Mon compte
    "Si j'étais sur le plateau, ça mettait en danger l'équipe et le film" : comment Mohammad Rasoulof a pu tourner son film clandestinement
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 12 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    "Les Graines du figuier sauvage", à l'affiche depuis mercredi, a la particularité d'avoir été tourné clandestinement, en raison de la condamnation en Iran de son réalisateur. Comment ce film a-t-il pu aboutir dans ces conditions ? Explications.

    Après un passage remarqué à Cannes, où il a décroché un Prix spécial, le film Les Graines du figuier sauvage est sorti au cinéma ce mercredi. Il est réalisé par Mohammad Rasoulof, condamné à 8 ans de prison en Iran.

    Envers et contre tout, le cinéaste a tout fait pour faire aboutir la réalisation de ce film, jusqu'à trouver une méthode bien particulière pour réaliser son film, en étant tenu à distance du plateau de tournage. Nous avons pu rencontre le réalisateur lors de sa venue à Paris et nous lui avons dans quelle condition il avait pu tourner pour ne pas être empêché ? Voici ce qu'il nous a répondu.

    Je n'étais jamais sur le plateau

    "C'est un peu compliqué. C'est à la fois drôle, douloureux, réjouissant, affligeant. J'ai toujours dû diriger à distance pendant le tournage, parce que si j'étais sur le plateau, ça mettait en danger l'équipe et le film. Parfois, j'étais très loin de l'équipe. D'autres fois, plus près. Mais en tout cas, je n'étais jamais sur le plateau. Et ça, en soit, c'est très compliqué de pouvoir vraiment maitriser la mise en scène sans être là.

    J'avais deux types d'assistants : l'un qui travaillait avec l'équipe image, l'autre qui travaillait avec les acteurs. Et les acteurs eux-mêmes étaient chacun des assistants. Ils étaient tellement engagés, tellement sur la même longueur d'onde que moi, que j'ai senti leur implication avec mon chef opérateur, mon ingénieur de son, le chef déco... Tout le monde avait cet objectif commun : ils savaient que ce qu'il faisait, c'était au-delà du cinéma.

    Honnêtement, on pensait toujours qu'on ne finirait pas ce film

    Même si c'était extrêmement complexe, il y avait aussi une dimension jouissive à chaque fois qu'on arrivait à boucler une séquence, à finir le travail sur un décor. Il y avait une joie indescriptible entre nous. Honnêtement, on pensait toujours qu'on ne finirait pas ce film. Donc on essayait vraiment de prendre du plaisir au jour le jour et vivre l'instant.

    C'est peut-être très compliqué de comprendre ça en France, parce qu'on n'a pas de expérience de confrontation avec cette censure-là

    C'est peut-être très compliqué de comprendre ça en France, parce qu'on n'a pas de expérience de confrontation avec cette censure-là. Mais lorsque vous êtes mis sous la presse de la censure pour les plus petits détails, arriver à s'en libérer, arriver à ne pas en tenir compte, ça me donne un sentiment de satisfaction profond, une dignité, un contentement. Malgré la peur qui régnait, la pression que l'on ressentait, ce plaisir ne nous quittait pas."

    L'histoire des Graines du figuier sauvage suit Iman. Il vient d’être promu juge d’instruction au tribunal révolutionnaire de Téhéran quand un immense mouvement de protestations populaires commence à secouer le pays. Dépassé par l’ampleur des évènements, il se confronte à l’absurdité d’un système et à ses injustices mais décide de s’y conformer. A la maison, ses deux filles, Rezvan et Sana, étudiantes, soutiennent le mouvement avec virulence, tandis que sa femme, Najmeh, tente de ménager les deux camps. La paranoïa envahit Iman lorsque son arme de service disparait mystérieusement...

    Les Graines du figuier sauvage est actuellement en salles.

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Sur le même sujet
    Commentaires
    Back to Top