Actuellement au cinéma, Pendant ce temps sur Terre est le nouveau film de Jérémy Clapin, réalisateur français révélé au grand public il y a cinq ans avec son premier long-métrage J'ai perdu mon corps, récompensé du César du meilleur film d'animation et de la meilleure musique originale.
Après J'ai perdu mon corps, le premier film en prises de vues réelles de Jérémy Clapin
Pour son nouveau long-métrage, le cinéaste a décidé de se lancer dans une aventure en prises de vues réelles, un véritable défi pour celui qui s'est toujours illustré avec succès dans l'animation.
Tournant dans des décors réels et dirigeant une troupe d'acteurs porté par la magnétique Megan Northam (Les Passagers de la nuit, Notre-Dame, la part du feu, Salade Grecque), Jérémy Clapin s'est lancé dans le drame intimiste en racontant le parcours de deuil et de résilience d'une jeune femme qui a perdu son frère.
"C'est un désir que j'avais depuis longtemps, la prise de vue réelle. Moi, en tant que spectateur, je regarde plus de films en prise de vue réelle qu'en animation. Il fallait un sujet aussi qui s'y prêtait. Et je voulais donc essayer d'être confronté à une véritable réalité avec des décors naturels, avec le travail des acteurs, tout ça. Je voulais vraiment me confronter à ça.
Et je n'avais aucune expérience vraiment. C'est comme un premier film, donc je n'ai pas trop réfléchi. Sinon, je pense que je ne l'aurais pas fait. En animation, quand tu écris quelque chose, tu peux avoir exactement ce que tu imagines.
Là, j'ai du rencontrer le réel et me confronter à ses contraintes. Ça me plaît aussi beaucoup parce que le film s'écrit aussi pendant le tournage et pendant le montage, alors qu'en animation, on commence par le montage, on contrôle vraiment tout. C'est à la fois très bien, mais aussi un peu moins stimulant."
L'animation est toujours présente
Pendant ce temps sur Terre raconte l'histoire d'Elsa, 23 ans, qui pleure toujours la perte de son frère aîné Franck, spationaute disparu mystérieusement 3 ans plus tôt au cours d’une mission spatiale. Un jour, elle est contactée depuis l’espace par une forme de vie inconnue qui prétend pouvoir ramener son frère sur terre. Mais il y a un prix a payer…
Si ce second long-métrage de Jérémy Clapin est un drame en prise de vue réelle, il touche tout de même à la science-fiction et surtout il est ponctué de petites séquences en animation autour desquelles l'intrigue s'articule et qui lient Elsa et son frère, le ciel et la Terre et les morts et les vivants.
"C'est comme ça que j'ai conçu le film dès le départ. On était à la fois dans la prise de vue réelle sur Terre, dans le réel, mais aussi un peu dans l'imaginaire, avec ce que peut provoquer le récit qui se transforme en animation. Qu'est-ce que ça provoque chez le spectateur ?
Mais qu'est-ce que ça raconte aussi du personnage d'Elsa ? Pour moi, c'est un personnage qui est en proie vraiment à une lutte interne sur le fait de ramener son frère ou pas. Ça se traduit par ces univers très différents qui se percutent dans le film.
Pour les visuels, je voulais une espèce d'animation un peu figée, un animation venue du rétro futur. On peut imaginer que c'est des références de dessins animés qu'elle et son frère voyaient ensemble, mais traités en noir et blanc comme quelque chose qui avait presque existé, dans lequel ils vivaient vraiment. C'est le seul endroit du film où on les voit, finalement, tous les deux, même s'ils sont dans un espace un peu fantôme."
Et ces séquences animées qui évoluent en parallèle de l'intrigue principale ont été conçues avant le tournage, comme des points de rendez-vous, des chapitres, qui ponctuent la trajectoire d'Elsa. Cette construction narrative a permis de ponctuer et d'aider l'écriture du scénario des séquences en prises de vue réelle.
Entre drame réaliste et conte fantastique
Si le film touche à l'animation et à la science-fiction avec une présence métaphorique d'une vie extraterrestre, il n'en reste pas moins très ancré dans une réalité qui devrait laisser peu de place au doute selon Jérémy Clapin :
"Pour moi, tout ce qui se passe, c'est vrai, mais je ne peux pas empêcher les gens de dire que ça ne l'est pas. En tout cas, je fais en sorte que ça existe. Il y a différents types de violences vécus par Elsa dans le film : le deuil, la vieillesse, la perte de mémoire, les agressions,... Elle est souvent ramenée violemment à la réalité sur Terre alors que son esprit part vraiment ailleurs avec les êtres venus d'ailleurs.
Et quand on parle des extraterrestres, c'est toujours à travers notre prisme et notre connaissance du monde et notre imaginaire collectif. Dans mon film, ils ont cette forme un peu de graine quand on les contacte. C'est à la fois une graine d'espoir et une graine de désespoir. Symboliquement, c'était ça que je voulais amener dans Pendant ce temps sur Terre."
Et c'est plus, finalement, la réponse qu'elle a face à ces événements face à des éléments physiques, comment elle se comporte, qui m'a intéressé dans le film, comment elle se bat pour outrepasser un destin qui lui tombe dessus C'est aussi sa façon d'aller au-delà du deuil, parce que son frère a disparu.
Propos recueillis le 18 juin par Mégane Choquet.
Le film "Pendant ce temps sur Terre" de Jérémy Clapin est actuellement au cinéma.