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    "Il n'arrêtait pas de rejeter les scénarios" : noté 1,6 sur 5, ce film d'Eddie Murphy est l'un des plus gros échecs de l'Histoire du box-office
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Plombé par ses réécritures de script, des décisions économiques absurdes et les atermoiements de sa tête d'affiche, Eddie Murphy, "Pluto Nash" est l'un des échecs les plus cuisants jamais vus au box office. Récit d'un crash intersidéral.

    La galaxie tragique des oeuvres qui se sont fracassées devant les portes du box office est hélas constellée d'exemples édifiants, malgré les sommes parfois pharaoniques injectées par les studios. Surtout si l'on considère à titre d'exemple que, pour une oeuvre ayant coûté 100 millions $ à produire, il faut que le seuil de rentabilité soit au 2,5 fois équivalent au budget de production.

    "Epargnez-vous ça !" : noté 1 sur 5, c'est l'un des pires films de l'Histoire du cinéma... et il a coulé son studio

    Il y a une hiérarchie dans les échecs. Pour qualifier les pires d'entre eux, les plus dévastateurs, les américains ont un terme : box office bomb. Une expression parfois employée à tort à et à travers, sans nuances. Avec un budget de production de 200 millions de dollars et des recettes plafonnées à 400 millions, un film comme The Eternals par exemple est considéré comme un lourd échec commercial. Surtout au regard d'une écurie comme Marvel. Mais il ne peut être considéré comme un échec dévastateur.

    Avec un budget de production s'élevant à 115 millions de dollars pour à peine 10 petit millions de dollars de recettes sur le territoire américain (18 millions si l'on considère le box office international), L'île aux pirates est notoirement et tristement connu pour être un des plus gros box office bomb américain. Il fit perdre à sa société de production, Carolco Pictures, 97 millions $, soit, rapporté à l'inflation, plus de 195 millions de dollars actuels...

    Pluto Nash, le crash intersidéral

    Voisinant avec les pires échecs jamais enregistrés de l'Histoire du box office américain, le film Pluto Nash, porté à bout de bras par un Eddie Murphy tout juste échappé des piètres Famille Foldingue et Dr. Dolittle 2, a effectué un crash industriel dans des proportions bibliques.

    Doté d'un budget estimé entre 100 et 120 millions de dollars (soit, ajusté à l'inflation actuelle, entre 174 et 209 millions $), le film, sorti en 2002, n'a ramassé que 7,10 millions $ au box office mondial. Vous avez bien lu. Une ardoise qui fit perdre à son studio producteur, Warner, 113 millions de dollars à l'époque.

    En projet durant des années (la première apparition du script remonte même à novembre 1983 !!!) sans jamais pouvoir sortir de l'ornière, c'est finalement le réalisateur Ron Underwood -auteur du sympathique film d'horreur Tremors- qui fut définitivement attaché dessus. Du côté des têtes d'affiches, elles aussi ont défilé durant des années, jusqu'à Harrison Ford même, sans succès. C'est l'arrivée d'Eddie Murphy qui fit réellement décoller le projet.

    Warner Bros.

    "Eddie a toujours été très agréable et il était facile de travailler avec lui à certains égards" commentait le réalisateur dans un long entretien accordé au site slashfilm en 2020. "Mais il n'aimait pas les scénarios que nous écrivions. Il n'arrêtait pas de rejeter les scénarios. Et nous faisions appel à un nouveau scénariste et réessayions ; et nous faisions appel à un nouveau scénariste et réessayions encore.

    Et c'est juste que... il ne répondait tout simplement pas. Je veux dire, peut-être que nous aurions dû nous arrêter à ce stade. Il disait que l'idéal pour lui, c'était un film écrit pour quelqu'un comme Sylvester Stallone ou Harrison Ford, dans lequel il apporterait sa touche de comédie".

    Un studio construit uniquement pour Pluto Nash

    Plombé par les réécritures constantes du script et les atermoiements de sa star, Pluto Nash a aussi souffert des très mauvais choix économiques effectués par Warner qui ont gonflé l'enveloppe budgétaire. Initialement prévu pour être tourné en Grande-Bretagne, décision fut prise de délocaliser la production à Montréal. Le hic ? Il a carrément fallu bâtir sur place le studio...

    "C'était probablement le premier grand film réalisé à Montréal... Des films étaient tournés à Montréal depuis des décennies, dont beaucoup étaient de grands films, mais il s'agissait pour la plupart de films français à petit budget.

    Donc, en prenant un film de cette taille, où ils n'avaient pas l'espace suffisant, ils ont construit un studio pour nous pendant ces mois où nous attendions le scénario. Ils ont en fait construit un studio pour CE film".

    Warner Bros.

    Les ennuis volant souvent en escadrilles, décision fut faite d'organiser très en amont une projection test, alors que les effets spéciaux n'étaient pas terminés et le montage encore en cours. Projeté à une poignée de journalistes américains, les premiers retours furent meurtriers, enchaînés par un bouche-à-oreille dévastateur.

    Au point que les executives de Castle Rock Entertainment, la société coproductrice du film aux côtés de Warner, devinrent de plus en plus nerveux, et ordonnèrent des reshoots durant 15 jours à Los Angeles pour tenter de corriger le tir. La date initiale de sortie du film, prévue pour avril 2001, est devenue un lointain souvenir... Puisqu'il sortira dans la torpeur estivale, en août 2002.

    L'échec en salle fut si violent que Castle Rock fut contraint de tailler plus de 30% de ses effectifs 15 jours à peine après la sortie du film, pour se maintenir à flot et encaisser le choc. Quant à Ron Underwood, il sortira logiquement lessivé de l'aventure, après avoir passé quatre années dessus. Pour, au bout du compte, se faire fusiller à bout portant pour une oeuvre qu'il assume pourtant courageusement.

    "J’en ai pris la responsabilité. Je veux dire, c'est le film que j'ai fait. C'était moi, à cette époque, en train de faire ce film. Donc j'en assume la responsabilité. [...] C’était difficile après Pluto Nash d’envisager de se lancer dans une longue période de travail sur un film. L'endurance et l'énergie qu'il faut". On imagine, en effet...

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