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    Megalopolis : c'est l'un des films événements de la rentrée cinéma... mais il a failli ne jamais voir le jour
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    La sortie de "Megalopolis", après son passage au 77ème Festival de Cannes, est bien plus que l'un des événements de la rentrée cinéma : c'est également l'aboutissement d'un projet auquel Francis Ford Coppola pense depuis plus de quatre décennies.

    Il y a eu le Napoléon de Stanley Kubrick. Le Don Quichotte d'Orson Welles. Le Stalingrad de Sergio Leone. Le Superman Lives de Tim Burton. Et Megalopolis a longtemps fait partie, à leurs côtés, de la catégorie "ces projets avortés de grands cinéastes".

    Après avoir failli le concrétiser au début du XXIème siècle, Francis Ford Coppola semblait même l'avoir abandonné. Et le fait qu'il n'ait rien tourné depuis Twixt, sorti en 2012, laissait peu d'espoir de le voir s'attaquer à ce long métrage annoncé aussi massif que son titre. Et puis...

    Megalopolis
    Megalopolis
    De Francis Ford Coppola
    Avec Adam Driver, Giancarlo Esposito, Nathalie Emmanuel
    Sortie le 25 septembre 2024
    Séances (714)

    Le jeudi 16 mai dernier, à 19h, Francis Ford Coppola a fait son entrée dans le Grand Théâtre Lumière, en compagnie de ses acteurs. Pour ce qui fût bien plus que l'un des événements du 77ème Festival de Cannes ou le quatrième film de sa Compétition : il s'agissait de la concrétisation d'un rêve vieux de plusieurs décennies. Dont l'aboutissement est aujourd'hui empreint d'un peu de tristesse, le cinéaste ayant perdu son épouse Eleanor quelques semaines auparavant, le 12 avril.

    Né dans les années 80

    "Megalopolis a toujours été un film dédié à ma chère épouse Eleanor", disait le réalisateur au début du mois de mai, au moment de dévoiler le premier extrait du long métrage. Dont il aurait parlé à Rob Lowe sur le tournage d'Outsiders... en 1982. À cette époque, Francis Ford Coppola a déjà commencé à l'écrire, visiblement pas refroidi par le tournage chaotique d'Apocalypse Now, digne de faire passer la folie des grandeurs de bon nombre de cinéastes.

    Pris d'une passion quasi-obsessionnelle pour ce projet, il est prêt à tout pour le voir aboutir. Y compris, comme il l'a révélé au site Ain't It Cool News en 2007, accepter de diriger L'Idéaliste, Jack et même Dracula pour favoriser son financement. Une stratégie proche de payer en 2001, quand il organise des sessions de lectures avec quelques comédiens.

    Le pacte

    Et pas les moins en vue d'Hollywood, puisqu'on parle alors de Leonardo DiCaprio, Nicolas Cage, Robert De Niro, Kevin Spacey, Paul Newman, Uma Thurman, James Gandolfini ou encore un Russell Crowe fraîchement oscarisé grâce à Gladiator. En parallèle de ces auditions, il met en boîte des images de la ville de New York avec le chef opérateur Ron Fricke : une trentaine d'heures de rushes qu'il supprimera peu de temps après.

    Le 11 septembre 2001, les attentats commis sur le sol américain meurtrissent New York et choquent le monde, avec des conséquences plus ou moins directes sur le milieu du cinéma. Comme la remise en cause de Megalopolis, dont l'histoire tourne autour de la reconstruction de la ville, après un cataclysme, par un architecte qui tente alors de créer une utopie.

    "Cela a rendu les choses vraiment difficiles", dira le cinéaste en 2007, au moment d'annoncer qu'il a renoncé au projet. "Un film sur l'aspiration à l'utopie avec New York comme personnage principal et puis tout d'un coup vous ne pouviez pas écrire sur New York sans simplement traiter de ce qui s'est passé et des implications de ce qui s'est passé. Le monde a été attaqué et je ne savais pas comment essayer de faire avec ça. J'ai essayé."

    "Le monde a été attaqué et je ne savais pas comment essayer de faire avec ça"

    Sortent L'Homme sans âge, Tetro et Twixt. Puis les remontages d'Apocalypse Now et Le Parrain 3. Contrairement à Terry Gilliam et son Don Quichotte, il semble alors avoir tiré un trait sur Megalopolis. Les spectateurs aussi, conscients qu'aucun studio n'investira un budget aussi conséquent sur un film original, à l'heure où les franchises sont devenues les reines d'Hollywood. Et puis arrive le mois de mai 2019.

    Il est alors révélé que Megalopolis est toujours vivant, et que Jude Law et Shia LaBeouf pourraient en être les têtes d'affiche. Si le second restera jusqu'au bout, le premier sort vite des conversations, dans lesquelles s'immiscent Oscar Isaac, Zendaya, James Caan, Forest Whitaker, Michelle Pfeiffer, Jessica Lange ou encore Cate Blanchett.

    Des acteurs qui ne seront finalement pas de l'aventure, contrairement à Nathalie Emmanuel, Laurence Fishburne, Aubrey Plaza, Talia Shire, Dustin Hoffman ou encore Giancarlo Esposito. Sans oublier Adam Driver qui, non content d'ajouter un nom prestigieux à une filmographie déjà très impressionnante, aide à sauver un autre projet de longue date, après avoir été du Don Quichotte de Terry Gilliam.

    Le pacte

    Doté d'un budget de production oscillant entre 100 et 120 millions de dollars, entièrement financé par Francis Ford Coppola lui-même grâce à ses recettes viticoles, Megalopolis entre en tournage le 1er novembre 2022 dans l'État de Georgie, et les prises de vues se terminent le 12 mars de l'année suivante.

    Un an plus tard, le film a donc été présenté, en Compétition, au 77ème Festival de Cannes. Une participation qu'il avait lui-même confirmée avant l'annonce officielle de la sélection. Il s'agissait, pour Francis Ford Coppola, de sa quatrième présence dans la catégorie reine de la manifestation. La première depuis 1979, année du triomphe d'Apocalypse Now, qui lui avait valu sa deuxième Palme d'Or.

    Alors qu'il aurait pu devenir le premier réalisateur de l'Histoire à remporter une troisième Palme, le jury de Greta Gerwig (qui fait référence au Parrain dans Barbie) en a décidé autrement : en sacrant le réjouissant Anora de Sean Baker, nouveau chef de file du cinéma indépendant. Comme un passage de témoin avec Francis Ford Coppola, absent du palmarès. Mais l'aboutissement de ce Megalopolis, qu'il aura mis quatre décennies à concevoir, n'est-il pas la plus belle des récompenses pour son auteur ?

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