Acteur, scénariste, directeur artistique, illustrateur, peintre, réalisateur... Roland Topor fut un véritable touche-à-tout. Pour les cinéphiles les plus avertis, il fut entre autre le scénariste d'un film d'animation de science-fiction passé à la postérité, un classique absolu : La Planète sauvage, de René Laloux, sorti en 1973. C'est aussi Roland Topor qui écrivit Le Locataire chimérique, roman kafkaïen publié en 1964, qui servira de base au cauchemardesque film de Roman Polanski.
Les plus anciens parmi vous se souviennent aussi, peut-être, de Téléchat, série télévisée mythique en coproduction belge et française diffusée entre 1983 et 1985, que Topor créa avec Henri Xhonneux. Pastilles quotidiennes de 5 min, elle était présentée par le chat Groucha et son éternel bras en écharpe, et l'autruche Lola. Sous des dehors bon enfant, quoique très étrange et parfois même à la limite du cauchemardesque, Téléchat était aussi une forme de critique de la société.
Tchin Tchin Productions
En 1989, Roland Topor retrouva son complice belge Henri Xhonneux pour un pur OFNI, un objet filmique non identifié. Une oeuvre sulfureuse, complètement folle, inclassable, mettant même, disons-le, plus d'une fois mal à l'aise : Marquis.
L'histoire ? Elle se déroule en 1789. Dans une cellule de la Bastille, le Marquis de Sade écrit clandestinement et débat avec son sexe qui exige d'être satisfait. Une jeune femme enceinte d'un enfant bâtard du roi est emprisonnée non loin de lui. Afin d'éviter le scandale que cette naissance causerait, un prêtre corrompu décide de faire croire que le Marquis est le père du bébé...
A quoi cela ressemble ? A ça, ci-dessous...
Mélangeant cinéma en prise de vue réelle, animatronique et même Clay Motion (animation en pâte à modeler), Marquis est porté par des personnages mi-homme mi-animaux au service d'un univers fantasmatique étrange et cauchemardesque.
Le Marquis de Sade, un homme-chien, disserte sur la condition et la bassesse de l'âme humaine, quand il ne discute pas carrément avec son sexe, qui a sa propre volonté. Entre un cochon unijambiste, un rat bisexuel, un coq gouverneur de la Bastille, ou encore un chameau ecclesiastique (oui oui !), le spectacle offert par le film ressemble à nul autre, ornementé par des dialogues volontairement obscènes et des scènes crues, qui justifient d'ailleurs l'interdiction du film aux moins de 16 ans.
"Tu trouves des gens assez fous pour mettre de l'argent dedans" lâchait Roland Topor en entretien avec Thierry Ardisson en 1989; "c'est plus facile que pour vous les journalistes, qui se disent "comment est-ce que je vais parler du film car ce n'est pas mon public !", avant d'exploser de rire.
Marquis est un film à voir au moins une fois dans sa vie. Il ressort en Blu-ray DVD. Autant dire une vraie rareté aujourd'hui.
