Ça parle de quoi ?
Ce soir-là, Mady, étudiant le jour et serrurier la nuit, voit sa vie basculer quand il ouvre la mauvaise porte et devient accidentellement complice d'une affaire de grand banditisme. Au cœur d’une ville en pleine ébullition, Mady n'a qu'une nuit pour se tirer d'affaires et retrouver la trace de Claire, celle qui a trahi sa confiance. Le compte à rebours est lancé…
Au mauvais endroit au mauvais moment
S'il se fait rare au cinéma (son dernier long métrage, Doctor Strange 2, remonte à 2022, et le précédent, Le Monde fantastique d'Oz, à 2013), Sam Raimi garde un oeil sur les jeunes cinéastes qui émergent de ce côté de l'Altantique. Comme Sébastien Vanicek (Vermines), à qui il a confié la réalisation d'un spin-off d'Evil Dead. Ou Michiel Blanchart, dont il doit produire la version longue de son très réussi court métrage T'es morte Hélène, pré-sélectionné aux César l'an dernier.
Et il faut dire que l'auteur d'Evil Dead ne s'est pas trompé sur le talent de son homologue belge, que La Nuit se traîne confirme aujourd'hui. En matière de mise en scène notamment, qu'il s'agisse de raconter par l'image la situation de son personnage principal dans les premières minutes du récit, ou de renvoyer à Black Lives Matter, dont l'ombre plane sur le récit, qui se déroule alors que des manifestations en soutien au mouvement ont lieu dans Bruxelles. Jusque dans la mort d'un protagoniste.
Une toile de fond qui tend un peu plus l'ambiance de ce récit, qui se déroule sur une nuit, et rappelle After Hours de Martin Scorsese, alors que le cinéaste cite davantage, "sans m'y comparer", Collateral de Michael Mann, Duel de Steven Spielberg et Training Day d'Antoine Fuqua : "Ce sont des films que j'aime énormément et qui ont tous en commun de porter un regard sur leur époque, sans négliger la tension et le plaisir du divertissement." Ce que La Nuit se traîne parvient également à faire.
Tantôt cocasse, le temps d'une séquence au coeur d'une maison close, tantôt spectaculaire, grâce à un long plan qui suit la fuite du héros à vélo jusque sur le quai d'une gare, en l'accompagnant à travers les portiques et dans les escaliers et couloirs, le long métrage est plus convaincant dans sa mise en scène que dans son scénario et ses dialogues. Mais il nous attrape vite pour ne presque plus nous lâcher ensuite. Avec un vrai souci d'authenticité.
Dans sa manière de filmer Bruxelles en sortant du côté carte postale. Ou dans les péripéties de l'intrigue : "Il y a bien sûr des moments où le trait est grossi : il est difficile d'imaginer que Mady puisse physiquement résister à tout ce qu'il subit dans le film. Mais il parvient toujours à se relever, à continuer", raconte Michiel Blanchart dans le dossier de presse. "À l'inverse, toutes les cascades du film sont réalistes. Dans tous les cas, j'ai essayé de donner du plaisir au spectateur par le rythme."
"L'important c'est de pouvoir croire à la véracité de ce que vivent les personnages, de ce qu'ils ressentent, de la situation dans laquelle ils sont. D’être en complète empathie avec eux. Mais dès que l’on pose une caméra, que l'on met une lumière, que l'on fait une coupe, ce ne sera déjà plus la réalité, mais une interprétation. Alors autant l'emmener au bout d'une démarche artistique, créer une atmosphère, un ressenti qui fait sens avec ce qu'éprouvent les personnages."
"Donner du plaisir au spectateur par le rythme"
Quitte à nous offrir des respirations avec des moments plus aériens (un plan au drone sur fond de musique électro au début) ou lumineux (pour représenter cet horizon dégagé après lequel Mady court), à défaut de ménager son interprète principal. Vu dans Les Rascals, qui lui avait valu de faire partie des Révélations des César en 2024 (mais pas d'être nommé), Jonathan Feltre réussit aussi l'épreuve de la confirmation.
Face à un Romain Duris à contre-emploi dans un rôle de méchant. "Même s'il a déjà tenu des rôles sombres, l'imaginaire collectif fait que Romain Duris est peu attendu en grand méchant", précise le réalisateur quant à ce choix inattendu. "Qu'y-a-t-il de plus terrifiant que de prendre un visage familier, sympathique et montrer qu'il peut recéler de la froideur, voire de l'horreur ?"
La réponse est visible dans les salles depuis ce mercredi 28 août. Et elle confirme que Michiel Blanchart est bien un réalisateur à suivre. En France et en Belgique, ou aux États-Unis.