Brian de Palma attendra 1989 pour livrer sa propre vision du film de guerre, avec l'éprouvant Outrages. Basé sur un article écrit par le journaliste du New Yorker Daniel Lang publié en 1969 et intitulé Casualties of War (qui est d'ailleurs le titre en VO du film), le film est tiré d'un fait divers atroce survenu en pleine guerre du Viêtnam. En 1966, une escouade de soldats US kidnappent une jeune viêtnamienne, qui est violée et tuée.
L'article attire l'attention du scénariste David Rabe et Brian de Palma, qui souhaitait depuis la fin des années 1970 réaliser un film d'après l'article du journaliste, puis de son livre. Mais devant le sujet du film, délicat et anti commercial, les studios ne se sont pas bousculés devant sa porte pour le financer.
Même quand on s'appelle Brian de Palma et qu'on a réalisé trois solides films peu auparavant, avec Carrie au bal du Diable, Furie et Obsession. Il a fallu attendre que la route soit ouverte avec Voyage au bout de l'enfer, Apocalypse Now, Platoon et Full Metal Jacket pour que de Palma parvienne à faire son film.
"Il le fuyait comme si c'était de la kryptonite !"
Outrages figure parmi les meilleurs films de la carrière de Michael J. Fox, qu'on a toujours tendance à réduire au simple registre de la comédie, dans laquelle il a excellé. C'est peu dire que Sean Penn, qui lui donne la réplique, a transformé l'expérience de Fox sur le tournage en enfer. Penn avait en effet une méthode bien à lui pour se glisser dans la peau de son personnage, le sergent Meserve, comme le rappelait Brian de Palma dans une leçon de cinéma.
"Sean n'a pas adressé la parole à Michael de tout le film. Il n'a pas quitté son rôle de sergent, il traînait avec des mecs de l'armée, et a ignoré Michael. Il n'y avait pas mille lieux où aller dans la jungle, mais Sean le considérait comme de la kryptonite. Michael est un type très affable, il descend de scène, parle à tout le monde. C'est allé très loin.
Quand Michael le poursuit avec sa pelle, on a répété la scène plusieurs fois. Sean le provoquait, il n'arrêtait pas. Et d'un seul coup, dans une de ses prises, il le fait littéralement basculer à terre. Michael s'est relevé et l'a fusillé du regard, et on a gardé ça dans le film. Quand les soldats passent devant lui après le procès, Sean lui chuchote quelque chose à l'oreille. Que croyez-vous qu'il lui a dit ? "Pauvre acteur de téloche !"
Columbia Pictures
"Sean a joué le mec dangereux jusqu'au bout"
Dans une autre prise, il aurait carrément insulté la femme de Michael J. Fox. "Quelque chose comme : "J'ai niqué ta femme plusieurs fois et maintenant ça va être ton tour". Sean a joué le mec dangereux jusqu'au bout" dira de Palma, dans son livre d'entretiens avec Samuel Blumenfeld, publié en 2019.
Une méthode extrême donc, dont on imagine que Michael J. Fox se serait bien passé. Si le résultat à l'écran fonctionne sacrément bien, ce ne sera hélas pas suffisant pour faire d'Outrages un succès. Sorti en plein mois d'août 1989 aux Etats-Unis, le film sera un échec commercial.
Une sanction très injuste pour une oeuvre qui a la vigueur d'un uppercut, où les personnages comme les spectateurs deviennent les complices de ce terrible fait divers, tout en soulignant la faillite morale de l'individu et même d'une nation.