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    Maxxxine au cinéma : le tueur en série du film a-t-il vraiment existé ?
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    Avec "MaXXXine", Ti West clôt la trilogie horrifique entamée avec "X" et poursuivie avec "Pearl". Et il est revenu, avec nous, sur le long métrage et la saga dans son ensemble, pour notamment parler de sa recréation des années 80.

    En 2022, X faisait se croiser l'équipe de tournage d'un film pornographique avec un scénario digne de celui de Massacre à la tronçonneuse, dans le Texas de 1979. Puis Pearl, son prequel centré sur la méchante (également jouée par Mia Goth) nous emmenait à la fin de la Première Guerre Mondiale.

    Aujourd'hui, MaXXXine nous plonge en 1985. Et à Hollywood, où Maxine Minx tente de devenir une star, alors que le Traqueur de la Nuit (vrai tueur en série exécuté en 2013 après avoir été condamné à mort pour avoir commis onze viols et quatorze meurtres) sévit dans les parages.

    Une toile de fond sur laquelle le réalisateur Ti West revient avec nous. Au même titre qu'il nous raconte comme sa trilogie horrifique est née, et son approche des années 80.

    MaXXXine
    MaXXXine
    Sortie : 31 juillet 2024 | 1h 44min
    De Ti West
    Avec Mia Goth, Elizabeth Debicki, Moses Sumney
    Presse
    3,6
    Spectateurs
    3,1
    Séances (40)

    De X à MaXXXine

    AlloCiné : L'idée de faire une trilogie s'est-elle imposée d'emblée, ou est-ce que chaque film a ouvert la voie au suivant ?

    Ti West : Non, tout a commencé avec un seul film, X. J'avais écrit le scénario, j'espérais qu'il aboutisse et A24 voulait le faire, mais le COVID est arrivé et nous n'avons rien pu tourner aux États-Unis. En Nouvelle-Zélande oui, parce que le pays était moins impacté. Nous avons donc eu la chance de pouvoir nous mobiliser très rapidement pour tourner là-bas, obtenir des visas de travail et tout le reste, parce que nous étions prêts à lancer X juste avant que le COVID n'arrive.

    Mais j'ai eu l'impression qu'aller jusqu'en Nouvelle-Zélande, y tourner un film - ce que nous étions alors les seuls sur Terre à faire ! - pour ensuite démolir tout ce que nous avions construit et rentrer chez nous, c'était une vraie opportunité gâchée. J'avais presqu'un besoin désespéré de rester là et de continuer à faire des films, parce que je ne savais pas si nous en ferions à nouveau un jour. J'ai donc essayé de réfléchir à la manière d'en faire plus sur place.

    À l'époque, les trois volets de la trilogie devaient s'appeler X, XX et XXX, en référence à la classification des films pornographiques aux États-Unis

    Sauf que présenter un nouveau film à A24, c'est beaucoup demander. Et faire une suite à X n'avait pas beaucoup de sens parce qu'il ne reste plus grand-monde en vie à la fin. Il ne pouvait donc pas se passer grand-chose dans cette ferme. Mais comme Mia Goth jouait aussi le personnage plus âgé de Pearl, nous pouvions revenir en arrière. Nous avions passé beaucoup de temps et dépensé tout cet argent pour construire cette ferme, pour construire le Texas en Nouvelle-Zélande. Et il y avait une autre histoire à raconter dans cette ferme, à propos du personnage plus jeune.

    C'est ainsi qu'est née l'idée. Et comme il est beaucoup moins cher de repeindre une ferme que de la construire, le deuxième film était moins coûteux, ce qui a séduit A24. Je leur ai dit que nous pouvions faire deux films alors que personne dans le monde ne pouvait en faire un seul, et que cela ne leur coûterait pas beaucoup plus d'argent. Et quand ils ont accepté, je me suis dit que, une fois rentrés chez nous, nous pourrions faire un troisième film appelé MaXXXine.

    À l'époque, les trois volets de la trilogie devaient s'appeler X, XX et XXX, en référence à la classification des films pornographiques aux États-Unis. Mais une fois Pearl écrit, ça n'avait plus de sens de l'appeler XX, donc nous sommes restés sur Pearl. Tout en ayant l'idée de faire MaXXXine, si cela fonctionnait. Et me voici à Paris, en train de vous en parler.

    J'ai l'impression que chaque film a été réalisé en réaction au précédent. Est-ce ainsi que vous les avez envisagés ?

    Ti West : Oui, le but de X était de mettre l'art du cinéma au premier plan. Pour qu'un film sur des gens qui font des films vous fasse réfléchir dessus en tant que spectateur. Que vous soyez autant concentrés sur ce que les personnages font à l'écran que ce que je fais moi en tant que réalisateur. C'est devenu une façon amusante de célébrer ce qu'il y a de bon, de mauvais et de laid dans la réalisation.

    Rien de ce qu'il s'est passé dans les années 1970, avec cet esprit d'indépendance, n'a vraiment eu d'incidence sur Pearl. Donc j'ai réfléchi à la manière de raconter une autre histoire, en gardant ce fil rouge qui est cette passion pour le cinéma et la manière dont elle affecte les personnages. Je l'ai pensée un peu rêveuse et pleine d'espoir, qui se tourne vers les paillettes et le glamour des films pour imaginer la vie qu'elle pourrait avoir. Elle met les films sur un piédestal, d'une manière différente de celle des personnages de X.

    Pour faire évoluer cette idée, prendre Maxine et la placer à Hollywood, dans l'industrie du cinéma, visait à donner une perspective différente sur cette industrie et la façon dont elle l'affecte. Cela a débouché sur deux suites d'un film dont le tissu conjonctif, outre le personnage, était l'effet que le cinéma, le show-business comme les films, avaient sur eux. Pour moi c'était génial, parce que j'ai pu faire un film différent à chaque fois, mais ils restaient liés les uns aux autres. Comme Mia avec ses performances.

    Est-ce qu'ils ont aussi été réalisés en réaction au présent, aussi bien les films actuels et que la société ? Le puritanisme est un peu le grand méchant de l'histoire, et on sait qu'il est de plus en plus présent aux États-Unis, où les droits des femmes sont en danger. La trilogie vous sert-elle à commenter cela ?

    Ti West : C'est difficile à dire. Inconsciemment peut-être, car l'idée n'a pas été de se dire 'Faisons une histoire sur la confrontation avec le puritanisme' mais, ceci dit, les personnages de X étaient un peu libérés pour l'époque. Or, dans le cinéma d'horreur de ce type, ils sont punis par des personnages puritains plus âgés, pour ce mélange de sexe, de drogues et de rock'n'roll.

    J'ai trouvé plus intéressant de voir que les personnages plus âgés étaient tout simplement jaloux, envieux et rancuniers, et cela m'a semblé être une nouvelle perspective sur cette histoire. Et ce thème, ce choc des générations, est devenu partie intégrante du film.

    Cap sur les années 80

    Vous disiez qu'emmener Maxine à Hollywood était la suite logique de son parcours, mais pourquoi avoir situé le récit en 1985 ?

    Ti West : X se déroulait en 1979, et je ne voulais pas aller trop loin dans le temps avec MaXXXine. Je savais donc qu'il se déroulerait dans les années 80. Et ce qu'il y a de particulier avec l'année 1985, et son été plus précisément, c'est que vous avez d'un côté un endroit comme Hollywood, qui est l'un des plus glamour du monde, et de l'autre des bas-fonds sordides avec, en toile de fond, un tueur en série satanique qui assassine des gens sans que l'on ne sache pourquoi.

    Au cours de l'été, les médias ont commencé à faire émerger la figure du Traqueur de la Nuit et en faire une célébrité, afin que les gens aident à le débusquer. C'est la toile de fond de MaXXXine car, au même moment, il y a eu un véritable tollé moral, une vraie résistance contre le heavy metal et les messages potentiellement sataniques qu'elle pouvait véhiculer.

    Et ce qu'il y a de particulier avec l'année 1985, c'est que vous avez d'un côté un endroit comme Hollywood, qui est l'un des plus glamour du monde, et de l'autre des bas-fonds sordides avec, en toile de fond, un tueur en série satanique qui assassine des gens sans que l'on ne sache pourquoi

    Du côté de la politique et du gouvernement, il y avait vraiment cette idée puritaine, pour reprendre vos mots, que quelque chose de moralement mauvais se cachait dans ce qui était produit. C'était l'une des conséquences de l'époque, et cela me semblait être la bonne toile de fond pour mettre en scène l'histoire de quelqu'un qui essaye de réussir à Hollywood : même si c'est sa chance que de pouvoir faire un film d'horreur, il y a des gens qui pensent que ces films ne devraient pas être faits.

    Pourquoi avoir choisi de faire que le Traqueur de la Nuit ne soit qu'une toile de fond ? Presqu'un leurre par rapport à l'histoire de Maxine ?

    Il y a plusieurs raisons. Mais il fonctionne comme la grippe espagnole dans Pearl : cela participe à l'atmosphère de l'époque, et permet de vous situer dans un temps et un lieu. Cela créé un sentiment de danger et des enjeux. Il ne s'agit pourtant pas d'une autre histoire sur le Traqueur de la Nuit, qui a déjà donné lieu à d'autres films et documentaires. Je voulais que ce soit comme si vous viviez et travailliez à Hollywood en 1985 : vous pensez être dans un endroit extraordinaire et glamour, mais il y a un autre aspect de la vie sur place.

    On retrouve dans "MaXXXine" l'esprit de films comme "Maniac" ou des giallos. Quelles ont été vos influences principales ?

    Ti West : Il y en a beaucoup, mais il ne s'agit pas d'un film en particulier. Plutôt d'une époque. Il y a un peu de giallo en effet, avec les gants noirs notamment, et cela faisait longtemps qu'il n'y avait pas eu de giallo américain, donc je me suis dit que nous devions y aller. Et, en ce qui concerne le côté plus sombre d'Hollywood, il y a un certain nombre de films qui font office de capsule temporelle.

    Il y a notamment Descente aux enfers, Angel ou Les Rues de l'enfer. Ils ne sont pas nécessairement comme MaXXXine, mais ils existent dans le même monde. Ce qui est amusant avec les années 80, c'est qu'elles sont souvent représentées aujourd'hui, mais de façon kitsch, pop et commerciale. Quand nous faisions le film, je disais aux gens que Breakfast Club contenait autant de clichés des années 80 que Terminator, même s'ils sont très différents d'un point de vue esthétique.

    Breakfast Club
    Breakfast Club
    Sortie : 11 septembre 1985 | 1h 37min
    De John Hughes
    Avec Emilio Estevez, Anthony Michael Hall, Paul Gleason
    Spectateurs
    3,9
    louer ou acheter

    Et, pour une raison ou une autre, ils considèrent Breakfast Club comme un pur film des années 80, mais pas Terminator. Même si MaXXXine n'a rien à voir avec ces exemples, l'idée était de chercher comment représenter les années 80 sans les montrer à travers la pop culture de l'époque.

    C'est la différence entre votre films et ceux qui montrent une idée fantasmée des années 80, avec des ados qui ont des posters de films qui ont été des échecs à l'époque, comme "The Thing", devenu cool avec le temps.

    Voilà, je voulais donner un sentiment de vécu. Pour cela, si vous faites un film en 1985, tout ce que vous voyez à l'écran ne doit pas dater de 1985. Très peu de choses le devaient même, car les voitures, vêtements ou meubles n'appartiennent pas à la génération qui, à ce moment précis, aurait adopté la tendance la plus populaire.

    Il y en a peut-être un peu, mais on voit trop souvent des films qui ne reprennent que les jambières les plus populaires ou les coiffures les plus étranges de l'époque. Alors que tout le monde ne les avait pas. Si vous regardez les annuaires des lycées de 1985, tout le monde n'a pas l'air d'être sorti de The Wedding Singer, mais c'est ce que tous les films montrent.

    L'un des points communs de "X", "Pearl" et "MaXXXine" est leur manière de parler des rêves. En avez-vous accompli avec cette trilogie ?

    Ti West : (il hésite) Il m'est difficile d'avoir cette perspective, car je suis encore dedans. Cela fait quatre ans et demi que je fais cela sans arrêt et, même pendant que je vous en parle, je travaille encore dessus. J'en suis presqu'au point où je peux me réveiller le matin en me disant que c'est fou d'avoir fait ces trois films.

    Coadic Guirec / Bestimage
    Ti West

    Mais, en ce moment, je suis encore en train de terminer le troisième, d'une certaine manière. Donc je ne saurais dire. Mais à chaque fois que vous atteignez un objectif ou une partie de votre rêve, vous réhaussez d'un cran la barre de vos buts, si vous êtes une personne déterminée et ambitieuse. De sorte qu'à chaque accomplissement, vous vous fixez un autre objectif.

    Mais c'est le bon et le mauvais côté de l'ambition, de l'inspiration et de ce genre de choses : le bon côté, c'est que ça ne s'arrête jamais, et qu'il y a toujours une nouvelle chose à laquelle aspirer. Le mauvais côté, c'est que ça ne s'arrête jamais.

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 5 juillet 2024

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