Noté 3,8 sur 5 par les spectateurs AlloCiné, le long métrage Donjons & Dragons : l'honneur des voleurs est sorti le 12 avril 2023 dans les salles françaises pour un total de 1,1 millions d'entrées. Un score honorable pour une adaptation de jeu de rôles sur grand écran, mais aux Etats-Unis, le film n'a pas rencontré le succès escompté, alors même que le jeu y est bien plus populaire encore que chez nous.
Le long métrage n'y a récolté que 93,2 millions de dollars, contre 148 millions pour Uncharted ou 411 millions pour Doctor Strange 2, à titre de comparaison. Un échec qui s'explique pour deux raisons que nous verrons plus bas, car avant toute chose, il faut rendre à César ce qui est à César, le film Donjons & Dragons mérite le coup d'oeil, que l'on connaisse ou pas la licence.
Adapté aux néophytes et aux fans
J'ai vu le film avec un néophyte alors que je suis moi-même animateur de parties de jeux de rôles, notamment de Donjons & Dragons. Nous couvrions donc les deux parties du spectre et l'ami avec qui j'ai découvert L'Honneur des voleurs (et qui se reconnaîtra) m'a confirmé une fois la séance terminée qu'il avait absolument tout compris.
Ses réalisateurs Jonathan Goldstein et John Francis Daley, férus du jeu, se sont arrangés pour faire ce Donjons & Dragons compréhensible par un nouveau public tout en contentant les fans en respectant l'univers utilisé. Un équilibre souvent difficile à atteindre pour les blockbusters hollywoodiens adaptés de licences phares.
Et surtout, le film est un pur divertissement d'aventure avec un casting hétéroclite (Chris Pine de Star Trek, Michelle Rodriguez de Fast & Furious, Regé-Jean Page de Bridgerton) mais qui tient très bien la route, avec également Hugh Grant qui est très fier du film, comme il l'a récemment confié à Vanity Fair, et lui aussi déplore son échec.
3 raisons à l'échec (au moins)
- C'est niche !
D'abord, le jeu de rôles, s'il s'est démocratisé ces dernières années (au point qu'Hasbro, qui détient les droits de "D&D" annonce 50 millions de joueurs dans le monde), le hobby reste tout de même une niche. Tout comme le genre fantasy, malgré le succès des films Seigneur des Anneaux. Et les précédents longs métrages Donjons & Dragons, faits pour de mauvaises raisons, avaient dégoûté le public cinéma de la licence.
- Un marketing confus
Deuxième raison, la campagne marketing du film met en avant son casting - pas si connu que ça du grand public, avec une affiche les plaçant en cercle - difficile alors de les reconnaître - et le nom Donjons & Dragons en petit. Dès lors, que vend-on ? Peut-être le public s'y est-il un peu perdu ?
- La "débâcle de l'O.G.L." (accrochez-vous)
L'échec du film aux USA est aussi venu d'une polémique ayant agité le monde du jeu de rôles au début de l'année 2023, soit six mois environ avant la sortie du film. Il faut savoir que D&D est publié sous une licence appelée "O.G.L." (pour Open Game Licence) et qui autorise tout un chacun de créer son jeu de rôles en reprenant les bases des règles de Donjons & Dragons. Beaucoup d'éditeurs de jeu profitent de cette licence libre pour sortir des gammes entières, et des tonnes de jeux dérivés de D&D et en vivent économiquement.
Mais en janvier 2023, un document circulant chez l'éditeur de Donjons & Dragons fuite dans la presse, évoquant la possible révocation de cette O.G.L. alors même qu'il est inscrit que l'O.G.L. est "perpétuelle", ce qui placerait de facto toutes les firmes éditant des jeux dérivés de D&D hors-la-loi et les pousserait à mettre la clé sous la porte.
Levée de boucliers des éditeurs concernés, boycott des produits D&D... La riposte se fait sentir, l'éditeur de Donjons & Dragons fait du "damage control" et publie un mea culpa... sauf que le mal est fait. Et parmi les boycotts associés à cette "débâcle de l'OGL" (comme elle a été appelée Outre-Atlantique), le film D&D fait lui aussi l'objet d'un boycott.
D'autant plus lorsque les premiers spectateurs découvrent, cerise sur le gâteau, que le générique annonce le film "basé sur Donjons & Dragons par Hasbro" sans créditer ni Dave Arneson et Gary Gygax (les créateurs originaux du jeu), ni Ed Greenwood le créateur de l'univers de fiction dans lequel se déroule le film - Les Royaumes oubliés), les privant ainsi de la moindre royalty.
Une suite est-elle possible ?
Toutes ces raisons - et sans doute d'autres - ont pu participer à un désintérêt pour le film, qui méritait pourtant beaucoup mieux, et même une suite, qui n'est pour l'instant qu'une envie de tous les participants du long métrage. Reste que le studio Paramount, qui a seul le pouvoir de leur donner le feu vert, hésite face aux résultats décevants du premier opus.