Brooklyn [nommée dans la catégorie Meilleure Actrice en 2016, ndlr] ça n'était pas un choc complet. Je savis déjà à quoi ressemblait la cérémonie des Oscars."
J'ai donc été plongée dans une situation intense et extrême, dont je suis sortie ensuite
"La différence avec Reviens-moi, c'est que je n'étais alors qu'une enfant. J'avais 13 ans. Et je ne suis d'ailleurs allée qu'aux Oscars. Les Golden Globes ont été annulés cette année-là [à cause de la grève des scénaristes, la cérémonie a été transformée en conférence de presse, ndlr], et je n'ai pas le souvenir d'être allée aux BAFTA. La cérémonie des Oscars est la seule à laquelle j'ai assisté car je tournais un film en Nouvelle-Zélande [Lovely Bones] à cette époque."
"J'ai donc été plongée dans une situation intense et extrême, dont je suis sortie ensuite. Ce à quoi je n'avais pas été préparée avec Reviens-moi, ce sont les interviews et la saison des prix, qui n'ont fait que s'amplifier au fil des ans. Ça n'était pas aussi important à l'époque de Reviens-moi qu'à celle de Brooklyn, et ça n'a fait que continuer de grandir d'année en année. Jusqu'à devenir incontrôlable avec tout ce que l'on attend des acteurs. Donc je ne pense pas que l'on puisse être préparé à tout cela."
Hanna : assurer ses propres cascades
Un domaine dans lequel Saoirse Ronan a, en revanche, pu se préparer : l'action. Car si l'on associe la comédienne au drame, à la comédie et au cinéma indépendant, on oublie qu'elle a été la tête d'affiche d'Hanna, rencontre entre un récit de conte de fées et le monde de l'espionnage sur fond de musique électro des Chemical Brothers. Et ses retrouvailles avec Joe Wright.
Assez peu connu alors qu'il gagne à l'être en France (surtout qu'il a donné naissance à une série diffusée sur Prime Video), Hanna a permis à Saoirse Ronan de casser l'image que l'on avait d'elle jusqu'ici en s'investissant à 200% : "J'ai fait toutes mes cascades, et j'ai adoré. Je sais maintenant que, si j'ai la possibilité de me préparer pendant des mois et des mois pour un rôle, c'est pour moi la meilleure façon d'apprécier un projet et mon travail dessus."
On se sent ainsi très fort physiquement, mais on est également très alerte, très concentré
"C'est ce que j'ai pu faire avec Hanna. J'ai suivi une préparation physique pendant environ trois mois et je m'entraînais cinq heures par jour. J'avais 15 ans, et je m'entraînais à la salle de sport pendant deux heures, puis je pratiquais des arts martiaux l'après-midi. Ça a été mon quotidien pendant plusieurs mois. On se sent ainsi très fort physiquement, mais on est également très alerte, très concentré. On ne se concentre pas seulement sur sa tête ou ses émotions, mais aussi sur le plan physique."
"J'adorerais refaire quelque chose comme ça, parce qu'on acquiert une présence d'esprit qu'on peut parfois perdre au fil de la journée sur des projets différents." Pourquoi pas, comme Dev Patel récemment avec Monkey Man, en réalisant lui-même son propre film d'action ? "Oui, j'aimerais beaucoup !" Nous aussi.
Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 25 septembre 2024