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    Valeria Bruni Tedeschi comme vous ne l'avez jamais vue : Une vie rêvée, un portrait de femme lumineux au cinéma
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 13 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    Valeria Bruni Tedeschi est la tête d'affiche, d'"Une vie rêvée", au cinéma ce mercredi. Un film qui aborde des sujets dramatiques, comme le surendettement, mais dont l'évolution tend vers la lumière et l'amour. Rencontre avec son réalisateur.

    De quoi ça parle ?

    Nicole a une vie de rêve. À 52 ans, elle vit dans une cité HLM de banlieue avec son fils de 19 ans, Serge, qui ne la supporte plus. Endettée et sans emploi, elle se voit retirer chéquier, carte bleue, et ses rides se creusent sans qu'elle ne puisse rien y faire. Et si, à l’approche de Noël, la vie se décidait enfin à lui sourire ?

    Une vie rêvée
    Une vie rêvée
    Sortie : 4 septembre 2024 | 1h 37min
    De Morgan Simon
    Avec Valeria Bruni Tedeschi, Félix Lefebvre, Lubna Azabal
    Presse
    3,1
    Spectateurs
    3,4
    louer ou acheter

    Après Compte tes blessures, le réalisateur Morgan Simon dévoile un second long métrage, intitulé Une vie rêvée. Rencontre avec le cinéaste, au Festival du film francophone d'Angoulême, où le film était sélectionné en compétition.

    AlloCiné : Comment nous présenteriez-vous ce film, Une vie rêvée ?

    Morgan Simon, scénariste et réalisateur : C'est l'histoire d'une femme de 50 ans habitant en banlieue parisienne, et dont la vie a totalement volé en éclat. Avec son fils, ça ne se passe pas bien. Elle n'a plus d'argent. Au cours du film, elle va vivre différentes choses qui vont la remettre sur pied, lui faire comprendre qu'elle peut vivre, peut-être, sans son fils. Il faut en tout cas qu'elle vive par elle-même, jusqu'à retrouver une forme de bonheur et de sérénité et surtout d'épanouissement.

    Une vie rêvée met au premier plan, et en lumière, une femme de plus de 50 ans, issue d'un milieu populaire...

    Oui, il y a une envie de montrer des personnages d'un autre âge, des femmes d'un autre âge qui sont évidemment dans le cinéma français, et pas toujours représentées.

    Dans le film, Valéria Bruni Tedeschi passe par toutes les phases. D'ailleurs, elle n'a jamais demandé à être filmée d'une certaine façon. Elle a fait tellement de films qu'elle pourrait imposer des demandes.

    Ni moi, ni Valeria ne voulions que ça sonne faux

    Il y avait aussi l'envie de représenter une certaine classe sociale, ce qui est paradoxal avec Valéria Bruni Tedeschi, qui, bien sûr, vient d'un milieu plus aisé. Elle a réussi à incarner cela d'une façon tellement vraie que lorsque je l'ai rencontrée la première fois, il n'y avait pas de doute. Et c'était bien sûr une chose importante pour moi.

    Venant vraiment de ce milieu, je ne voulais pas que ça soit une faute. C'était ma plus grande crainte. Et Valéria ne voulait pas non plus que ça sonne faux. Cela a été très simple de l'emmener, parce que c'est une actrice exceptionnelle, qui peut aller à tous les endroits de jeu, tout le temps, en permanence. Ce qui laisse beaucoup de latitude d'inventer et de ne pas rester dans un carcan de ce qui a été écrit.

    Un sujet fort abordé dans le film est celui du déclassement, et indirectement la question du transfuge de classe, exploré notamment par Edouard Louis en littérature. Pouvez-vous nous dire en quoi ce sujet est important pour vous ?

    Le déclassement, c'est une peur pour beaucoup de gens. Moi, je l'ai vécu avec ma mère, de classe moyenne, basse, jusqu'à dégringoler, à vivre le surendettement, aller même à la Croix-Rouge à des moments pour avoir de la nourriture. Ce n'est pas quelque chose dont on est fiers. Même en parler là... C'est une des premières fois que je l'exprime.

    Peut-être qu'il y a cette responsabilité de dire quelque chose qui est le plus sincère, le plus honnête possible

    Ayant pu finalement être en position de faire des films, que ma voix soit entendue, même de façon toute petite. De pouvoir me dire: peut-être qu'il y a cette responsabilité de dire quelque chose qui est le plus sincère, le plus honnête possible sur ça. De prendre l'espace aussi, de se dire: maintenant, ça, ça existe.

    On ne peut plus représenter ça d'une façon qui n'est pas juste. On doit prendre en compte maintenant qu'on est quelques uns ou quelques unes à pouvoir s'exprimer sur ces sujets-là. Bien sûr, il y a le travail d'Édouard Louis. Il y a quelque chose de parallèle que j'ai découvert il y a quelques années. On avait fait un film ensemble, Nous nous reverrons, un film de 15 minutes qui parle des migrants où il faisait la voix off. J'ai le sentiment que lui aussi porte cette responsabilité de parler de ces classes sociales, d'en parler peut-être différemment.

    Quand je dis différemment, c'est juste dire une forme de vérité, une façon dont on n'a pas l'habitude de représenter dans les médias. Parce que, parfois, dans ces sphères, les gens ne viennent pas vraiment de ce milieu, donc ils ont des idées préconçues, qui sont même inconscientes. En parler en venant de ces endroits-là, ça permet d'avoir un autre éclairage. En tout cas, de rendre complémentaire cette parole-là et ce regard.

    Ce film est assez autobiographique, comme vous venez de l'évoquer. Comment aborde-t-on la question de l'intime au cinéma ?

    J'aime bien cette phrase de Houellebecq, qui dit, si je me souviens bien, que "pour une chose vraie, il y a une chose à inventer". Pourquoi parler de choses intimes ? C'est parce que je pense qu'il y a des choses sociales à dire. Des choses que j'ai pu traverser, que ma mère a pu traverser. A un moment donné, il faut dire ces choses-là, avec des scènes qui ont vraiment existé.

    Il y a beaucoup d'amour dans le film

    Je me sens en tout cas légitime et cela me permet ensuite d'aller beaucoup plus loin dans la fiction, pousser les enjeux plus loin, pour que, évidemment, le film ne soit pas quelque chose de nombriliste. Ce serait la pire chose possible. C'est trouver le bon équilibre, le bon dosage.

    J'en ai évidemment un peu parlé à ma mère qui avait très peur du film et qui, au final, en est fière. Même si elle trouve que la décoration chez elle était mieux que dans le film, avec tout le respect et l'amour pour le chef décorateur du film, Thomas Grézaud ! Il y a beaucoup d'amour dans le film. À partir de là, je pense que c'est ça qui l'emporte.

    Propos recueillis au Festival du film francophone d'Angoulême 2024

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