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    "Je n'aurais pas été prête à faire ce film il y a quelques années" : Saoirse Ronan tient l'un de ses plus beaux rôles dans cette histoire de rédemption à voir au cinéma
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    Révélée en 2007 avec "Reviens-moi", qui lui avait valu une nomination aux Oscars, Saoirse Ronan est tête d'affiche et productrice de "The Outrun". Un drame fort, sur fond d'addiction et de rédemption, dans lequel elle prouve encore son talent.

    Ça parle de quoi ?

    Rona, bientôt la trentaine, brûle sa vie dans les excès et se perd dans les nuits londoniennes. Après l’échec de son couple et pour faire face à ses addictions, elle trouve refuge dans les Orcades, ces îles du nord de l’Écosse où elle a grandi. Au contact de sa famille et des habitants de l’archipel, les souvenirs d’enfance reviennent et se mêlent, jusqu’à s’y confondre, avec ceux de ses virées urbaines. C’est là, dans cette nature sauvage qui la traverse, qu’elle trouvera un nouveau souffle, fragile mais chaque jour plus puissant.

    The Outrun
    The Outrun
    Sortie : 2 octobre 2024 | 1h 58min
    De Nora Fingscheidt
    Avec Saoirse Ronan, Paapa Essiedu, Stephen Dillane
    Presse
    3,6
    Spectateurs
    3,3
    Séances (113)

    Fuite en avant

    En français, "The Outrun" a donné "L'Écart", mais il peut aussi se traduire par "La Fuite" ou "Le Dépassement". Deux termes qui collent parfaitement au troisième long métrage de la réalisatrice allemande Nora Fingscheidt (Benni). Inspiré des mémoires d'Amy Liptrot, ce drame raconte l'histoire d'une jeune londonienne qui laisse derrière elle sa vie faite d'excès en tous genres, pour se reconnecter avec elle-même et la nature écossaise dans laquelle elle a grandi.

    "Ça n'est pas tant une histoire d'addiction que celle d'une guérison", nous dit son actrice principale Saoirse Ronan lorsque nous évoquons avec elle ce film qui lui a valu un Prix d'Interprétation au Festival Nouvelles Vagues de Biarritz au mois de juin. "Mais c'est aussi l'histoire de quelqu'un qui retrouve de la joie dans les petites choses de la vie." Un récit classique sur le papier. Mais le long métrage, brut, poétique et sensoriel, nous prouve que la manière de raconter un sujet peut permettre de transcender sa simplicité.

    Surtout que Saoirse Ronan, qui officie comme productrice pour la première fois de sa carrière, a eu un vrai coup de coeur pour le livre dont The Outrun s'inspire : "Jack Lowden [son compagnon], qui produit également le film, m'avait donné ce livre qu'il avait lu. Il en avait entendu parler parce qu'il s'était rendu dans les Îles Orcades quelques années auparavant, il l'a lu lorsque nous étions en plein confinement, et a été complètement bouleversé."

    Capture d'écran

    "Après l'avoir terminé, il me l'a donné en me disant que je devais le lire, et que c'était le prochain rôle que je devais jouer. J'ai ressenti la même chose, et je me sens très liée à cette oeuvre pour de nombreuses raisons, donc nous avons cherché qui en avait les droits, avant de commencer à développer le film." Est-ce parce que beaucoup de personnes ont vu leur rapport à l'alcool changer pendant le confinement, que The Outrun l'a autant marquée lorsqu'elle l'a découvert à cette époque ?

    "Je ne pense pas, en ce qui me concerne. Mais je pense que nous nous sommes davantage tournés vers la boisson pendant cette période, et que la santé mentale de chacun a vraiment souffert de cet enfermement. Que le confinement ait été vécu de façon positive ou négative, cela nous a affectés, car nous avons commencé à avoir peur de choses dont nous n'avions pas peur auparavant. Et c'est aussi à cause de l'impact très négatif que cela a eu sur nos esprits que nous avons désespérément cherché à retrouver un lien avec la nature ou des communautés plus petites, quelque chose que l'on pouvait comprendre et qui ne semblait pas trop hors de contrôle."

    "C'est la raison pour laquelle ce livre a tant résonné en nous lorsque nous l'avons lu pendant le confinement. Parce que les gens commençaient à prendre conscience de ce qu'il se passait dans leur tête, de la nécessité de mieux prendre soin d'eux-mêmes, de la manière dont on peut enclencher un cercle vertueux. Et comment le fait d'être dans la nature peut être l'une des rares choses capables de vous aider à vous recentrer."

    "Quelque chose qui m'a vraiment fait peur, un sujet qui m'a façonnée"

    Un sujet qui a donc résonné très fortement chez l'actrice et productrice, mais qui lui a demandé d'aller puiser au fond d'elle-même pour incarner Rona : "J'ai dû creuser très profondément, mais j'ai une certaine expérience de ce genre de choses, et c'est d'abord pour cette raison que j'ai voulu faire The Outrun. C'est quelque chose qui m'a vraiment fait peur, un sujet qui m'a façonnée. J'ai eu l'impression que tout ce qui en ressortait était très réel. Cela venait de quelque chose de très tangible, et il s'agissait d'essayer de gérer cela, de le garder sous contrôle."

    "Il n'y a eu qu'une seule scène pendant laquelle j'ai été un peu trop submergée par les éléments : lorsque Paapa Essidiu, qui joue le petit ami de Rona, Daynin, vide la bouteille de vin dans l'évier, après cette horrible soirée où elle jeté un verre sur l'un de ses amis. Ça me fait encore quelque chose de la regarder, mais quand nous l'avons tournée, l'hystérie physique et émotionnelle par laquelle j'ai dû passer a pris le dessus. Et c'est la première fois que j'ai dû quitter le plateau pour me calmer un peu, car j'ai connu cela, et c'est un sentiment terrible."

    Se pose alors la question du timing. Pas seulement vis-à-vis du confinement, mais également de ce moment de sa carrière où Saoirse Ronan a découvert le livre : "Si The Outrun m'avait été proposé il y a quelques années, réalisé de la manière dont il l'a été [par Nora Fingscheidt], je n'aurais pas été prête, tant sur le plan personnel que professionnel. Je n'aurais pas eu assez de talent, en tant qu'actrice, pour improviser des scènes entières, tout en m'assurant, de l'intérieur, qu'elles allaient dans la direction qu'elles devaient prendre."

    "Je voulais quelque chose de désordonné. Quelque chose que je n'avais pas fait auparavant"

    "Nous avons travaillé avec de nombreux acteurs amateurs, des personnes qui n'avaient jamais joué auparavant, ni même envisagé de le faire. Je devais donc garder un œil sur la direction que devait prendre la scène, et presque m'auto-corriger par moments. Mais je pense aussi que ce personnage exigeait une performance aussi laide que belle, aussi pathétique et vile qu'admirable. Car, la plupart du temps, je ne joue pas quelqu'un d'aimable."

    "Je pense que je n'aurais pas eu la force de caractère, l'expérience et les compétences nécessaires pour réussir cela en toute confiance il y a quelques années. Alors que j'avais l'impression d'avoir fait tellement de choses à ce stade que j'aurais pu me lancer aveuglément et me dire 'Rien à foutre de la façon dont ça va se passer !' Mais je voulais quelque chose de désordonné. Quelque chose que je n'avais pas fait auparavant."

    C'est effectivement ce qui marque dans The Outrun : en plus d'être une énième confirmation du talent de Saoirse Ronan, le film la sort de sa zone de confort et la pousse dans ses retranchements avec des scènes intenses et difficiles. Ce qui rend d'autant plus fort l'exploit de parvenir à nous attacher à son personnage, et nous arrache quelques larmes au cours du final, somptueux, en forme de feu d'artifice sensoriel.

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 25 septembre 2024

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