Certaines oeuvres sont parfois portées à bout de bras par les studios, qui n'hésitent pas à injecter des sommes astronomiques dans une entreprise toujours périlleuse, sur toute la chaîne de création, de la naissance d'une idée ou concept jusqu'à la projection du film devant un public.
Ce ne sont pas les centaines de millions de dollars dépensés en frais de marketing par les studios qui diront le contraire. Car le succès, malgré ces sommes parfois pharaoniques, n'est pas toujours au rendez-vous. Surtout si l'on considère à titre d'exemple que, pour une oeuvre ayant coûté 100 millions $ à produire, il faut que le seuil de rentabilité soit au minimum 2 à 2,5 fois équivalent au budget de production.
Dans cette perspective, voici trois exemples de films ayant tellement sous performé au Box Office qu'ils ont fini par carrément emporter les studios qui les ont fait.
Terre, champ de bataille
"J'ai une affection particulière pour ce livre. Hubbard était un grand écrivain et j'avais une idée du potentiel du film, un fantasme dans mon esprit qui a duré des années". Ce sont les termes de John Travolta publié dans un article du New York Times en janvier 2008. De quoi parle-t-il ? De Terre champ de bataille.
Réalisé par Roger Christian qui avait débuté comme décorateur plateau dans La Guerre des étoiles et avait été réalisateur de seconde équipe sur Le Retour du Jedi, le film se déroule en l'an 3000, sur une Terre désertique et une humanité en voie d'extinction, sous la coupe des Psychlos. Mais l'héroïque Jonnie Goodboy Tyler (Barry Pepper) va redonner espoir aux terriens survivants...
On retrouve également au casting Forest Whitaker, Kim Coates, Marie-Josée Croze et bien entendu John Travolta, dans un look de mauvais goût absolu avec ses dreadlocks du futur et ses sourcils dignes du Grinch.
Artistiquement ressuscité par Quentin Tarantino grâce à son rôle culte dans Pulp Fiction, John Travolta s'est baladé dans les travées d'Hollywood au milieu des années 1990 pour tenter de convaincre les studios de réaliser une adaptation de ce livre écrit par le fondateur de l'Eglise de Scientologie, à laquelle l'acteur est adhérent depuis 1975. Mais, vu l'origine sulfureuse de son géniteur, autant dire que le sujet était au choix soit hautement inflammable, soit parfaitement radioactif.
Le projet a finalement atterri entre les mains d'une toute jeune structure, Franchise Pictures, fondée en 1997. Adossée à une société de production allemande, Intertainment Licensing, le montage financier se fit aussi avec l'aide de John Travolta, qui croyait dur comme fer au projet.
Il injecta des millions de dollars, espérant faire une adaptation en deux parties du roman. Il avait même accepté de baisser son salaire de 10 millions de dollars en échange du versement de 15 millions lorsque le film atteindrait 55 millions au box-office.
Un voeu évidemment pieux, puisqu'il n'a même pas rapporté 30 millions $ au Box Office international... Terre champ de bataille est considéré comme un des pires films jamais réalisés, comme le pire film de la carrière de John Travolta, et figure en bonne place dans votre Top 25 des pires films de tous les temps selon vos notes.
Officiellement, le film avait coûté la bagatelle de 73 millions $. Mais ça, c'était avant que la Justice (et le FBI) ne mettent le nez dans les registres de comptes... Une plainte déposée en décembre 2000 par la société allemande coproductrice, Intertainment Licensing, révéla que Franchise Pictures avait surgonflé le budget du film, qui était en réalité de 44 millions $. Une pure escroquerie.
En 2004, un jugement a condamné Franchise Pictures à verser à Intertainment 121,7 millions de dollars. Sur cette somme, le fondateur de Franchise Pictures, Elie Samaha, fut personnellement reconnu comme responsable et condamné à verser de sa poche 77 millions de dollars de dommages et intérêts.
Etranglé financièrement, Franchise Pictures se déclara en faillite en août 2007, et fut liquidé.
La Guerre des abîmes
C'est peu dire que le drame du naufrage du Titanic a toujours été une grande source d'inspiration artistique au cinéma. Et, bien entendu, comme souvent, le meilleur côtoie le pire. Parmi les plus connus, le Titanic de James Cameron évidemment, ou encore le formidable Atlantique, latitude 41° de Roy Ward Baker sorti en 1958, véritable modèle pour Cameron d'ailleurs. Et, non, on n'évoquera pas le mockbuster Titanic 2.
Sorti en 1980, La Guerre des abîmes fut l'un des films les plus coûteux développés autour du fameux navire de croisière envoyé par le fond. Réalisé par Jerry Jameson surtout connu pour son travail à la TV dans des séries comme Arabesque, Dallas ou Magnum, le film est une adaptation d'un roman écrit par Clive Cussler, Renflouez le Titanic !, publié en 1976.
Le pitch ? L'armée américaine vient de mettre au point un nouveau système de défense qui requiert un minerai extrêmement rare pour fonctionner. Par chance, l'amiral Sandecker, Dirk Pitt et le docteur Seagram découvrent que le Titanic possédait à son bord une immense cargaison de ce minerai. L'armée décide alors d'aller récupérer le navire, mais ils ne sont pas au bout de leurs surprises...
En voici la bande-annonce...
Sorti cinq ans avant la découverte de l'épave, le film coûta à sa société de production, Incorporated Television Company (ITC Entertainment), près de 40 millions de dollars. Son exploitation au Box Office fut un désastre, puisqu'il rapporta environ 7 millions $.
A peine de quoi payer les 5 millions $ de la grande maquette de 16 m du navire qui fut créée, et qui pesait 10 tonnes. A quoi il fallut ajouter aussi 3,3 millions de dollars pour l'armature soutenant ce monstre. Le plus remarquable, c'est que cette maquette fut construite selon des estimations; l'épave du Titanic n'ayant pas encore été découverte au moment de la production du film.
Toujours est-il que l'addition fut amère pour Lew Grade, producteur du film. "Ca aurait coûté moins cher de faire baisser le niveau de l'Atlantique plutôt que de renflouer le Titanic" lâcha-t-il au journal The Independent.
Le cuisant échec du film contraignit ITC Entertainment à céder à Universal Pictures le catalogue et les droits de ses films jusque-là distribués par sa filiale, Associated Film Distribution. Les années passant et en mauvaise forme financière, ITC Entertainment fut contraint de se dépouiller régulièrement d'actifs, jusqu'à ne plus se consacrer qu'à la distribution pour la télévision. La société ferma définitement ses portes en 1998, à la mort de son fondateur, Lew Grade.
Final Fantasy, les créatures de l'esprit
Final Fantasy est l'une des plus fameuses licences vidéoludiques. Née en 1987 et lancée par Hironobu Sakaguchi, largement entrée dans la Pop Culture depuis, elle est la propriété de l'éditeur nippon Square Enix.
Une véritable martingale et cash machine, avec ses titres déclinés sur tous les supports possibles, et pas seulement sur consoles. Elle est aussi largement déclinée sous la forme d'OAV, à l'image de l'excellent Advent Children, ou, plus récemment, l'impressionnant Kingsglaive.
Sorti en 2001, entièrement réalisé en images de synthèse par son créateur Hironobu Sakaguchi, Final Fantasy : les créatures de l'esprit marquait une révolution dans l’histoire du cinéma. C'était le premier long métrage en image de synthèse ayant pour vocation de représenter des êtres humains de façon réaliste. Et le résultat était, et reste encore avec son récent passage en UHD 4K, effectivement très impressionnant.
En voici la bande-annonce..
Si le film fut distribué par Sony Pictures, Square avait mis sur pied une toute nouvelle structure pour produire le film, Square Pictures. En raison de très nombreuses contraintes techniques, le budget ne cessa d'enfler au gré de la production, pour finalement arriver à une somme astronomique, entre 137 et 145 millions de dollars selon les sources. Rapporté à l'inflation, cela correspond à un budget oscillant entre 235,8 et 249,6 millions $.
Le film ne rapporta qu'un peu plus de 85 millions $ au Box Office international. Un désastre absolu, considéré d'ailleurs comme un des plus gros échecs jamais encaissés au Box Office. Non seulement Square Pictures fut liquidé à la suite de ce fiasco, mais l'échec fut tel qu'il a mis en péril Square, au bord de la faillite. Pour survivre, elle fut contrainte de fusionner en 2003 avec sa principale concurrente sur le marché japonais, Enix.
Avant de mettre la clé sous la porte et licencier ses 125 salariés, Square Pictures réalisa un segment du film collectif Animatrix. Un baroud d'honneur pour une triste fin.